CD, compte rendu critique. PORPORA : OPERA ARIAS par Max Emanuel Cencic (1 cd Decca). Peu à peu se révèle l’ampleur des champs lyriques baroques explorés et défendus par le contre-ténor, plus altiste que sopraniste, à l’agilité à présent maîtrisée dans le medium d’une voix plus large et sombre qu’éclatante. Evolution naturelle, son timbre s’est « tassé » dans le milieu de la tessiture car l’élasticité et les aigus se sont tendus. Il enregistrait Germanico in Germania, à l’été 2016 (enregistrement qui garde ainsi la mémoire du festival d’Innsbruck 2015, – belle résurrection, salué par CLASSIQUENEWS) ; voici une nouvelle exploration salutaire dans le monde si conventionnel de l’opéra seria napolitain, où prime surtout la virtuosité, moins la caractérisation. D’ailleurs dans ce GERMANICO révélé (créé à Rome en 1732), le chant rien qu’agile et pétaradant de la très agile Julia Lezhneva (Ersinda) rappelle tout ce qu’a de finalement limité un style uniquement orienté par le clinquant, certes magnifiquement mécanisé.
Plus trouble, proche toujours du texte et juste dans ses intentions au regard des situations dramatiques et de leur caractère, Cencic dans ce nouveau florilège d’airs d’opéra de Propora – certains en première mondiale (7 sur 14), réussit à nous captiver grâce au métal souple et charnel de son timbre même tassé. En mars et septembre 2017, et en studio pour Decca toujours, le contre-ténor croate né en 1976, ressuscite ou recrée plusieurs tubes composés entre 1728 et 1740 pour les cités lyriques que sont Venise, Naples, Rome, et aussi Dresde… et même Londres, où la mécanique virtuose de Porpora fut invité à grands frais et grands enjeux, pour dévisser l’aplomb du Saxon Haendel / Handel.
Dans la vivacité guerrière conquérante, ou la hargne revancharde voire colérique, le timbre sait scintiller de milles feux. Sans omettre l’alanguissement plus tendre voire intérieur (Filandro : « Ove l’erbetta… ») : la palette des affects / sentiments relève d’une précision systémique, dont l’élève de Porpora, Farinelli, fut le meilleur et légendaire emblème. Malgré l’écriture répétitive d’un Porpora quand même démonstratif, le soliste sait varier et nuancer l’enjeu expressif voire poétique de chaque séquence. Dans ce kaléidoscopes de scènes pastorales et martiales, l’ambitus sombre donc profond de Cencic sait nous captiver donc, d’autant que les instrumentistes d’Armonia Atenea et son chef George Petrou redoublent d’accents âpres et expressifs d’une indiscutable tension ciselée. Passionnant.
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CD, compte rendu critique. MAX EMANUEL CENCIC : PORPORA Opera arias (1 cd Decca, 2017).