Thésée de Gossec. Par notre envoyée spéciale, Monique Parmentier
Après Liège (salle Philharmonique, le 11 novembre dernier), c’est l’Opéra Royal de Versailles qui recevait Thésée de François –Joseph Gossec dans le cadre du cycle l’Opéra français au temps des Lumières, pour la saison d’Automne du Centre de Musique baroque de Versailles (CMBV).
Il s’agit en fait d’une coproduction dont le CMBV est l’initiateur avec à ses côtés le Palazzetto Bru Zane et le Centre Vocal et de Musique Ancienne de Namur (Cav&ma).
Cette recréation, puisque c’en est une, entre totalement dans les missions du CMBV, de redécouverte du répertoire de la musique ancienne française. Le public (son public) fidèle de mélomanes avertis ne s’y est pas trompé et est venu en nombre, attentif même à mesurer les enjeux et les apports de cette redécouverte.
Atypique Thésée
L’écoute de Thésée se révèle d’autant plus intéressante qu’elle nous révèle un compositeur faisant partie de tous ceux qui avant Méhul et bien évidemment Berlioz illustrent une modernité qui fait de leur musique un creuset du romantisme.
L’œuvre« atypique » comme la qualifie Benoît Dratwicki (directeur artistique du CMBV) dans le désormais trop court livret qui accompagne la saison, – depuis le rattachement du festival d’automne à la saison du château de Versailles-, est la seconde et dernière tragédie lyrique de Gossec. Commandée par Anne-Pierre Jacques Devismes du Valgay, directeur de l’Académie Royale de musique, l’œuvre devait probablement être confrontée avec l’ouvrage préalable de Lully.
Le livret de Quinault qui avait servi au florentin pour son ouvrage éponyme, fut légèrement remanié au goût du jour par Morel de Chédeville et l’action resserrée en quatre actes. Sa création, bien que retardée de deux ans, finit par connaître le succès puis par disparaître totalement du répertoire.
S’il est vrai que la forte présence des cuivres et timbales donne un caractère martial très marqué à l’œuvre, elle n’en révèle pas moins les qualités d’orchestration de Gossec : Les Agréments sous la direction enthousiaste et précise de Guy Van Wass en ont démontré les apports ce soir.
Il faut dire que leur fougue aura pour beaucoup contribué, à donner de l’intérêt à la renaissance de cette œuvre somme toute si peu mélodique, qu’elle surprend quand on songe qu’au même moment Mozart composait l’Enlèvement au Sérail et que Gluck avait déjà offert au public ses plus beaux chefs d’œuvre. Mais Gossec nous indique une recherche française qui se cherche quelque part entre Rameau et Berlioz offrant à un public parisien avide de querelles de quoi fertiliser la quête d’un style national.
Les Agréments se sont montrés tout à la fois combatifs et colorés. La beauté et la vaillance des cuivres et des percussions, la fougue des cordes, le fruité des hautbois et des flûtes donnent au Thésée de Gossec une personnalité d’autant plus remarquable que le Chœur de Chambre de Namur se montre hardi, défendant la tragédie par des phrasés exceptionnels. Les musiciens et le chœur créent ainsi le cadre dramatique dans lequel les solistes, dont certains issus du chœur, content les amours contrariés de Thésée et d’Eglé : le couple amoureux doit faire face à la jalousie de Médée et à celle du Roi Egée, père adoptif d’Eglé amoureux de sa pupille et père de Thésée.
Les solistes se révèlent dans l’ensemble intéressants, soignant l’impact dramatique du texte pour la plupart. Virginie Pochon est une Eglé lumineuse et ferme, tandis que dans le rôle-titre, le ténor Frédéric Antoun est un jeune prince héroïque. Dans le rôle d’Egée, le baryton Tassis Christoyannis est d’une humaine faiblesse que de beaux graves et de très beaux pianissimi rendent théâtralement crédible. En revanche Jennifer Borghi dans le rôle de Médée ne parvient pas à nous convaincre.
L’on a regretté par ailleurs que la très belle mezzo Mélodie Ruvio soit à ce point sous employée tant elle appartient aux jeunes interprètes prometteurs qu’il faut suivre absolument.
Si Thésée de Gossec n’est pas une œuvre inoubliable, la force de conviction des interprètes attire l’enthousiasme; la partition exhumée retrouve sa place, nous permettant de mieux comprendre toute la richesse d’une époque fertile pour la musique en France. Un disque a été enregistré début novembre à Liège qui permettra d’en conserver la trace.
Versailles, Opéra royal, 13 novembre 2012. Thésée, tragédie lyrique en quatre actes de François-Joseph Gossec (1734-1829) sur un livret de Philippe Quinault, revu par Etienne Novel de Chédeville. 1782. Virginie Pochon (Eglé), Jennifer Borghi (Médée), Frédéric Antoun (Thésée), Tassis Christoyannis (Egé), Katia Velletaz (La grande prêtresse, Minerve), Mélodie Ruvio (Cléone)… Chœur de chambre de Namur. Les Agrémens. Guy Van Waas, direction.
Par notre envoyée spéciale, Monique Parmentier