mardi 6 mai 2025

Ambronay. Abbatiale, le 10 septembre 2011. Bach Dramma. Cantates profanes BWV 205, 213, 201. Céline Scheen, Clint Van der Linde… Choeur de chambre de Namur. Les Agrémens. Leonardo Garcia Alarcon, direction

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En programmant Bach (thème générique en 2011: « Passion Bach »), le festival d’Ambronay affiche une ambition délicate: comment satisfaire l’attente que suscite toujours les oeuvres du Cantor de Leipzig? Comment surtout surprendre spectateurs et auditeurs face à des oeuvres que l’on croit connaître et dont la réalisation doit particulièrement soigner l’expression et le raffinement formel?


Bach à l’opéra

Aucune réserve face à ce nouvel accomplissement présenté par le chef argentin Leonardo Garcia Alarcon, pour le second soir du Festival soit 3 cantates profanes d’un Bach déconcertant de facétie raffinée, de délire dramatique, dont le génie poétique et la délectation à ciseler un orchestre toujours articulé et somptueux, éblouit d’airs en récitatifs, de choeurs en intermèdes.
Outre l’éclat de l’orchestre, la superbe tenue des choristes (en particulier « les vents virevoltants » qui ouvrent la BWV201), notons la séduction particulière du plateau de solistes réunis autour du chef: à part une exception (le ténor Makoto Sakurada, pas assez libéré, pas assez naturellement délirant comme le sont tout autrement ses partenaires), la distribution atteint la perfection, en particulier la soprano Céline Scheen et le contre ténor Clint Van der Linde; si la cantatrice séduit par sa facilité théâtrale, son souci de la projection juste, sa souple musicalité captivent précisément dans l’aria de la volupté de la BWV 213; préambule à un geste sans défaut pour un Momus impeccable dans la 201: son dernier récitatif, de conclusion, assurant l’empire de Phébus tout en épinglant l’imbécilité du jugement de Midas, est un modèle d’articulation naturelle!


Perfection vocale, somptuosité instrumentale

Même timbre somptueux et puissant, clair et ciselé de Clint Van der Linde, irréprochable pendant toute la soirée, qui laisse une incarnation saisissante d’Hercule, à la croisée des chemins entre vice et vertu, doublé dans son deuxième air (avec 2è alto en écho), du premier hautbois, volubile et aérien, des Agrémens. On ne peut pas en dire de même du premier violon, Patrick Cohen Akénine dont le manque de souffle et de légèreté, le geste raide et court, sabotent toute la première cantate (BWV 205 « Eole apaisé »)… Souhaitons qu’au disque, ce seul maillon faible ne ruine pas tout l’édifice d’une lecture pourtant admirable de bout en bout.
Toujours habité par son sujet, ivre de couleurs et d’accents les plus nuancés, le chef veille au grain: au galbe des flûtes, des hautbois, surtout des cors et des trompettes très souvent sollicités (qui donnent ce caractère solennelle et parfois d’une martiale grandeur) …
Voici Bach faiseur d’opéras, génie de la scène, des situations, des caractères. La BWV 213 atteint un sommet de flamboiements sonores. Reconnaissons aussi aux trois autres solistes masculins, une égale intelligence expressive, toute en finesse, jamais en démonstration (quel luxe!): Christian Immler, Fabio Trumpy, Alejandro Meerapfel.

Après nous avoir ébloui en 2010 avec l’oratorio de Falvetti, Il Diluvio Universale, d’ailleurs repris cette année (et de surcroît pour une tournée des plus attendues en octobre et novembre 2011), Leonardo Garcia Alarcon récidive: même liberté inventive du geste, même compréhension si flexible et naturelle de la pulsation, – osons dire que ce Bach où nous ne l’attendions pas, éblouit par sa force, sa finesse expressive, sa savoureuse vérité. Un résultat d’autant plus remarquable que la lecture renouvelle l’image de Bach: contre la figure du musicien discipliné et respectueux des bienséances si contraignantes à Leipzig, le compositeur ici s’autorise toutes les licences, invente, provoque, surprend… c’est dire combien Jean-Sébastien Bach est le plus révolutionnaire des musiciens de son temps. Le disque du programme est annoncé aux éditions Ambronay, courant 2012. Un prochain titre à ne pas manquer.

Ambronay. Abbatiale, le 10 septembre 2011. Bach Dramma. Cantates profanes BWV 205, 213, 201. Céline Scheen, Clint Van der Linde, Fabio Trümpy, Makoto Sakurada, Christian Immler, Alejandro Meerapfel. Choeur de chambre de Namur. Les Agrémens. Leonardo Garcia Alarcon, direction.

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