vendredi 4 juillet 2025

CRITIQUE, concert. PARIS, 6ème Festival « Résonances » (Sainte-Chapelle), le 30 juin 2025. BACH / MOZART / RAVEL / CHOPIN. Saehyun KIM (piano)

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Deux jours après un récital du brillant claviériste Sébastien Grimaud, et au lendemain du concert du moins talentueux accordéoniste Julien Beautemps, les pierres et les vitraux séculaires de la Sainte-Chapelle ont vibré à nouveau d’une émotion rare, en ce lundi 30 juin, pour le concert de clôture du 6ème festival « Résonances« . Dans ce sanctuaire de lumière, c’est le jeune prodige coréen Saehyun Kim, fraîchement auréolé de son triomphe au Concours Long–Thibaud 2025, qui a offert une soirée pianistique d’une intensité et d’une maîtrise proprement sidérantes. Un programme audacieux, traversant quatre siècles de musique, transformé sous ses doigts en un voyage initiatique d’une profondeur inoubliable.

 

Dès les premières notes du « Wachet auf, ruft uns die Stimme » (BWV 645) de Johann Sebastian Bach, dans l’arrangement monumental de Feruccio Busoni, Saehyun Kim a imposé son aura. Loin d’une simple transcription, il a fait résonner l’appel des veilleurs avec une solennité et une clarté polyphonique saisissantes. La voûte gothique semblait amplifiée chaque ligne mélodique, chaque basse affirmée avec une présence tellurique. Dans « Ich ruf zu dir, Herr Jesu Christ » (BWV 639), toujours transcrit par Busoni, la prière est devenue palpable. Le toucher de Kim, d’une délicatesse infinie et d’un contrôle dynamique absolu, a transcendé le métal du piano pour en faire un instrument d’orfèvre, où chaque note chantait une supplique intime et recueillie, captivant l’auditoire dans un silence religieux.

Le passage à la Sonate n°3 en Si bémol Majeur K. 281 de W. A Mozart a révélé une autre facette, lumineuse et espiègle, du talent de Kim. L’Allegro initial a pétillé d’une joie juvénile et d’une articulation d’une précision de cristal. L‘Andante amoroso s’est déployé avec une tendresse poétique et un phrasé d’une élégance naturelle, tandis que le Rondo final a éclaté dans un tourbillon de vivacité et de bonne humeur, exécuté avec une aisance technique confondante et un sens inné du style classique.

Puis vint le vertige avec « Gaspard de la Nuit » de Maurice Ravel. Saehyun Kim s’est mué en alchimiste du clavier, maîtrisant avec une autorité stupéfiante les pièges diaboliques de ces trois poèmes. « Ondine » a miroité de mille reflets liquides et perfides, les traits rapides semblant couler de source. « Le Gibet » a imposé son climat d’angoisse irréelle, le si bémol obstiné martelé comme un glas funèbre sous une ligne mélodique d’une désolation poignante. Enfin,« Scarbo » a déchaîné les démons de la virtuosité. Kim a affronté les sauts et les rythmes démultipliés avec une énergie foudroyante et une netteté implacable, restituant toute la malice grotesque et fantastique du personnage. Une performance qui tenait de l’exploit physique et de la transe artistique, laissant le public littéralement pantelant.

L’hommage à Frédéric Chopin qui suivit fut un baume d’une poésie raffinée. Les Quatre Mazurkas Op. 33 ont été autant de miniatures ciselées avec amour. Kim en a saisi l’essence dansante, mélancolique ou fière, avec un rubato parfaitement naturel et une palette de couleurs intimes, du sol dièse mineur rêveur au si mineur plus sombre, en passant par la grâce du Ré Majeur et la simplicité élégiaque du Do Majeur. Puis, le Scherzo n°3 en do dièse mineur Op. 39 a éclaté comme un feu d’artifice final. Kim en a déployé toute la puissance héroïque et la fébrilité romantique, des accords introductifs fulgurants aux fusées chromatiques étincelantes du développement, jusqu’au retour du thème principal d’une noblesse souveraine. La coda, d’une virtuosité vertigineuse, a été emportée avec une bravoure et une précision qui ont soulevé la salle.

L’ovation finale fut instantanée, debout et vibrante. Saehyun Kim, d’une modestie touchante, a salué avec grâce, confirmant non seulement son statut de vainqueur du Long Thibaud, mais surtout celui d’un artiste majeur en devenir, capable de conjuguer une technique phénoménale à une intelligence musicale et une sensibilité hors du commun.

Vivement la 7ème édition du festival « Résonances »… en juin 2026 !

 

 

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CRITIQUE, concert. PARIS, 6ème Festival « Résonances » (Sainte-Chapelle), le 30 juin 2025. BACH / MOZART / RAVEL / CHOPIN. Saehyun KIM (piano). Crédit photo (c) Emmanuel Andrieu

 

 

VIDEO : Finale du Concours Long-Thibaud 2025 (Saehyun Kim Lauréat)

 

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