Carmen chez elle
Paris, Opéra Comique, juin 2009. Gardiner veille à l’équilibre de cette version chambriste et caractérisée sur le plan des timbres et des couleurs: l’Orchestre révolutionnaire et romantique développe une approche affinée, nerveuse, cuivres et bois en avant. Reste la faiblesse linguistique du choeur qui malgré une belle musicalité, reste souvent inintelligible. Aussi engagé et même nuancé, l’américain Andrew Richards ne démérite pas mais son application au mot retire tout naturel. Il en va tout autrement d’Anna Caterina Antonacci: Carmen naturelle, sensuelle, active, évidente… plus impliquée, féline électrisée et fiévreuse que sa prestation londonienne (Covent Garden) aux côtés du pourtant saisissant Kaufmann (Decca). Pour sa grande rentrée dans le théâtre qui acceuillit sa création (malheureuse) en 1875, sur instruments d’époque, avec le style « authentique » qui prévaut, cette Carmen parisienne gagne en mordant: les seconds rôles tels Escamillo (Nicolas Cavallier), Micaëla (Anne-Catherine Gillet) ou Moralès (Riccardo Novaro) restent captivants, ajoutant à la réussite de l’opéra qui se fait galerie de portraits et d’individualités, de destins opposés. La tension va donc crescendo dans cette arène au décor unique, mais aux couleurs orientales d’un parfum indiscutablement vénéneux. C’est donc un retour aux origines mais sans perdre l’intensité ni la vérité brûlante de la tragédie espagnole. Un régal.
Georges Bizet (1838-1875): Carmen, 1875. Anna Caterina Antonacci (Carmen), Andrew Richards (Don José), Nicolas Cavallier (Escamillo), Anne-Catherine Gillet (Micaëla), The Monteverdi choir. Orchestre révolutionnaire et romantique. John Eliot Gardiner, direction. Adrian Noble, mise en scène. 2h50mn, Fra Musica 004. 2 dvd