jeudi 15 mai 2025

Tours. Grand-Théâtre, le 27 janvier 2013. Gounod : Roméo et Juliette. Anne-Catherine Gillet, Florian Laconi… Jean-Yves Ossonce, direction. Paul-Émile Fourny, mise en scène

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Honneur à l’opéra français à l’Opéra de Tours avec cette nouvelle production de Roméo et Juliette de Gounod, qui se verra bientôt à l’Opéra-Théâtre d’Avignon ( mais aussi Reims, Metz, Massy).
Paul-Emile Fourny a imaginé une scénographie simple et traditionnelle, très lisible et épurée. Une grande salle ornée de trophées de chasse, un escalier en colimaçon qui disparaît dans les cintres en guise de balcon, un lit à la tête ornée de bois de cerf, et l’œuvre se déroule sous nos yeux. Les costumes se révèlent d’une sobriété de bon aloi, seuls ceux des Montaigu surprennent, les faisant ressembler à des pirates ou des bohémiens, Roméo y compris. Juliette est vêtue d’une stricte robe bleue, faisant penser à la virginale Gilda, avant de s’en libérer pour son duo « Nuit d’hyménée », plus adulte et plus femme.

Retour de Roméo et Juliette à Tours

L’Opéra de Tours a réuni une distribution entièrement francophone, ce qui est à saluer. Les seconds rôles sont globalement bien tenus. Le Tybalt vindicatif et acéré de Christophe Berry tient sa partie avec conviction, alors que le Mercutio plein d’énergie de Ronan Nédelec étonne par une voix étrangement soutenue, affligée d’un vibrato grelottant et à l’aigu difficile, qui nous fait supposer un jour de méforme. Marcel Vanaud impose encore, ainsi que dans le Mage à Saint-Etienne, sa voix large et sonore dans le rôle de Capulet, à l’autorité indéniable, mais à l’instrument audiblement grossi et engorgé, ce qui rend son texte peu compréhensible.
Jérôme Varnier manque parfois de profondeur dans les graves de Frère Laurent, mais on apprécie d’entendre une voix de basse à l’émission claire et naturelle, sans couleur sombre artificielle, et d’une belle noblesse de port et d’élocution. Le Stephano de Marie Lenormand déçoit un peu malgré une belle verve scénique, sa voix sonnant assez métallique, sans le moelleux qu’on lui connaît, et à l’aigu étonnamment court. On espère la revoir bientôt dans de meilleures dispositions.

Florian Laconi trouve en Roméo un rôle qui correspond parfaitement à sa vocalité, un vrai demi-caractère. Si l’incarnation et le phrasé manquent de distinction et de nuances, les embûches du rôle sont crânement affrontées, jusqu’à un ut très solide, avec une vaillance appréciable, et il arrive au bout de l’ouvrage sans faillir. Le grave est parfois inutilement appuyé, et l’aigu surprend toujours par sa conception en deux temps, très ouvert sur le ton qui précède la note, et un peu brutalement couverte sur la note réelle (peut-être une conception personnelle et littérale de l’aperto-coperto), mais il s’avère un Roméo convainquant.

Il forme un couple d’une grande complicité, à la fois sensuel et déconcertant avec la Juliette d’Anne-Catherine Gillet. La soprano belge se situe à l’exact opposé de son partenaire par son émission haute, adamantine, avec ce léger vibratello qui la rend immédiatement reconnaissable et émouvante. Dès sa Valse, elle enchante par l’absolue netteté de sa diction, qualité devenue rare chez les voix aigues, et le soin apporté à chaque phrase, qu’elle cisèle en grande orfèvre. Le duo du balcon lui offre l’occasion d’un jeu de couleurs passionnant, et la concentration harmonique de la voix emplit le théâtre avec volupté. Seul l’air du Poison révèle ses limites dans la largeur et le grave, réclamant un instrument sensiblement plus corsé à partir de cet instant de la partition.
Mais jamais elle ne cède à la tentation de forcer sa voix, et triomphe ainsi de ce rôle moins léger qu’il n’y paraît. Néanmoins, sa prise de rôle d’ores et déjà prévue dans le rôle-titre de la Traviata laisse planer quelques inquiétudes quant à son adéquation réelle aux moyens requis par le rôle.

Saluons également les chœurs de l’Opéra de Tours pour leur cohésion sonore et le travail remarquable effectué sur le texte, d’une précision rare, ce qui nous vaut un chœur d’entrée saisissant d’impact.

A la tête de l’Orchestre Symphonique Région-Centre Tours, Jean-Yves Ossonce démontre une fois de plus ses affinités avec le répertoire français.
Les phrasés amples, la beauté du pupitre des cordes graves, la précision technique de chacun des instrumentistes, tout concourt à un tapis orchestral de grande qualité.
Une représentation d’un excellent niveau, une nouvelle réussite indéniable de la part de la maison tourangelle.

Tours. Grand-Théâtre, 27 janvier 2013. Charles Gounod : Roméo et Juliette. Livret de Jules Barbier et Michel Carré d’après Shakespeare. Avec Juliette : Anne-Catherine Gillet ; Faust : Florian Laconi ; Stephano : Marie Lenormand ; Frère Laurent : Jérôme Varnier ; Capulet : Marcel Vanaud ; Gertrude : Doris Lamprecht ; Mercutio : Ronan Nédelec ; Tybalt : Christophe Berry ; Le Duc : Jean-Philippe Biojout ; Grégorio : Yvan Sautejeau ; Pâris : Jean-Marc Bertre ; Benvolio : Sylvain Bocquet. Chœurs de l’Opéra de Tours ; Chef de chœur : Emmanuel Trenque ; Orchestre Symphonique Région Centre-Tours. Jean-Yves Ossonce, direction musicale ; Mise en scène : Paul-Émile Fourny. Décors : Emmanuel Favre ; Costumes : Dominique Burté ; Lumières : Jacques Chatelet ; Chef de chant : Vincent Lansiaux.

Illustration: F.Berthon pour l’Opéra de Tours © 2013
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