vendredi 25 avril 2025

Cadmus et Hermione, livre-programme Publication de l’Opéra-Comique, janvier 2008

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Pour sa première saison lyrique, le Théâtre national de l’Opéra-Comique ne faillit pas à sa réputation rénovée ni aux espoirs que sa « relance » a fait naître. En plus d’une programmation équilibrée, qui mêle opéra comique, (genre nécessaire eu égard à l’histoire et à la destination du lieu, telle L’étoile de Chabrier), mais aussi joyaux oubliés comme Zampa d’Hérold, et opéra baroque, la scène parisienne accompagne désormais chacune de ses productions, d’une publication » « pédagogique », dont celle remarquable, dédiée à la reprise de Cadmus et Hermione de Lully est assurément l’une des plus emblématiques de la politique éditoriale de la maison.

Pour la première tragédie en musique de l’histoire, créée à Parisen 1673, pas moins de 260 pages que la pertinence des analyses et le riche complément iconographique, assimilent à un ouvrage musicologique à part entière, dont la lecture s’avère d’un exceptionnel profit. Au centre de la démonstration argumentée, le livret restituant scène par scène, le Prologue et les cinq actes, est ici intégralement édité et commenté (75 pages).

En compléments directs, le synopsis d’une action assez complexe (inspirée des Métamorphoses d’Ovide), la typologie des caractères (d’autant plus riche ici, que le duo Lully et Quinault dans leur première tragédie pour Louis XIV mêlent les registres comiques et tragiques… suivant en cela la tradition contemporaine de l’opéra italien, en particlier vénitien, un mélange des genres qu’ils abandonneront ensuite), sont d’un apport indiscutable.

Cadmus est d’autant plus essentiel dans l’histoire de l’opéra français que l’ouvrage incarne et la réalisation de l’ambition monarchique, disposant d’un genre musical digne de son rayonnement politique, et la réussite exemplaire d’un compositeur et de son librettiste dans la fusion de la musique et de la langue, et, surtout, l’union synthétique de toutes les disciplines de la scène à leur époque en conformité avec le goût français. A cette richesse formelle correspond, outre les très lumineuses notes d’intention signées Jérôme Deschamps et Vincent Dumestre, la multiplicité des quelques 10 articles développés, chacun mettant en avant une facette de la totalité conçue par Lully et Quinault, aboutissement remarquable par son unité esthétique. Ainsi, est-il légitime de se poser la question en quoi sur le plan formel, Cadmus est de facto le résultat d’une longue recherche des artistes hexagonaux qui ont déjà produit des opéras français sans pourtant atteindre à la réussite fondatrice de Cadmus. Tout aussi légitimes, ces autres « regards »consacrés: aux mises en scène nombreuses et diverses lors de ses reprises après sa création (importance des machineries); à l’importance structurelle de la danse dans le déploiement scénique de chaque acte…


Pour notre part, nous avons particulièrement apprécié l’étude du « mythe » de Cadmus, héros téméraire vainqueur du dragon dont le duo composé avec son double comique, Arbas, n’est pas sans annoncer sous une forme « évoluée », le duo Tamino/Papageno dans La Flûte enchantée de Mozart… Mais l’on manquerait une part importante de la compréhension de l’ouvrage (premier pour la scène lyrique française), sans étudier ce qui le rattache au culte du héros qui renvoie directement au culte monarchique, à cette vénération collective pour la figure fédératrice, autant civilisatrice et pacifique que martiale, du Souverain qui porte et conduit l’avenir de la nation (c’est tout l’enjeu explicite du Prologue)… Enfin saluons précisément, les contributions respectives de Jean Duron et de Buford Norman, qui l’un à propos du « Premier des opéras français », le second sur le « rôle de Quinault dans la création de l’opéra français », soulignent en quoi la création favorisée par Louis XIV revêt dans le paysage contemporain du théâtre européen, surtout vis à vis de la première patrie des arts, l’Italie, une indiscutable singularité, grâce en particulier au travail spécifique du poète Philippe Quinault qui à la demande du compositeur, sut « couler » les vers dans la musique. L’alliance improbable et finalement réussie du verbe et de la note, n’est-elle pas la plus éclatante victoire des auteurs, à l’époque où Racine et avant lui, Corneille, avaient affirmé la prééminence sur la scène, du théâtre classique?

Cadmus et Hermione. Livre-programme
édité à l’occasion des représentations de Cadmus et Hermione à l’Opéra-Comique, du 21 au 27 janvier 2008. Publication de l’Opéra-Comique. 260 pages. En vente chaque soir de représentation.

Illustration: frontispice du livret original de Cadmus & Hermione (Paris, 1673) (DR)

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