Georges Bizet
Carmen
1875
Lyon, Opéra
Du 1er au 11 juillet 2012
Cinq actes pour une tragédie de la vie ordinaire: Carmen d’après Mérimée n’est pas cette espagnolade vaguement folklorique que l’on voit reconstituée dans certaines mises en scène guère inspirées; c’est un drame nouveau, dont la musique de Bizet, ensoleillée (prélude du II, Escamillo: toréador portraituré en icône artistique…) et noire (trio des cartes, duo ultime entre les amants Carmen et Don José) ouvre un nouveau chapitre de l’histoire de l’opéra romantique français.
Aux côtés des grandes machines de l’Opéra, l’Opéra-Comique qui accueille la partition en mars 1875, redéfinit ce que doit être le théâtre lyrique moderne: un spectacle fort, hors des intrigues antiques et mythologiques ou d’un grandiose académique; ici, bouillonne le tourbillon de la vie; Carmen est un opéra sanguin et félin, d’une sensualité et d’une franchise nouvelle qui annonce directement (la scène finale terrible et sauvage) les épisodes des véristes italiens et même de Puccini. Comme le courant réaliste des auteurs français à partir des années 1880…
les soleils noirs de Bizet
Après Don Giovanni qui affirme crânement sa liberté face au destin, face à la société, face aux convenances, Carmen est aussi un individu indépendant qui vit et meurt en femme libre, insoumise, responsable.
Dans l’écriture de Carmen, décidément inclassable et visionnaire opus, se dévoile la maîtrise d’un contrepoint particulièrement raffiné (Bizet avait étudié quelques semaines avant Carmen, toutes les fugues de Bach). Nietszche en froid avec Wagner, y voit l’alternative musicale dont il rêvait: une force primaire et africaine, une sensualité rayonnante loin des brumes vénéneuses de l’auteur de Tristan.
A Lyon, c’est Olivier Py qui met en scène le chef d’oeuvre de Bizet. Avec des dialogues retaillés, une mise en scène entre eros et thanatos, plus réaliste et franche qu’hispanisante, le nouvelle production devrait développer un autre regard sur Carmen sans en épuiser la modernité prodigieuse.