COMPTE RENDU, CRITIQUE, opéra. NANTES, Théâtre Graslin, le 13 mars 2019. Verdi : Un ballo in maschera. Pietro Mianiti / Waut Koeken. Un ballo in maschera occupe une place singulière dans l’œuvre de Verdi. Le fait de mêler le tragique au grotesque ou au bouffon le rapproche du drame shakespearien. L’intrigue est connue et n’a pas besoin d’être rappelée. La mise en scène a fait le choix – évident – de replacer l’action dans son contexte original (la cour de Suède) plutôt que la transposition américaine que le libretttiste et Verdi avaient réalisé pour satisfaire la censure. Coproduction associant Maastricht – dont le metteur en scène (Waut Koeken) est le directeur – à Nancy, Angers-Nantes, Luxembourg, sa première édition avait fait l’objet d’un compte rendu (Le jeu des apparences, Nancy, le 27 mars 2018). Ce soir, en dehors des décors, des costumes et des éclairages, tout change, sinon le rôle-titre, Riccardo (Stefano Secco) et le page (Hila Baggio).
A l’exception du gibet, la plupart des scènes sont de luxueux tableaux, du lever de rideau au magistral finale, placé sous le plafond et l’étagement des loges du San Carlo de Naples. Les décors, renouvelés, les éclairages flattent l’œil. Le plaisir visuel est constant. Il faut souligner la séduction des costumes, somptueux. Le chœur, les figurants, les danseurs qui composent les scènes de foule, remarquablement dirigés, n’appellent que des éloges.
Nouveau Bal Masqué de Verdi par Angers Nantes Opéra
Un BALLO abouti
Le premier rôle masculin, Gustave III, Riccardo, est toujours confié à Stefano Secco, dont on déplorait certaines carences du jeu et du chant à la première nancéenne. Au timbre peu gratifiant auquel on s’accoutume, le chant est engagé, égal dans tous les registres, avec une projection délibérée, des aigus aisés. La composition semble s’être sensiblement modifiée : sans avoir la noblesse du personnage (davantage un roi d’opérette qu’un souverain vertueux et magnanime lorsqu’il vérifie la liste des invités au bal), la jeunesse et la passion sont bien là, à la fois justes et conventionnelles. Luca Grassi incarne le Comte Renato Anckarström, qui, se croyant trahi, le tuera lors du bal. Beau baryton verdien, au souffle long et à la voix sonore, articulée, on regrette seulement un legato peu présent. Monica Zanettin remporte tous les suffrages tant l’Amelia qu’elle incarne est juste, vraie, profondément touchante. La voix est splendide, richement colorée, expressive. Agostina Smimmero nous vaut une Ulrica (Mademoiselle Ardvenson) superlative, aux graves abyssaux, à la tessiture la plus large. Son insolence vocale, avec des intervalles vertigineux et des sauts de registre impressionnants lui confère une crédibilité réelle. Oscar, le page, est toujours Hila Baggio, désinvolte, primesautière, fraîche. Ses coloratures semblent moins assurés qu’à Nancy, mais c’est un détail tant la composition est réussie.
Aucun des seconds rôles ne déçoit, même si nous ne pouvons les citer tous. Les deux conspirateurs (Sulkhan Jaiani et Jean-Vincent Blot) sont puissants, bien timbrés, aux graves solides. Le marin, Christian, que chante Pierrick Boisseau, fait forte impression et on espère l’écouter bientôt, tant la voix est prometteuse.
Les nombreux ensembles dont Verdi a enrichi l’ouvrage sont autant de moments de bonheur. Le Chœur de l’Opéra, malgré quelques décalages ponctuels, se montre réactif et engagé. Quant à l’orchestre, remarquablement dirigé un Pietro Mianiti nerveux et ample, il déçoit quelque peu. Des soli instrumentaux quelconques, des cordes maigres (en dehors des violoncelles), il lui faudra passer le premier acte pour atteindre l’aisance au deuxième, et la plénitude au dernier.
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Compte rendu, opéra, Nantes, Théâtre Graslin, le 13 mars 2019. Verdi : Un ballo in maschera. Pietro Mianiti / Waut Koeken. Crédit photographique © JM Jagu / Angers Nantes Opéra…