mardi 6 mai 2025

Toulouse. Halle-aux-Grains, le 7 février 2012. Récital de mélodies italiennes : Monteverdi, Cesti, Respighi, Pizzetti, Hahn… Anna Caterina Antonacci, soprano. Donald Sulzen, piano.

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En cette soirée d’hiver d’un froid polaire, la magnifique soprano Anna Caterina Antonacci a ensoleillé en la ville rose, la vaste Halle-aux-Gains, qui hélas pour eux, n’a pas pu accueillir certains spectateurs empêchés d’arriver en raison des conditions météorologiques affreuses. Le public concentré et respectueux a attendu pour applaudir un signe de la diva entre chaque groupe de mélodie. C’était non une marque de défiance mais au contraire de respect ému face à une construction du récital comme un joyau fait de pierres précieuses les plus belles, artistement agencées. Ces petits groupes étaient admirablement associés en fonction de l’affinité poétique autant que musicale par la belle Anna Caterina, qui a offert sa science de diseuse et celle de chanteuse, associées comme personne d’autre ne le peut aujourd’hui. Elle ressuscite l’art de la grande Magda Olivero ou de l’inclassable Claudia Muzio.

Anna Caterina Antonacci : la beauté même !

La soprano Italienne aujourd’hui parisienne, mène une carrière proche de l’idéal qui lui permet, loin de la course médiatique, de choisir chacun de ces rôles et de le marquer du sceau de l’évidence. Capable de chanter Monteverdi comme peu, alternant la même année, et comment, Poppée et Néron ; magnifique rossinienne et mozartienne, avec une technique parfaite, verdienne tragique ou comique (son Alice Ford !), sans parler de sa Carmen et surtout de sa Cassandre avec John Eliot Gardiner, ou encore de sa Médée sur la scène capitoline ; chaque rôle reste dans toutes les mémoires comme un rapt rendant fade les autres interprètes. Son art du chant est à la fois historique, de rang mythique et moderne, par une sensibilité contemporaine des plus aiguës. Ce parcours de mélodies rares et pour certaines inconnues, permet de déguster la poésie délicate ou grandiloquente que des compositeurs principalement post verdiens, ont magnifiés dans des accents d’une infinie variété allant du murmure intime à l’explosion de passions dévorantes, parfois en une fraction de seconde. Il paraîtrait vain de suivre le fil du récital tant la puissance de conviction de l’interprète nous laisse des fulgurances de beauté pure à l’intelligence mariée. La gourmandise lui fait croquer, savourer ou engloutir les mots comme des aliments succulents. Son art de diseuse est connu au théâtre pour son tragique transfixiant (Cassandre, Médée !), mais en récital la délicatesse de la moindre inflexion, le flux d’un débit verbal canalisé à la perfection, permettent de comprendre chaque sens caché du texte même à celui qui ne connaît pas l’Italien. Cette langue est chant et la musique de la voix d’Anna Caterina Antonacci la magnifie en chaque instant ; le mot est toujours parfaitement compréhensible, la syllabe est habitée par l’émotion juste. Cet art à lui seul la mettrait au rang de poétesse suprême mais il se trouve que cet art du dire est associé à un art du chant idéal, hérité du bel canto la plus pur. Les lignes de chant sont étirées dans des galbes complexes ; les sons filés sont suspendus dans les limbes et les graves nourris sont délicatement soutenus sans poitrinage excessif. Les nuances obtenues par son soprano pur ou lyricospinto, le slancio verdien dont elle sait animer le chant, l’intrication de vocalises, trilles et abellimenti à l’intérieur de l’expression et de la ligne de chant, sont les moyens expressifs d’une grande diva. Mais ce sont surtout les couleurs, véritable travail de caméléon qui permet à la voix chantée d’épouser le sens secret de la poésie.

Un immense moment de chant lyrique dans sa poésie la plus pure résumerait si besoin était en une phrase cette apparition inoubliable. Plus d’un aura rêvé de l’entendre dans des rôles comme Adrianna Lecouvreur, Santuzza, Fedora à l’évocation de leurs auteurs. Seule une triviale notion de tessiture pourrait nous priver de ses incarnations devinées sublimes.
Au piano, à ses cotés, Donald Sulzen est un complice de grande qualité. Pianiste aux moyens immenses que rien n’effraye et musicien particulièrement à l’aise dans ces compositions à la charnière du XIX° et du XX° qui réclament un goût très sûr. Le rubato est frère de celui de la cantatrice et nous devinons que ce musicien aime beaucoup les grandes artistes qu’il côtoie, aujourd’hui comme celles d’autrefois ; justement Magda Olivero dont nous parlions plus haut…

Et que dire de plus, sans révéler n’être qu’un homme du banal, sinon que la femme est absolument superbe, l’actrice magnifique (tragique ou mutine) capable de porter un boa comme une reine ou une coquine mais avec un chic inimitable.
Les trois bis obtenus par un public absolument conquis, permettent d’apprécier son appropriation de la langue espagnole et américaine sur le même niveau de perfection. Dans le genre comique, Zarzuela, plein d’humour, Tarentella ou sentimental, le Magicien d’Oz…
Une telle intelligence, une telle beauté sur tous les plans permettent d’affronter la vie pour plusieurs semaines en sachant que la grâce et le charme vrais existent, Over the rainbow, évidemment….
Merci Madame !

Toulouse. Halle-aux-Grains. Le 7 février 2012. Récital de mélodies italiennes de : Claudio Monteverdi ; Marcantonio Cesti ; Ottorino Respighi ; Ildebrando Pizzetti ; Stefano Donaudy ; Francesco Paolo Tosti ; Francesco Cilea ; Alfredo Catalani ; Pietro Macagni ; Reynaldo Hahn ; Licinio Refice. Anna Caterina Antonacci, soprano ; Donald Sulzen, piano.

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