Claudio Monteverdi
Poppée, 1642
Le Couronnement de Poppée

France Musique,
Lundi 28 juin 2010 à 20h
Princes pervers
Dans l’opéra de Monteverdi, tout oeuvre à l’accomplissement victorieux d’un couple de jeunes princes
pervers, Nerone et Poppea, acteurs/victimes d’un amour irrépressible, dévorant,
destructeur. Folie terrifiante que celle des hommes livrés à leur
passion incontrôlée. Chaque lecture insiste différemment sur cette
horreur à l’oeuvre.
Opéra cynique, partition sans complaisance, l’ouvrage créé en 1642 à Venise, témoigne de la modernité inégalée de l’opéra vénitien du premier baroque italien. Monteverdi et son librettiste Busenello font le portrait d’une humanité inhumaine, d’un clan politique asservi aux passions sensuelles, sacrifiant toute raison, toute mesure, tout humanisme…
Il appartient aux interprètes de choisir entre deux
versions parvenues jusqu’à nous, manuscrit de Venise ou copie de Naples
: sources divergentes exigeant de l’interprète d’opérer un choix et
d’adapter donc de trancher.
L’orchestre, resserré à l’origine, propre au petit volume des théâtres vénitiens du XVIIè, met en avant la vocalità des chanteurs acteurs…
Brûlante sensualité
Les auteurs offrent une palette particulièrement contrastée des passions représentées comme des caractères : infantilisme
pervers du couple principal Néron/Poppée contre lequel personne, ni
l’épouse (Octavie), ni le maître à penser (Sénèque) ne peuvent
s’élever. Voici donc une allégorie superbe de la passion dévorante qui
soumet l’ordre moral et le devoir mais surtout les protagonistes
eux-mêmes : l’Incoronazione stigmatise la brûlante sensualité des êtres
qui ne s’appartiennent plus. L’épouse officielle de l’empereur Ottavia en ressent cruellement le poison inévitable: elle est répudiée sine die. Et Sénèque… condamné à la peine capitale. Monteverdi et Busenello, satiriques, dénonce aux côtés de la lâcheté politique et ses contradictions immorales, la corruption et la vénalité du philosophe…
A ce
quatuor principal, correspondent des seconds rôles parfaitement brossés. Lucain frénétique ; Arnalta la nourrice, maternelle et confidente de Poppée, pimentée et pleine de ce réalisme trivial mais sensé, propre aux personnages comiques et plébéiens, mais aussi Fortuna et Valletto, doubles amoureux plus légers et insouciants du couples héroïques des intriguants Poppée/Néron…
Sur la scène du théâtre, le couronnement
de Poppée célèbre le triomphe du vice. Indigne effet des passions face
à l’harmonie céleste. Ici, dérèglement des hommes ; plus haut, en un
ailleurs désormais inaccessible, ordre
souverain de la Nature …
Claudio Monteverdi:
L’Incoronazione di Poppea, dramma in
musica en un prologue et trois actes sur un livret de Gianfrancesco
Busenello. Les Arts Florissants,
direction : William Christie.
Concert donné le 30 mai 2010, Salle Pleyel à Paris
Claudio Monteverdi
Le Couronnement de Poppée
Livret de Giovanni Francesco Busenello
Danielle de Niese, Poppea
Anna Bonitatibus, Ottavia
Philippe Jaroussky, Nerone
Max-Emmanuel Cencic, Ottone
Robert Burt, Arnalta
Claire Debono, La Fortuna, Pallade, Venere
Hanna Bayodi-Hirt, Amore
Katherine Watson, La Virtu, Damigella
Juan Sancho, Soldato, Consulo, Famigliare
Ana Quintans, Drusilla
Antonio Abete, Seneca
José Lemos, Nutrice
Damian Whiteley, Mercurio, Littore, Tribuno, Famigliare
Suzana Ograjensek, Valetto
Andreas Wolf, Liberto, Tribuno
David Webb, Soldato, Consulo
Les Arts Florissants : choeur et orchestre
Direction : William Christie
Illustrations: Monteverdi, Sabina Poppea (buste romain),
portrait présumé de Claudio Monteverdi par Bernardo Strozzi (DR)