Compte-rendu, opéra. Paris, TCE, le 15 juin 2018. Camille Saint-Saëns : Samson et Dalila. Alagna / Lemieux. Orchestre National de France. Mikhael Tatarnikov (direction). Quelques semaines après avoir triomphé dans le rôle à la Staatsoper de Vienne (aux côtés d’Elina Garanca), Roberto Alagna est venu défendre le rôle de Samson dans sa patrie, au Théâtre des Champs-Elysées, avec comme partenaire la contralto québécoise Marie-Nicole Lemieux en Dalila. Comme on pouvait s’y attendre, Roberto Alagna illustre ténor français campe un Samson à tout épreuve, capable de maîtriser l’éprouvante tessiture du rôle. Les sonorités s’avèrent saines, généreuses, insolentes ; la diction, d’une perfection totale. Il convainc pleinement dans le célèbre « Air de la meule », un phrasé avec beaucoup de nuances et des accents qui expriment toute la souffrance intérieure du héros. On ne doute pas qu’il sortira vainqueur de son prochain défi, qui est de chanter Lohengrin au Festival de Bayreuth cet été.
Dans un Samson et Dalila superlatif,
Nicole Lemieux surclasse Alagna
En Dalila, Lemieux ne lui cède en rien, et se révèle même supérieure à lui en termes de présence scénique : c’est merveille de la voir donner vie à son personnage, en multipliant poses, gestes et autres regards, brossant ainsi un portrait crédible – pour ne pas dire saisissant ! – de cette héroïne dangereuse et séductrice. L’air célèbre « Mon cœur s’ouvre à ta voix » nous enchante par la sensualité qui s’en dégage, le timbre, déjà chaud et rond, se faisant alors de velours. Sa diction est également parfaite et sa ligne de chant mérite les plus vives louanges. Elle récolte un immense succès personnel au moment des saluts, qui lui fait couler quelques larmes….
De son côté, Laurent Naouri est un Grand prêtre de Dagon impressionnant d’autorité et de projection vocale, exemplaire de diction comme ses deux partenaires. C’est un vieil hébreu de haut vol qu’incarne également Renaud Delaigue, conférant à sa partie une vraie noblesse, alliée à une voix ample et chaleureuse. Enfin, la basse russe Alexander Tsymbalyuk (qui chante en ce moment le rôle-titre de Boris Godounov à l’Opéra Bastille) est un Abimélech de luxe, tandis que Loïc Félix, Jérémy Duffau et Yuri Kissin sont tout simplement parfaits dans leurs rôles de Philistins.
En fosse, le fougueux chef russe Mikhail Tatarnikov – directeur musical du fameux Théâtre Mikhailovsky de Saint-Pétersbourg – obtient de l’Orchestre National de France de superbes sonorités et une méritoire caractérisation des différents climats ; surtout, un formidable impact dramatique. Les deux « tubes » orchestraux que sont « La Danse des prêtresses » et la « Bacchanale » bénéficient de tout le raffinement, la sensualité et l’exotisme orientalisant qu’on en attend, et il ne faudra pas oublier de saluer le Chœur de Radio France, sensationnel de cohésion et d’intensité.
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Compte-rendu, opéra. Paris, TCE, le 15 juin 2018. Camille Saint-Saëns : Samson et Dalila. Alagna / Lemieux. Orchestre National de France. Mikhael Tatarnikov (direction)