mercredi 17 avril 2024

CD, compte rendu critique. Joyce & Tony : Joyce DiDonato, mezzo-soprano et Antonio Pappano, piano (1 cd Erato 2014)

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joyce-tony-didonato-pappano-recital-live-at-wigmore-hall-septembre-2014-2-cd-ERATO-cd-review-compte-rendu-critique-CLASSIQUENEWSCD, compte rendu critique. Joyce & Tony : Joyce DiDonato, mezzo-soprano et Antonio Pappano, piano (1 cd Erato 2014). Erato nous lègue un superbe programme né de l’entente artistique entre une diva et un pianiste prêts à toutes les nuances… D’abord, la diva américaine s’impose en début de récital dans un long monologue, enrichi de traits pianistiques ciselés il est vrai (tout l’art du Pappano complice se dévoile dès le début), qui redevable de l’esthétique raffinée des Lumières, met en avant son style de belcantiste affûtée… Haydn, admirablement défendu ici, se plaît à détailler chaque saillie intérieure de l’héroïne, son Ariane palpite continûment : du pardon à la rage, car ici malgré le désir d’oubli, l’abandonnée par Thésée, figure de l’amoureuse démunie et trahie,ne peut écarter la brûlure de l’abandon ni la morsure de la trahison. Un cœur blessé qui n’arrive pas à maîtriser sa haine irrépressible… La cantate de 1789, que Haydn prit soin encore de jouer lors de sa tournée à Londres, semble résumer toutes les passions du coeur humain.
Louons surtout les accents maitrisés d’une râgeuse expressivité linguistique : toutes les nuances d’un cœur trahi s’y succèdent : invectivant, languissant, et bientôt murmurant au souvenir des effusions passées et perdues, enfin l’appel à la paix intérieure et surtout le poison de l’aigreur outragée qui en fin de cantate (presque 20mn quand même!), emporte la fin de l’épisode. La longueur du souffle, la justesse contrôlée de l’émission, l’éclat des nuances vocales et l’articulation sont splendides.

La facétie des Rossini fait un heureux contraste: Beltà crudele (1821) en particulier fait surgir en filigrane, cet humour parodique propre au compositeur italien romantique. La riche palette expressive de la mezzo l’aborde avec un feu et une passion, d’autant mieux chauffés par la cantate de Haydn. La révélation vient des chants du soir (1908) du napolitain Santoliquido dont le style se rapproche par son expressivité linguistique des véristes italiens :  surtout son inspiration mélodique si ardente et passionnée se révèle …. finement puccinnienne. A croire que le compositeur passe en revue en offrant leur profil le plus intense, chaque héroïne qu’a portraiturée Puccini : Tosca, Mimi, Cio Cio San semblent paraître dans l’incarnation palpitante toujours proche du texte qu’en offre la diva du Kansas. La couleur tragique, filigranée par le ruban embrasé de Joyce, fait merveille dans la dernière mélodie parfois extatique souvent échevelée signée De Curtis (Non ti scordar di me), prière amoureuse radicale, dont la diva habitée laisse un témoignage halluciné, d’une ivresse enchantée.

C’est un prélude dramatique idéal pour la seconde partie du récital qui regroupe des songs du Nouveau Monde, si proche  par leur jeu expressif des airs et mélodies d’opéras initialement abordés. La chanteuse y déploie une réelle habileté sensible, en diseuse autant qu’en actrice, et dans l’américain, fait étinceler comme dans l’italien, les mille nuances d’un cœur touché, ivre, parfois facétieux (Kern : Life upon the wicked stage) ou parodique : mais à travers les 14 chansons qui empruntent pour beaucoup à la fantaisie délirante de Broadway, c’est l’art de la tragédienne et de l’amoureuse enchantée, enivrée qui surgit et s’affirme d’épisode en séquence, vrais opéras en miniature. La DiDonato sait incarner et nuancer un personnage avec une vibration remarquable, y compris dans sa variation brésilienne (Food for Thought de Villa-Lobos ; extrait de sa Magdalena de 1948)… 3 « encore »/bis confirment cette rage expressive subtilement contrôlée : chacun standard célébrissime, My funny Valentine de Rodgers et Hart de 1937, All the things you are d’Hammerstein de 1939 (et qui marqua les adieux de Kern à Broadway), I love a piano d’Irving Berlin (1915 : clin d’œil à peine voilé au pianiste en parfaite entente) sans omettre l’enchanteur Over the rainbow, l’éternelle prière écrite pour Le Magicien d’Oz de 1939. La sensibilité palpitante de la cantatrice régale son auditoire dans ce live londonien des 6 et 8 septembre 2014, où se dévoile une complicité rare avec le Pappano pianiste.

CD, compte rendu critique. Joyce & Tony : Live at Wigmore Hall. Joyce DiDonato, mezzo-soprano et Antonio Pappano, piano. Haydn, Rossini, Santoliquido. Foster, Kern, Berlin, Villa-Lobos, Rodgers, Nelson, Dougherty… Récital live enregistré au Wigmore Hall de Londres, les 6 et 8 septembre 2014. 2 cd Erato 0825646 107896.

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