Ce mardi 3 juin 2025, la Cathédrale de Maguelone – joyau architectural posé entre étangs scintillants et pinède méditerranéenne – a vibré aux accents du baroque italien pour l’ouverture du 42ᵉ Festival de Musique Ancienne. Nichée dans son écrin naturel, cette basilique romane, réputée pour son acoustique exceptionnelle et son aura historique, accueillait l’ensemble Gli Incogniti, emmené par la violoniste virtuose Amandine Beyer. Le programme, entièrement dédié à Antonio Vivaldi à l’occasion du tricentenaire des Quatre Saisons (1725), a comblé un public venu en nombre, témoignant de la vitalité d’un festival qui, malgré les défis financiers, « amorce un cap nouveau » sous la direction artistique de Sylvain Sartre, co-fondateur et co-directeur musical de l’ensemble Les Ombres.
Dès les premières mesures de l’Ouverture de L’Olimpiade (RV 725), l’alchimie entre le lieu et la musique s’est imposée. Composé en 1734 sur le livret de Pietro Metastasio, cet opéra-seria déploie une intrigue amoureuse complexe mêlant jeux olympiques antiques, quiproquos et trahisons. Sous l’archet inspiré d’Amandine Beyer, l’ouverture a révélé toute sa théâtralité : les violons (Alba Roca, Yoko Kawakubo) ont tissé des dialogues vifs, soulignés par le continuo de Francesco Romano au théorbe et Christian Saude à l’alto, restituant l’effervescence des jeux olympiques. Gli Incogniti a ensuite donné à entendre le Concerto pour violoncelle RV 421, du même Vivaldi, interprété ici par Marco Ceccato. Ce moment d’intimité a révélé la profondeur méconnue de Vivaldi ; dans le Largo, le violoncelle de Ceccato a déployé un chant poignant, presque vocal, porté par un continuo discret (clavecin d’Anna Fontana, théorbe et alto). Les deux Allegro encadrants ont fait scintiller sa technique époustouflante, avec des arpèges en tempête et une précision rythmique galvanisante.
Mais le point d’orgue de la soirée était bien sûr l’exécution des Quatre Saisons, qui a tenu sa promesse de célébration de son tricentenaire. Amandine Beyer, en soliste et cheffe, a offert une relecture audacieuse et poétique de ce monument. Jouant sur un violon monté en boyaux, avec un archet baroque, elle a restitué la palette originelle des affects : le frisson de l’hiver (L’Inverno), la fièvre de l’été (L’Estate), et la tendresse printanière (La Primavera) ont retrouvé leur rugosité et leur grâce premières. Les « effetti speciali » vivaldiens – grêlons (pizzicati secs), orage (gammes en rafales), cri de l’oiseau (trilles aigus) – ont été soulignés avec une narration théâtrale, sans jamais tomber dans la caricature. Les musiciens, en cercle serré, ont joué « d’oreille », privilégiant l’écoute mutuelle aux gestes directives, pour un résultat d’une fluidité organique. Cette version, saluée comme « de référence » depuis sa recréation par Gli Incogniti il y a dix ans, a confirmé son statut de classique intemporel.
Ce concert inaugural, hommage éblouissant à Vivaldi, ouvre une édition 2025 placée sous le signe de l’Italie, « terre fertile du baroque ». Avec des rendez-vous à venir – conférence d’Olivier Fourès (« Les Quatre Saisons : une histoire sans fin », le 7 juin), récital du duo Salzenstein-Roussel, clôture par le Poème Harmonique (et la mezzo Isabelle Druet), le festival promet dix jours d’ivresse musicale !…
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CRITIQUE, festival. VILLENEUVE-LES-MAGUELONE, 42ème Festival de Musique Ancienne, le 3 juin 2025. VIVALDI : Les 4 Saisons. Ensemble Gli Incogniti, Amandine Beyer (direction). Crédit photo (c) Emmanuel Andrieu
VIDEO : Amandine Beyer interprète « Les 4 Saisons » de Vivaldi à la tête de son ensemble Gli Incogniti