dimanche 4 mai 2025

Massenet: Thérèse, 1907. France Musique, le 21 juillet 2012 à 20h

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Jules Massenet


Thérèse
, 1907

En direct sur France Musique
le 21 juillet 2012 à 20h

Après Chérubin et Ariane, l’opéra Thérèse (drame en deux actes) de Massenet appartient à la fin de la carrière et s’inscrit parmi les oeuvres créées en bord de mer, à l’Opéra de Monte Carlo. L’œuvre est évidemment dans sa construction courte, resserrée, l’équivalent français des opéras véristes italiens; tableaux collectifs saisissants, marqués par une urgence voire une violence liée à la dureté des temps historiques convoqués (1792, heures révolutionnaires): à l’époque de la Terreur, tout se précipite comme emporté par la marche de l’histoire, et les amours éphémères et le destin plus fragiles des individus éprouvés… Epouse d’André Thorel (baryton) à l’époque de la Révolution, la girondine Thérèse est tiraillée entre le devoir conjugal et son attirance pour l’homme qu’elle aime vraiment… son ancien amant, Armand, (ténor) le fils du marquis dont ils occupent le château près de Versailles. Elle balance entre Armand et André, un époux affectionné par devoir. Difficile choix d’autant que les deux hommes loin d’être rivaux, sont même des amis d’enfance.
André entend même restituer le château à son ami Armand dont le père aristocrate fut le vrai propriétaire.


Thérèse entre deux hommes

Or au moment où elle pourrait partir avec Armand (superbe duo au II, digne de Manon), Thérèse décide de rejoindre son époux quand il monte à l’échafaud parmi les députés girondins arrêtés. En criant « vive le roi », Thérèse se fait passer pour une royaliste… et de facto rejoint la charette qui mène son époux à la mort. Le devoir et la loyauté plutôt que la fuite amoureuse avec son aimé.

Pour Massenet, Thérèse est la mezzo-soprano Lucy Arbel, tempérament enflammé et sombre qui rehausse encore l’éclatant contraste entre le premier acte et le second, entre le château de province et Paris. La cantatrice demande même au compositeur de ne plus chanter à l’annonce finale qui condamne André: elle parle comme au théâtre car à la proclamation de la condamnation de son époux, l’interprète perd la voix; ses derniers mots sont déclamés comme sur la scène tragique classique.
Voix et actrice de premier plan, Lucy Arbel (1882-1947) est comme le fut Sybil Sanderson (sublime interprète d’Esclarmonde et de Manon), l’une des chanteuses favorites de Massenet (et peut-être plus): avant d’être Thérèse, Lucy Arbel chante Dalila (Samson et Dalila de Saint-Saëns), Amneris (Aïda de Verdi), puis après Thérèse, Dulcinée, dans Don Quichotte aux côtés de Chaliapine en 1910, toujours à Monte-Carlo… selon les volontés de Massenet laissées après sa mort, Lucy Arbel devait encore créer les héroïnes de ses opéras non encore représentés: Cléopâtre et Amadis… mais l’épouse de Massenet très jalouse, l’en écarta définitivement quitte à trahir l’esthétique musicale défendue par son mari.


Lucy Arbel
doit aussi à Massenet un rôle inoubliable, celui de l’aveugle Posthumia dans Roma: personnage angoissant, fulgurant, mémorable dans une partition mejure néoclassique qu’aurait dû recréer l’Opéra de Paris pour le Centenaire 2012… L’orchestre est le 4è acteur de la partition: évocatoire, « climatique », vibrant au diapason de l’esprit et des sentiments de chaque protagoniste du trio vocal. Comme toujours si les acteurs préservent l’intelligibilité souple et accentuée du texte, si l’orchestre garde la clarté, la transparence, la finesse, l’œuvre peut dévoiler l’intelligence du Massenet, génial dramaturge: tableau militaire initial, duo ardent amoureux Thérèse/André (qui tient son pendant au II, duo en symétrie où Armand demande à Thérèse de fuir avec lui pour revivre leur amour passé), puis solo d’Armand… enfin course tragique finale où Thérèse par loyauté accepte la mort avec son époux sur l’échafaud. C’est pour Massenet, un nouveau défi théâtral et musical où l’exposition et le déroulement de l’action retrouve l’épure et l’équilibre des tragédies classiques: dernier duo Armand/Thérèse qui se réfère presque explicitement à la dernière scène de Carmen de Bizet… (Armand: « ah viens suis moi ou laisse moi passer la Girondine et nous retrouverons le paradis rêvé… je pense à ta tendresse, je pense à ton baiser que je veux retrouver… fuis avec moi…« ). La direction esthétique de Thérèse, par sa concision dramatique (aucune scène gratuite si elle ne sert la tension dans l’enchaînement des épisodes) renforce la volonté du sublime pathétique et héroïque, la quête de la grandeur tragique et de la vérité qui s’expose encore dans les oeuvres antiques de la fin: Bachus, Roma, Cléopâtre…
Saluons l’initiative du Palazzetto Bru Zane de réaliser ce que l’Opéra de Paris n’a pu imaginer nous infligeant une production ratée de Manon (avec pourtant Natalie Dessay): ici, c’est bien une partition rare du Massenet de la fin qui célèbre avec justesse et discernement le centenaire de la mort du compositeur.

Festival Radio France Montpellier 2012. Le 21 juillet 2012, 20h. En direct sur France Musique (Avec Nora Gubish, Thérèse… Alain Altinoglu, direction). Pour le centenaire de la mort de Jules Massenet, Universal DECCA édite un coffret de 23 cd: « Massenet Edition » réunissant les œuvres lyriques majeures du compositeur romantique français dont une excellente version de Thérèse avec Huguette Tourangeau dans le rôle titre (chant intelligible et flexible) et un duo viril éblouissant: Louis Quilico (André Thorel), Ryland Davies (Armand de Clerval) sous la direction de Richard Bonynge… Lire notre présentation du coffret 23 cd Decca, Massenet Decca…

distribution de Thérèse à Montpellier
Nora Gubisch, Thérèse
Charles Castronovo, Armand de Clerval
Étienne Dupuis, André Thorel
François Lis, Morel
Yves Saelens, un officier
Patrick Bolleire, un autre officier
Orchestre et choeur de l’Opéra national de montpellier
Alain Altinoglu, direction
Thérèse de Jules Massenet
les épisodes clés de l’action en deux actes

Acte I: automne 1792, sur les terres d’un château abandonné non loin de Versailles…

Thèrèse et son époux André confrontent leur propre conception du devoir. Survient Armand, fils du marquis, ancien propriétaire de la demeure (solo) : il exprime son attachement au lieu de son enfance et pense à son ancien amour… Thérèse. Duo entre Thérèse et Armand: si la jeune femme aime toujours Armand, elle souligne sa loyauté et restera fidèle à son mari, André. La culpabilité ronge le coeur de Thérèse pourtant fidèle: André les rejoint car Armand est son ami, même s’il sont politiquement ennemis, lui député et Armand, aristocrate.

Acte II: Paris, juin 1793. Les événements se précipitent. André donne son propre sauf-conduit à Armand pour qu’il parte sans encombres. Mais Armand rejoint Thérèse et l’invite à partir avec lui (grand duo du II). Apprenant que son mari a été arrêté avec d’autres députés girondins, Thérèse promet à Armand qu’elle le rejoindra plus tard et qu’il doit partir. Déterminée et d’une loyauté exemplaire, Thérèse sacrifie l’amour de son ancien amant et rejoint son époux dans la mort (dernière scène déclamée puis chantée).

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