mercredi 14 mai 2025

Bizet: Symphonie en ut, RomaOrchestre de Paris, Paavo Järvi. 1 cd Virgin classics

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Järvi + ODP: équation fragile ?

Défenseur parfois
ennuyé/yeux de Bizet, Paavo Järvi enregistre son premier cd avec
l’Orchestre de Paris dont il vient de prendre la direction… Rares
envolées, limites nombreuses: ce premier feu laisse mi figue mi raison.
Voilà un programme qui commence plutôt bien, puis s’enlise, par routine
et application, enfin décolle et nous laisse prévoir de possibles bons
accomplissements pour l’équation chef et orchestre…
Saluons le choix de la Symphonie de jeunesse (Bizet a 17 ans!) en
ut de 1855 (inspirée par la Symphonie en ré de son maître Gounod qui le
fit d’ailleurs travailler sur une réduction pour 2 pianos de l’oeuvre):
abordée avec fougue immédiate, dès son premier mouvement, comme un
Scherzo beethovénien, la Symphonie de Bizet séduit par une belle
vitalité quasi printanière et une rythmique soutenue qui correspondent
bien au feu de ce vivo primordial.
On regrette ensuite le souffle un peu court de l’adagio (cordes aigres
et peu onctueuses), qui manque de plénitude tendre et poétique… une
absence interprétative qui n’éclaire en rien la richesse de l’oeuvre,
ni son lyrisme à la Tchaïkovski ou proche de Moussorsgki, au caractère
indirectement slave: l’orchestre reste en dehors du mystère du
mouvement, entre renoncement et subtile méditation…
Déclaratif, énergique, le mouvement final pourrait emporter les
musiciens vers des cimes plus vivantes: mais la dureté dans les tutti,
résultant de gestes courts qui ne décollent pas malgré la vitalité
nerveuse de l’écriture, les en empêche définitivement.

Souvent sec et court, l’Orchestre de Paris n’arrive pas
à convaincre vraiment. Manque d’imagination, cela tourne à la routine;
peu de surprise et pas une once de délire (même si le dernier mouvement
semble atteindre par intermittence, une fièvre inédite décidément trop
fugace). On pourrait attendre davantage que cette honnête et parfois
très appliquée profession de foi: le disque sort au moment de la prise
de fonction de Paavo Järvi comme directeur musical de la phalange
parisienne. Si le choix des oeuvres françaises retient toute notre
attention, on reste toujours aussi peu séduit par le travail de
l’Orchestre de Paris. Manque de tempérament, manque d’inspiration… on
souhaite une suite plus exaltante.

Hélas… Caractérisation toute aussi sage malgré la série de tableaux si
contrastés et liée au monde de l’enfance (et des jouets ensorcelés) de
la Petite Suite de 1872 ou Jeux d’enfants: panache
pétaradant de la marche première qui reprend un thème de son opéra Ivan
IV; puis tendresse enchantée de la berceuse qui suit… à laquelle
devrait répondre l’andantino amoureux plus tardif (miroir enivré du
couple que Bizet formait alors avec Geneviève Halévy)… enfin, feu et
vivacité du galop de fin… tout cela est certes poli, méticuleux, mais
tellement prévisible !
Chef et orchestre formeraient-ils un couple déjà ennuyé/ennuyeux?

L’écoute reste documentaire: c’est un foyer de thèmes et une riche
réserve de combinaison de timbres dans lesquels Bizet puisera pour ses
opéras dont évidemment Carmen.


Roma pétulante

Heureusement il y a cette partition formellement non fixée et considérée comme la 2è Symphonie de Bizet: « Roma »
qui fut achevée en 1866 et conçu dans son plan initial à la fin de son
séjour à la Villa Médicis en juin 1860. Bizet, Prix de Rome succombe au
décorum dans cette partition au style de Massenet, d’un décoratif
pompier, étonnant dans sa forme ambivalente, à la fois Suite et
Symphonie: c’est une oeuvre dont la forme ne satisfait pas son auteur
lequel la remise: elle sera véritablement créée à titre posthume en
1880. Noblesse et tendresse, dramaturgie dense et lourde (à la Brahms),
Bizet se révèle éclectique. Mais discutable et plus ou moins réussie,
l’oeuvre permet enfin aux interprètes de se dépasser, en particulier
dans l’allegro vivace qui décolle avec un sens maîtrisé de la
progression dramatique, où les effets ne sont plus exercices mécaniques
mais accents sincères inscrits dans une architecture dynamique; plus de
souffle dans l’Andante molto
entre tristesse et tendresse, sentiments toujours mêlés chez Bizet.
Véritable lumière dans une orchestration à la fois scintillante et
tapageuse.

L’Allegro
final
est conduit comme un galop de Borodine d’une santé enivrante,
Järvi allège la pâte souvent dense grâce à un entrain inédit et un souci
de clarté qui faisait défaut auparavant. Très bel aplomb qui s’écarte
du résultat marquant le début du programme, surtout La Petite Suite: les
limites d’une direction appliquée. L’orchestre de Paris aurait-il enfin
gagné dans ce changement de chef, une carrure interprétative digne de
son histoire? Le disque laisse envisager un nouvel accomplissement… A
suivre. D’autant plus si Paavo Järvi conserve son affection délectable
pour les romantiques et modernes français… quand la plupart des
orchestres de la capitale jouent et rejouent jusqu’à l’indigestion, les
grands romantiques germaniques. La France n’est pas avare en tempérament
XIXè et XXè que diable! Pour autant l’équation Järvi/Orchestre de Paris
s’inscrit-elle au niveau de la riche histoire de la phalange
parisienne? Depuis Munch, on sait les défis et réussites passées en
particulier au service des auteurs français. Commencer par Bizet pour un
premier disque était courageux mais risqué… Les interprètes devront
travailler d’arrache pied pour remonter le niveau: c’est tout l’enjeu
des mois et années à venir. Et l’on saura si le nouveau chef était un
bon choix pour l’un de nos orchestres qui ne brille depuis des lustres,
ni par son audace ni ses délires… A suivre.

Georges Bizet (1838-1875): Symphonie, Jeux d’enfants, Roma. Orchestre de Paris. Paavo Järvi, direction.

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