samedi 26 avril 2025

Carlos Kleiber (1930-2004). Les 80 ans Portrait du chef d’orchestre

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Carlos Kleiber
Portrait pour les 80 ans de sa naissance
1930-2004

Le 13 juillet 2010 marque le 80è anniversaire de la naissance de Carlos Kleiber, un immense chef d’orchestre, génie de la baguette qui éblouit la planète classique et les scènes du monde entier, à l’époque où Karajan règnait sur la vie musicale européenne. Charismatique, extravagant voire mystérieux, certainement réservé et secret, Carlos Kleiber, né berlinois, qui se forma en Argentine, nous a quitté le 13 juillet 2004. Son legs musical tient de la légende, un astre dont on devine et reconnaît de mieux en mieux l’inestimable valeur même si Karajan, omniprésent chez DG, continue d’occuper la première place sur le plan médiatique et commercial. Bien qu’adulé par ses instrumentistes et le public, l’homme n’entendait pas se laisser absorber par une quelconque routine: il n’accepta jamais un poste permanent a contrario des chefs actuels qui jouent des intrigues et des coudes pour se placer ici et là. Il déclina la proposition des musiciens du Philharmonique de Berlin à la succession de Karajan. Jusqu’à la fin de sa carrière, il n’a souhaité que diriger et approfondir les opéras et les symphonies qu’il préférait. Rester au service de la musique jusqu’à la fin.

Né à Berlin, le 3 juillet 1930, Carlos est comme son père, le non moins immense Erich Kleiber (Vienne, 1890-Zurich, 1956), chef d’orchestre. C’est le père Erich qui directeur musical à l’Opéra de Berlin, crée Wozzeck de Berg en 1935. Bien que non juifs, les Kleiber quittent le Berlin nazifié dès 1935 et émigrent en Argentine. Le père dirigera au Teatro Colon à Buenos Aires, de 1936 à 1949.

En Argentine, même si l’on ne sait guère précisément si le père soutient ou redoute la vocation musicale de son fils, Carlos apprend le piano et les timbales. Cette double approche de la musique aura des répercussions dans son futur travail orchestral. Le jeune musicien chante et compose tout autant. A Zurich que la famille a rejoint après la guerre, (1949), le jeune homme entreprend des études de chimie. Parallèlement, Erich Kleiber refuse les postes qu’on lui propose au Met et à Covent Garden. Homme sans compromission, le père a marqué le milieu musical. Comme il s’était fâché avec les nazis, Erick Kleiber rompt toute activité avec les communistes de l’Allemagne de l’Est.

En 1950, Carlos décide de retourner à Buenos Aires. Dès 1953, à 23 ans, Carlos Kleiber fait ses premiers pas comme chef au Théâtre de La Plata. Dès le départ, sa compréhension des oeuvres et son respect total des partitions comme sa volonté d’en approfondir le sens, se situent dans la lignée de Gustav Mahler, Bruno Walter, Toscanini, Fritz Busch… Et surtout de son père Erich, dont l’intransigeance reste célèbre lui qui demanda pas moins de 34 répétitions préalables pour réussir le création de Wozzeck en 1935! Le travail n’a pas de prix et la lignée des Kleiber le démontre de façon spectaculaire.
En Europe, Kleiber fils se fait appeler Karl Keller (volonté de rompre avec la figure du père et son héritage musical?): il devient répétiteur à Munich (Gärtnerplatz Theater), dirige à Postdam; reprend sa fonction de répétiteur à l’Opéra de Düsseldorf (1956-1958): il y devient directeur musical en 1958. Sa carrière est lancée: après Düsseldorf, il dirige l’Opéra de Zürich (1966-1968) et est nommé directeur musical au Staatstheater à Stuttgart (à 36 ans).


A Munich, l’anti Karajan…

Il dirige Wozzeck, créé par son père, en 1966 au festival d’Edinburgh (à partir de la partition préparée par son père pour la première de l’oeuvre en Grande Bretagne en 1951). Très vite ce travailleur forcené s’écarte du commerce de la musique: il est l’anti-Karajan par excellence. Musicien de l’ombre, et comme nous l’avons dit, serviteur de la musique. Kleiber refuse les interviews, prétexte de ne pas avoir les mots pour cela. Il est aussi particulièrement sensible aux mauvaises critiques. Comme à ceux qui aimaient comparer les manières des deux chefs, évoquer le père pour enfoncer le fils. Ce que beaucoup firent en particulier à propos de sa 5è de Beethoven pour DG que le père avait précédemment enregistré pour Decca.
De 1968 à 1978, Carlos Kleiber dirige le Bayerische Staatsoper de Munich. Comme Mahler à Vienne (1897-1907), Kleiber à Munich réalise une décennie miraculeuse, au service de l’opéra et des concerts symphoniques. Ses ouvrages lyriques se concentrent sur quelques pièces choisies dans l’école germanique évidemment et italienne: Wozzeck (atavisme lié à l’oeuvre du père?), Elektra, Rosenkavalier, Tristan und Isolde, Die Fledermaus, et côté latins, La Bohème et Traviata...). C’est peut-être peu ou confidentiel pour certains mais au regard du résultat de chaque lecture, immense. Comme son père, Carlos est intraitable quant au nombre de répétitions préalables: pas moins de 3 semaines d’un dur et permanent travail pour La Bohème à Covent Garden! Conditions inimaginables aujourd’hui.

A cette époque, le chef fait ses débuts au Staatsoper de Vienne et à Bayreuth, à partir de 1973. Il dirige Tristan und Isolde pendant 3 années consécutives, à Bayreuth, de 1976 à 1978. C’est aussi la reconnaissance à Covent Garden et à la Scala de Milan (Le Chevalier à la Rose, Der Rosenkavalier, l’un de ses opéras fétiches).
A partir de 1973, Carlos Kleiber signe un contrat avec Deutsche Grammophon: même s’il est perfectionniste, le chef accepte d’être enregistré: il en découle un legs cd et dvd absolument légendaire dont la ferveur et l’engagement illustrent le métier et la philosophie du maestro berlinois.
Après les grandes scènes européennes dont Paris est hélas exclu, les USA lui ouvrent leurs portes: Kleiber II dirige le Symphonique de Chicago (1979), puis c’est le Met à New York à partir de 1983. Le début des années 1980 voit aussi ses débuts à la tête du Philharmonique de Berlin où domine Karajan.
Non mercantile Kleiber pas si sûr? Alors qu’il est le chef officiel pour
diriger le Concert du Nouvel An au Musikverein de Vienne en 1989, le
maestro n’hésite pas à marchander au meilleur offrant les droits
d’enregistrement, s’entretenant comme à son accoutumée, directement (il
n’a jamais eu d’agent pour négocier ses contrats), avec les responsables
marketing de DG, Emi et Sony CBS. C’est finalement DG qui raflera la
mise au prix d’une enveloppe astronomique.

Très jaloux de son intimité, le maestro vivait près de Munich dans un lieu isolé, perché sur une montagne avoisinnante. Marié à une danseuse de ballet d’origine slovène (Stanka), Carlos Kleiber se retire en Slovénie où il succombe des suites d’une longue maladie à l’âge de 74 ans, le 12 juillet 2004.


Enregistrements Kleibériens

La collaboration avec DG s’ouvre royalement au début des 70’s avec Carl Maria von Weber (der Freischütz avec la Staatskapelle Dresden que son père dirigea à de nombreuses reprises et dont il se sentit toujours proche). Sa Symphonie n°5 de Beethoven avec le Philharmonique de Vienne reste un autre jalon légendaire. Les réussites s’enchaînent: Symphonie n°7 de Beethoven à Vienne, et La Chauve Souris de Johann Strauss II à Munich en 1976, La Traviata de Verdi (1977), Carmen (1978, live de l’Opéra de Vienne), également à Munich, Symphonie n°3 et inachevée à Vienne (1979), Symphonie n°4 de Brahms à Vienne, Tristan und Isolde à Dresde (1982).

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