Une redécouverte drôlatique
L’Orchestre National des Pays de la Loire sous la direction de Giuseppe Grazioli maîtrise avec facilité la musique pompeuse et hétéroclite d’une comédie au rythme endiablé. Dès l’ouverture, d’esprit bouffe, un curieux mélange d’inspiration Rossinienne et Mozartienne (comprenant même des citations!) et de mécanicité musicale cinématographique surprend avec des faux leitmotivs et des mélodies légères. Au IIIe acte, par exemple, s’impose le groupe des cordes atmosphériques et des vents révélateurs lorsque le mari trompé a le soupçon (ici les bois interviennent de manière curieuse et pétillante). L’orchestre d’un entrain inépuisable brille surtout durant les descriptions musicales, notamment lors de l’orage au IVe acte, où le vent et les éclairs ont été particulièrement remarquables.
Philippe Talbot dans le rôle principale de Fadinard fait preuve d’une voix de ténor à la belle couleur et d’une vitalité impressionnante. C’est aussi un excellent comédien qui semble sincère dans toutes les péripéties auxquelles son personnage auquel son personnage fait face. Sa fiancée Elena est interprétée par la soprano belge Hendrickje van Kerckhove. Le rôle est délibérément très caricatural mais sa cohérence dramatique reste indéniable. La chanteuse gère facilement les vocalises virtuoses tragicomiques du IIIe acte et se montre particulièrement touchante au IVe.
Amour et humour sans gêne
La prestation du baryton français Boris Grappe dans le rôle du militaire Emilio est vivace et comique, sa voix est forte et séduisante. Beaupertuis, le mari trompé, est interprété par le baryton autrichien Claudio Otelli, sa performance vocale est tout-à-fait correcte, mais il brille davantage grâce à ses dons d’acteur, émouvant et drôle à la fois. Il inspire les fous rires du public dans ses échanges avec Nonancourt. Ce dernier est magistralement incarné par Peter Kalman dont la voix énorme et la présence sur scène à la fois terriblement drôle et imposante, saisissent littéralement.
Excellente comédienne, la mezzo-soprano Elena Zilio est une Baronne expressive avec un registre grave très dramatique. Son vibrato quelque peu excessif convient parfaitement à son personnage; sa vivacité est irrésistible et même contagieuse.
A nouveau, l’excellente prestation du Chœur d’Angers Nantes Opéra sous la direction de Sandrine Abello renforce l’impact du spectacle. Pendant le chœur des femmes chez la modiste au IIe acte, les interprètes montrent une maîtrise totale de l’harmonie. Plus tard dans le même acte, le chœur mixte d’une couleur et d’une chaleur caractéristique représente un des moments les plus excitants du point de vue musical et théâtral.
L’excellent livret est mis en scène par l’heureux duo Caurier/Leiser, à présent familier de la scène angevine et nantaise. L’action se déroule d’une façon intelligente, efficace, économe. Les décors de Christian Fenouillat sont simples et beaux. Costumes, maquillages et coiffures d’Agostino Cavalca dans l’esprit des caricatures de Daumier aux traits exagérés (gros ventres et encore plus gros derrières) sont très drôles et d’une incroyable efficacité vis-à-vis du drame : ils éclairent les conditions sociales des personnages. Les lumières de Christophe Forey accentuent très bien l’ambiance.
La ligne artistique d’Angers Nantes Opéra rayonne décidément par son audace et sa justesse: présenter des œuvres peu jouées, surtout soutenir les œuvres récentes, dans de nouvelles productions de grande qualité est un défi passionnément et heureusement défendu. C’est le cas de ce petit bijoux lyrique et comique du XXe siècle signé Nino Rota. La redécouverte est totale et la réalisation, excitante.
Angers. Grand Théâtre, le 18 décembre 2012. Nino Rota: Il Cappello di Paglia di Firenze, opéra en quatre actes. Livret de Nino Rota et Ernesta Rinaldi d’après la pièce Le chapeau de paille d’Italie d’Eugène Labiche et Marc-Michel. Orchestre National des Pays de la Loire. Giuseppe Grazioli, direction. Patrice Caurier et Moshe Leiser, mise en scène.