mardi 6 mai 2025

Paris. Salle Gaveau, le 25 octobre 2012. Récital lyrique. Simone Kermes, soprano. « Dramma ». La Magnifica comunita.

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Simone Kermes, récital à Gaveau, Paris
Par notre envoyé spécial, Sabino Pena Arcia.

La soprano Allemande Simone Kermes vient à la Salle Gaveau pour un concert-présentation exceptionnel de son dernier album paru chez Sony Classical « Dramma ». Il s’agît d’une sélection d’airs d’opéra seria, véritable hommage à l’art des castrats de la période baroque, avec quelques morceaux purement instrumentaux. Elle est accompagnée par l’orchestre de chambre italienne La Magnifica Comunita jouant sur des instruments d’époque sous la direction du premier violon Enrico Casazza.




Une Diva pas comme les autres

Le concert commence avec l’ouverture de l’opéra « L’Agrippina » (1708) de Porpora. Le morceaux est charmant, et la force vitale et l’humour de l’écriture mettent en évidence l’influence du maître baroque sur Haydn, qui fut son élève. Des cinq pièces purement instrumentales, le Concerto pour violon, cordes et continuo en ré majeur de Vivaldi a été l’occasion pour l’ensemble de montrer leur compétence et pour le soliste et chef de montrer sa virtuosité. La musique, d’une pulsion rythmique très vive, avec des contrastes dramatiques importants, est interprétée correctement, mais avec une certaine timidité qui semble disparate pour une telle musique.

Simone Kermes entre en scène avec l’éclat qui la caractérise et commence directement l’air de victoire d’Oronta « Vedra turbato il mare » de Mitridate (1730) de Porpora. Ainsi débute et s’affirme l’agilité impressionnante d’une voix aérienne . Elle semble être en parfaite synchronie avec l’ensemble, mais reste sans doute la protagoniste sur scène avec ses grands gestes, ses regards intenses et déjantés, surtout son immense sens du théâtre et sa grande musicalité. Dans l’air de bravoure d’Arminio « Empi, se mai disciolgo » de Germanico in Germania (1732) du même compositeur, la diva attaque avec brio le rythme endiablé du morceau virtuose. Un tour de force vocale et dramatique.

Mais Simone Kermes montre également que ses détracteurs conservateurs ont tort quand ils ne voient en elle qu’une virtuose irrespectueuse de la musique interprétant avec force théâtralité. La cantatrice chante l’air « Alto Giove » de Polifemo (1735) avec maestria et sensibilité. Nous ne trouverons pas de regards frappants dans cet air, mais une édifiante spiritualité, une performance exquise et bien ornementée, un délice balsamique pour les oreilles et pour les cœurs. Ainsi, dans l’air de Licida « Consola il genitore » de L’Olimpiade (1756) de Hasse, accompagnée uniquement par le clavecin, sa voix cristalline se présente avec plus de grâce rococo ou pré-classique que de pompe baroque; très tendre, elle n’exclut pas pourtant une exaltante virtuosité. Dans ce sens, l’air qui termine officiellement le concert, « Sul mio cor » d’ Adriano in Siria (1734) de Pergolèse, est interprété avec sentiment et baigne la salle avec la joie sereine emblématique du compositeur.

La surprise inattendue de la soirée furent les cinq bis qu’elle nous a généreusement offert. D’abord l’incontournable « Son qual nave ch’agitata » de Broschi (frère du castrat Farinelli et écrit spécialement pour lui), pièce de caractère qu’elle interprète comme s’il s’agissait du tube Rock n’ Roll : avec applaudissements. Le public fut charmé et l’a accompagné avec constance et chaleur. Puis la diva interprète le grand classique d’Édith Piaf « Non, je ne regrette rien », séduisant un public davantage émerveillé. Ensuite, vient la chanson allemande « Lili Marleen » d’une beauté sublime. L’inévitable « Lascia ch’io pianga » suit, avec une articulation sans reproche et beaucoup de sensibilité. Ce fut le moment décisif, le public ne pouvait plus rester assis devant tant d’art, tant de beauté, et s’est mis à applaudir débout en pleurant, criant des « Bravo! » dans tous les coins. Une longue standing ovation des plus touchantes et très bien méritée. Et comme tout beau geste se voit récompensé, Simone Kermes décide de nous offrir une dernière pièce de bravoure pour finir la soirée, l’air de Vivaldi « Agitata da due venti ».

La présence scénique et la personnalité passionnée et vivace de Simone Kermes paraît être faite pour la musique dramatique baroque, avec ses excès et ses affects bien définis. Pourtant cette nuit, elle a démontré que son talent s’élève au-delà des clichés, des préjugés, des périodes. Simone Kermes est une diva en plein essor, elle est engageante et accessible également, à la fin du concert, elle côtoyait le public enflammé pour donner des autographes et prendre des photos. Une expérience inoubliable grâce à une diva décidément pas comme les autres. Sabino Pena Arcia.

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