dimanche 27 avril 2025

Ambronay (01). Abbatiale, samedi 4 octobre 2008. Venise ou les larmes de Magdalena. Johann Adolph Hasse (1699-1783): Sanctus Petrus & Sancta Magdalena, oratorio. Miserere. Akadêmia. Françoise Lasserre, direction.

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Vallée de larmes

Le temps d’un festival, celui d’Ambronay, le plus grand événement de
musique baroque de chaque rentrée hexagonale, les meilleurs ensembles
se retrouvent dans l’Abbatiale pour y dévoiler en première mondiale ou
en « recréation » (puisqu’elles n’ont jamais été jouées depuis leur
création originelle), des oeuvres inédites, oubliées, méconnues.

Rituel attendu et aussi espéré grâce à ce défrichement permanent qui
est une constante d’Ambronay. Françoise Lasserre et son ensemble
Akadêmia ne dérogent pas à la tradition locale. Nous l’avions quitté
subjuguée par le mythe d’Orfeo (celui de Landi, « la morte d’Orfeo », 1 cd Zig Zag
Territoires, édité en avril 2007)
, la revoici plus
« vénitienne » que jamais, ambassadrice des transports virtuoses de
Hasse, qui a Venise, fut l’autre étoile de la Sérénissime, après
Vivaldi. Mais a contrario de la langue indigène de son « confrère » en
musique, Hasse importe dans la Cità, l’éblouissante vocalità
napolitaine. Fidèle à ce registre lacrymal qui avait fait la réussite
de son Landi, Françoise Lasserre récidive dans une nouvelle arche des
larmes, celle de Saint-Pierre (trop coupable d’avoir renié celui qui
lui aura tout donné), celles de Marie Madeleine, humaine et
compassionnelle; celles de Marie Salomé, tout aussi atteinte voire
effondrée par le spectacle du Christ sacrifié (que l’on ne voit jamais
mais qui est évoqué et présent tout au long de l’oratorio).

Seul Joseph ose déchirer ce voile des lamentations subtiles dans un air
tourné vers la gloire du miracle et de la résurrection: « O portenta
aeternis amoris cadit victor » (« O prodiges de l’amour éternel, il
tombe, vainqueur… »)
: chant de louange et de victoire que porte avec
un feu ardent le clair soprano d’Aurore Bucher (qui fut une élève de
l’Académie baroque d’Ambronay).
Sur la scène, Françoise Lasserre a visiblement choisi chaque
personnalité vocale afin de sculpter dans l’intimité et la
personnalisation, ce superbe polyptique de l’effusion doloriste.
Articulées, fines, veillant à l’impact émotionnel de leurs arias,
Gloria Banditelli (Petrus) et Emanuela Galli (Magdalena), laquelle
se bonifie en cours de soirée, s’imposent indiscutablement, d’autant
que l’orchestre (que des cordes), d’une souplesse non moins combattive,
sous la direction constamment accentuée de la chef, soutient jusqu’à
son apothéose, le climat de souffrance progressive et sensuelle qui se
dégage de la partition.

A Venise, les oeuvres de Hasse étaient chantées et jouées par des
musiciennes cachées derrières des grilles. Une configuration qui
suscitait auprès du public masculin, les transports les plus exaltés,
les fantasmes les plus libres. Jean-Jacques Rousseau a écrit les sensations
éprouvées alors. A Ambronay, les effectifs d’Akadêmia paraissaient en
pleine lumière, soucieux surtout d’intelligibilité. La direction de
François Lasserre, ancienne élève de Philippe Herrewghe, particulièrement préoccupée par la notion de rhétorique et de geste musical, manifestement en affinité avec le répertoire, captive
en faisant montre d’une tension permanente qui d’un bout à l’autre de
l’ouvrage, exalte la projection dramatique du chant, sans rien
sacrifier de l’unité ni de l’accomplissement de la ferveur. Certes Hasse aime la virtuosité, mais ici, l’exaltation sait partager avec la sincérité du sentiment. On
retrouvera bientôt chef et ensemble dans les Cantates de Bach, au
concert comme au disque.

Ambronay (01). Abbatiale, samedi 4 octobre 2008. Venise ou les larmes
de Magdalena. Johann Adolph Hasse (1699-1783): Sanctus Petrus &
Sancta Magdalena, oratorio. Miserere
. Avec Gloria Banditelli (Petrus),
Emanuela Galli (Magdalena), Olga Pitarch (Maria Jacobi), Marina de Liso
(Maria Salome), Aurore Bucher (Joseph). Akadêmia. Françoise Lasserre,
direction.

Illustrations: Johann Adolph Hasse (DR). Françoise Lasserre (DR)

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