vendredi 19 avril 2024

Compte-rendu : Noirlac. Abbaye, festival Les Traversées, le 22 juin (1er week end inaugural).

A lire aussi
Les Traversées NoirlacL’abbaye de Noirlac  est un haut lieu patrimonial dans le territoire du Berry et depuis plusieurs années, l’écrin d’un festival estival : Les Traversées – cette année sur 5 wek ends, du 22 juin au 20 juillet 2013. Le festival porte bien son nom en favorisant le voyage comme source de découvertes, de continents sonores et culturels à explorer, d’expérience sonores inédites souvent, déconcertantes parfois, prenantes toujours. L’art des combinaisons magiciennes et des métissages audacieux s’y réalise tout en réservant aussi, lieu d’une histoire sacrée oblige, une place privilégiée aux partitions religieuses.

Chaque week end se présente telle une carte à explorer dans l’esprit préservé des navigateurs explorateurs. En une après midi qui se poursuit dans la nuit, chaque festivalier y puise une source d’étonnantes expériences : les traversées qui s’y déroulent, passent d’une heure à l’autre, d’une musique à l’autre, en autant de passages riches en interrogations, en découvertes, en univers sensibles souvent inédits.

 

 

Défrichement, expérimentations, métissages à Noirlac …

 

Le premier week-end était dans ce sens emblématique d’une approche singulière et variée. Un après-midi à Noirlac occupe le festivalier, de 15h (rencontre avec les artistes à la Salle Capitulaire), jusque tard dans la nuit, après le dernier concert (sur les trois de ce jour), programmé dans l’Abbatiale.
Les lieux du festival, même proches, se distinguent par leur disposition spécifique qui conditionne le déroulement des concerts et la réalité de l’expérience musicale à l’attention des spectateurs. La journée inaugurale du festival Les Traversées 2013 (samedi 22 juin) est révélatrice d’un parcours d’abord géographique : il faut traverser et croiser à plusieurs reprises le cloître pour accéder aux salles investies par les artistes ; après la rencontre (15h) avec Lansiné Kouyaté et David Neerman (de la magie de leur duo percussif enchanteur associant depuis 10 années déjà balafon et vibraphone, lames de bois, lames de fer …), programmés à 18h30, dans le réfectoire des moines, place à 16h30 au programme intitulé  »  La Dame de loin  » (le titre renvoie à l’amour médiéval courtois au temps des croisades), niché au dessus du cloître, dont l’accès se fait par un escalier extérieur au bâtiment et qui donne sur la terrasse surplombant le cloître : sous la charpente impressionnante du dortoir des convers, qui a gardé son architecture de poutres, la soprano folk Kyrie Kristmanson, coiffée d’une toque en fourrure blanche (référence au froid canadien natal) chante les vertiges amoureux des femmes troubadours au temps des croisades ; ponctuation visionnaire et profane dans un monde barbare et guerrier … en français et surtout en anglais, Kyrie envoûte sur les traces des chantres féminines qui ont Moyen-Age défendaient l’amour plutôt que les armes… Voix perchée, claire et envoûtante, d’une sensualité ingénue (subtiles références à Bjork et Diane Dufresne !), la jeune femme s’associe dans ce programme inédit qui est le produit d’une résidence à Noirlac, aux instrumentistes du Quatuor Voce ; une rencontre là encore audacieuse et immédiatement prenante où les climats musicaux tissés par les cordes seules ressuscitent tout un imaginaire médiéval d’un beauté poétique et suggestive planante. La combinaison est frappante ; ses univers, inédits. Un spectacle d’une beauté enivrante. Chapeau pour la performance de ces 5 jeunes musiciens.
A 18h30, rendez vous est donné au Réfectoire des moines au rez de chaussée : l’ampleur minérale de la salle couronnée par deux fleurs de vitraux rappelle les proportions harmoniques d’un lieu dessiné pour la méditation ; rien de mieux, pour cultiver l’écoute du public et la concentration des artistes : les spectateurs découvrent un programme rythmé, métissé, entre lames de bois (balafon) et lames de fer (vibraphone) qui convoque aussi le choeur Aria et la voix américaine grave, ample, si incarnée de la mezzo Krystle Warren… l’équation qui relève de l’expérimentation de sons et textures apparemment improbables se réalise en pure poésie.
Après un dîner complet (et bio) également servi sur place (le festivalier savoure l’organisation parfaite de l’événement), voici l’ample vaisseau de l’abbatiale pour une nouvelle exploration sonore à partir de 21h : à partir d’une instrumentation proche (que des instruments à vent, pas de cordes), Roland Hayrabedian et Musicatreize rapprochent Satie (Messe des pauvres), Stravinsky (Messe) et Maurice Ohana (Cantigas) : déclamative, éruptive, et singulièrement introspective (grâce au chant seul du piano dans l’étonnante Messe de Satie), la musique sélectionnée offre une sublime résonance au lieu naturellement musical. D’un concert à l’autre, le festivalier le temps d’un après midi découvre des musiciens défenseurs de nouveaux territoires, des dispositifs sonores et instrumentaux parfois surprenants ; il s’agit aussi pour l’auditeur d’y relever l’acoustique si changeante d’une salle à l’autre. Noirlac satisfait tous les sens : il existe peu de lieu en France capable d’un tel programme, déroulé avec justesse et naturel, du début de l’après-midi jusque tard dans la nuit. L’expérience vaut d’être vécue. Festival étonnant et majeur. A Noirlac jusqu’au 20 juillet 2013 (encore 3 samedis de juillet : les 6, 13 et 20 juillet).

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

OPÉRA GRAND AVIGNON. VERDI : Luisa Miller, les 17 et 19 mai 2024. Axelle Fanyo, Azer Zada, Evez Abdulla… Frédéric Roels / Franck Chastrusse...

Malentendu, quiproquos, contretemps… Luisa Miller puise sa force dramatique dans son action sombre et amère ; la tragédie aurait...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img