CD, coffret compte rendu critique. Igor Markevitch : the complete EMi recordings, 18 cd Erato. Igor Markevitchn né en 1912, exact contemporain de Celibidache, fut d’abord un compositeur puis un chef d’orchestre. L’un des apports du coffret reste l’enregistrement par le chef lui-même de son ballet L’envol d’Icare, prise mono belge de 1938, d’une coupe affûtée, mordante, comme son visage aux arêtes vives et pénétrantes : un clair manifeste d’une froide précision quasi chirurgicale. D’origine russe, Markevitch est formé à Paris par Alfred Cortot et Nadia Boulanger. Passionné par la musique de son temps, il dirigea pour la première fois à l’âge de 18 ans et connut une carrière éblouissante qui conduisit le producteur d’Emi Walter Legge à lui proposer d’enregistrer pour la firme britannique dès 1949. D’un scrupule acéré voire incisif (préfigurant ainsi un certain Solti), esthétiquement marqué par la tendance postmodernisme néoclassique plutôt réaliste, en rien lyrique et romantique, Markevitch travailleur acharné et grand connaisseur des partitions, affirme un style précis, plus rythmique qu’hédoniste, écartant tout pathos, d’une rare intensité expressive cependant. Sa clarté analytique excelle dans Stravinsky dont il fut le fier et irréprochable défenseur du Sacre (d’où pas moins de 2 versions ici, avec le Philharmonia orchestra en 1950 et 1959).
Chef surtout symphonique, Markevitch laisse néanmoins deux opéras en version intégral : une passionnante Vie pour le Tsar, l’opéra patriotique en quatre actes de Glinka (avec Lamoureux en 1957, réunissant une distribution quasi idéale : Boris Christoff, Teresa Stich-Randall, Nicolai Gedda…) et dans un tout autre registre, avec l’Orchestre Lamoureux toujours, La Périchole d’Offenbach, toute en verve en 1958 (avec Suzanne Lafaye dans le rôle titre).
Le coffret de 18 cd regroupe les enregistrements réalisés pour EMI entre 1949 et 1969 : soit 20 ans d’une carrière piloté avec une rigueur volcanique, un appétit musical mené tambour battant (il ne devait jamais rester plus de 2 ou 3 ans, sauf exception au même poste : mais sa direction pédagogique a laissé partout une trace mémorable). Ici, Markevitch conduit dans les années 1950, les orchestre français : « National de la Radiodiffusion française » (1954-1956), Lamoureux (1957-1958), Orchestre de Paris (1969), surtout le Philharmonia Orchestra (1950-1959) en contrat exclusif avec Emi et Legge (curieux, audacieux, moderne, c’est à dire favorisant les créations et les œuvres du XXè siècle, le goût de Markevitch couvre ici les répertoires baroque, classique, romantique et du 20e siècle (dont par exemple Prokofiev ou Britten). De nombreux inédits font de ce coffret un corpus de première importance, pour amateurs et connaisseurs : les ouvertures de Verdi (Londres, 1949-1951), Carnaval des Animaux de Saint-Saëns (Londres, 1954 avec Géza Anda et Béla Silki) ; Pierre et le loup de Prokofiev (1950), Young Person’s Guide to the Orchestra (1954) de Britten ; Romeo et Juliette de Tchaikovsky (1954); une Nuit sur le mont chauve de Moussorgski (Paris, 1954) ; les Danses Polovtsiennes de Borodine (Paris, 1954) ; Concerto Grosso de Haendel (Orchestre Sainte Cécile de Rome, 1950); et aussi les Variations sur un thème de Haydn de Brahms (Londres, 1951)…
Son ascendance russe explique sa déférence pour les auteurs russes : Tchaikovsky, Moussorgski, Borodine, Glinka, mais aussi Prokofiev et Chostakovitch (Symphonie n°1, Paris 1955), sans omettre le plus vénéré, Stravinsky (les deux Sacres, Suite n°2, Divertimento, surtout Pulcinella, suite d’après Pergolesi (Paris, 1954)… Parfois électrique, souvent expressive jusqu’à l’incandescence, la direction de Markevitch foudroie, captive par ses audaces, la précision du trait et la détermination stylistique. Legs inestimable.
CD, coffret compte rendu critique. Igor Markevitch : the complete EMi recordings, 18 cd Erato