jeudi 8 mai 2025

Chambord. Le 30 juillet 2011. 1er festival de Chambord. Brahms: Concerto pour violon et orchestre (Augustin Dumay, violon). Tchaïkovski: Symphonie n°5. Orchestre Symphonique Région Centre Tours. Jean-Yves Ossonce, direction.

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Après un Concerto de Brahms tenu avec style par le violoniste convié pour le concert de clôture (Augustin Dumay), les festivaliers de ce premier festival de musique à Chambord sont frappés par la déferlante expressive d’une Cinquième de Tchaïkovski embrasée par Jean-Yves Ossonce: ils découvrent sous la voûte étoilée, avec comme décor de fond, l’architecture du château, l’acoustique naturellement idéale du lieu désormais dédié chaque été en juillet, aux concerts.
L’idée d’y développer un festival de musique s’impose d’autant plus à Chambord, où fut créés plusieurs divertissements baroques de premier plan, où même une scène théâtrale fut installée sous l’impulsion de son propriétaire le Maréchal de Saxe, que le son renvoyé par les façades minérales, étonne par sa clarté, sa présence, sa richesse harmonique. C’est l’un des plus cadeaux offerts aux visiteurs et aux festivaliers à Chambord.
Ce que l’on pensait dilué et pour une part perdu, est ici restitué avec un relief saisissant: jamais l’orchestre conduit par Jean-Yves Ossonce n’a semblé mieux investi, ni coulé avec une tension permanente et fluide.

Tchaïkovsky, juste et éruptif

La 5ème de Tchaïkovski est un monument symphonique: massif taillé à grands coups et si intimes où dans le cycle des reprises d’un seul motif à travers chacun des mouvements, se précise non plus l’agilité d’une écriture qui excelle à varier chaque répétition, mais plutôt l’affirmation d’une volonté contre le destin : la détermination d’un combat personnel contre la persistance d’une malédiction secrète dont les racines sont à retrouver dans la vie du compositeur même. Les lettres de Tchaïkovski pendant la composition, et l’écriture simultanée de l’ouverture Hamlet confèrent évidemment à la partition une indéniable charge autobiographique; pourtant jamais bavarde ni répétitive (malgré la présence du motto dans chaque épisode enchaîné), le cycle symphonique s’accomplit comme la réalisation d’une lente prise de conscience; du chaos intérieur à la révélation d’une identité retrouvée et finalement triomphante (le majeur final). Entre les deux extrémités, du début à la résolution, l’orchestre passe par tous les états émotionnels les plus sombres voire tragiques. Il n’y a pas cette ironie mordante, ce cynisme glaçant comme chez Mahler et plus tard, Chostakovitch; mais déjà Tchaïkovsky y porte comme une transformation radicale et salvatrice , l’expression exacerbée du fatum d’où jaillit après une lutte de longue haleine, la revanche des pulsions de vie.
C’est toute la valeur de la direction du chef français que de nous immerger dans ce tumulte intérieur; il n’en fait pas un théâtre larmoyant ou démonstratif des vertiges de l’âme; mais grâce à la subtilité d’une baguette qui cherche la clarté sans sacrifier la puissance voire la violence (et même la sauvagerie), Jean-Yves Ossonce s’inscrit dans la veine des grands maestros russes (Mavrinsky ou actuellement Mariss Jansons): soudain surgit cette urgence et ce souffle où les dialogues entre les pupitres révèlent l’incandescence d’une souffrance à peine maîtrisée comme un torrent de lave. Au chef revient le mérite de conduire ce flot impétueux comme un architecte: il en sculpte les arêtes vives; la force irrépressible avec une couleur amère et sauvage; mais aussi, l’esprit oublieux soudainement apaisé. L’intelligence des contrastes, la ligne expressive et la tenue dynamique faisant entendre des nuances de timbres ou d’intonation sont éblouissantes: la maîtrise du chef apporte au 1er festival de Chambord, pour sa clôture, cette note flamboyante et investie qu’il méritait. Très grande soirée symphonique dans un château devenu l’espace d’une soirée, la plus belle salle de concert au monde.

Chambord. Le 30 juillet 2011. 1er festival de Chambord. Brahms: Concerto pour violon et orchestre (Augustin Dumay, violon). Tchaïkovski: Symphonie n°5. Orchestre Symphonique Région Centre Tours. Jean-Yves Ossonce, direction.
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