CD, critique. GOUNOD : Le Tribut de Zamora 1881. Livre, 2 cd, BRU ZANE, collection « Opéra français » / French opera / H. Niquet. 2018, année musicale riche. De Debussy à Gounod, le génie français romantique et moderne sort du bois et est plus ou moins honorablement servi par les institutions et initiatives privées. Ainsi cet enregistrement de l’opéra de Gounod, oublié, écarté depuis sa création, Le tribut de Zamora qui renaît par le disque après avoir occupé l’affiche munichoise (janvier 2018). Idem pour un Cinq Mars lui aussi méconnu, oublié, ressuscité à Munich…en 2015.
A Paris, on se souvient des récents Faust (Bastille), Nonne Sanglante (Opéra-Comique)… alors que Roméo et Juliette tarde à revenir à Paris, – quand l’Opéra de Tours en avait offert une sublime production, voici donc ce Zamora, espagnolade et peinture d’histoire, à l’efficacité dramatique indéniable, et aux joyaux mélodiques et orchestraux, irrésistibles. Dans cette Espagne du Xè, marqué par la présence arabe, le compositeur joue avec finesse de l’orientalisme coloré, sensuel dont use et abuse avec un génie de l’harmonie, son contemporain et peintre (d’Histoire), Gérôme.
L’air de Xaïma (I), la vente des esclaves et les danses ibériques qui s’en suivent au II, … accréditent une partition douée de séduction, qui à sa création en 1881, suscita un réel succès.
L’ultime opéra de Gounod saisit comme Roméo et Faust par sa coupe expressive que le chef ici prend à la lettre, infligeant parfois des coups et des accents un peu secs et souvent raides. La direction ne manque jamais d’engagement mais elle force le trait et virilisant trop Gounod, finit par le durcir.
Parmi les chanteurs, saluons l’aplomb de Hadjar de Boris Pinkhasovich (cependant guère intelligible), la « folle » Hermosa, prenante, incarnée, très présente théâtralement de l’américaine Jennifer Holloway : la chanteuse rétablit l’importance de ce personnage grâce auquel le couple central Xaïma / Manoël peut enfin s’aimer; Edgaras Montvidas fait un Manoël ardent, parfois appuyé et lui aussi manquant comme souvent de véritable finesse. Presque diabolique à ses débuts, – en cousin de Méphisto, l’excellent baryton grec Tassis Christoyannis exprime l’humanité grandissante du musulman Ben-Saïd, une sincérité inédite quand il confesse sa passion à la belle Xaïma (Judith van Wanroij, elle aussi totalement inintelligible).
Pour conclure, l’enregistrement sans être indiscutable et réellement pertinent, a le mérite de nous révéler un opéra à réestimer. Avec une mise en scène intelligente et une distribution francophone digne de Gounod, la partition pourrait enfin vivre une résurrection méritée. A suivre.
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CD, critique. GOUNOD (1818-1893) : Le Tribut de Zamora 1881. Livre, 2 cd, BRU ZANE, collection « Opéra français » / French opera / H. Niquet.
Opéra en quatre actes, livret de Jules Brésil et Adolphe d’Ennery
Créé à l’Opéra de Paris, le 1er avril 1881
Xaïma : Judith van Wanroij
Hermosa : Jennifer Holloway
Manoël : Edgaras Montvidas
Ben-Saïd : Tassis Christoyannis
Hadjar : Boris Pinkhasovich
Iglesia / Une esclave : Juliette Mars
L’Alcade Mayor / Le Cadi : Artavazd Sargsyan
Le Roi / Un soldat arabe : Jérôme Boutillier
Chœur de la Radio bavaroise
Orchestre de la Radio de Munich
Hervé Niquet, direction
Enregistré au Prinzregententheater, Munich, en janvier 2018 /
1 livre + 2 CD – 73:44 + 67:29