mercredi 14 mai 2025

CRITIQUE, opéra. PARIS, Opéra Bastille, le 20 avril 2025. VERDI : Don Carlos. Charles Castronovo, Maria Rebeka, Christian Van Horn, Ekaterina Gubanova… Krzysztof Warlikowski / Simone Young

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André Peyrègne
André Peyrègne
André PEYREGNE est Président d’honneur de la Fédération Française d’Enseignement Artistique, Chroniqueur en Histoire et Musique de Nice-Matin, Collaborateur de Radio France et France Télévision et Ecrivain (son dernier livre paru : « Petites histoires de la grande musique » / Editions Desclée de Brouwer)

C’était en 2017. C ‘est à dire avant les années Covid. Autant parler d’une autre époque… Le monde ne savait pas ce qui l’attendait. L’Opéra Bastille avait programmé le Don Carlos assassin du metteur en scène polonais Krzysztof Warlikowski. Il fût hué. Huit ans plus tard, l’Opéra Bastille reprend ce spectacle. La mise en scène est toujours aussi énigmatique mais passe comme une lettre à la poste. On est finalement pris par la force du spectacle et, surtout, par la qualité de distribution vocale. Au bout du compte, ce Don Carlos est un succès.  

 

Énigmatique, en effet, la mise en scène. On n’est plus dans l’Espagne du XVème. siècle où le roi Philippe II et son fils Carlos se disputent l’amour d’Elisabeth de Valois, fille d’Henri II, mais dans un monde moderne. Les personnages n’ont aucun scrupule à garder leurs noms et leurs références historiques même s’ils vivent à notre époque. L’essentiel du décor est constitué d’un immense salon tapissé de boiseries. Au premier acte, ce salon est censé être… la forêt de Fontainebleau, au troisième acte le… jardin de la reine, au dernier acte le… monastère de Saint-Just. Pour qu’on comprenne où l’action se situe une inscription s’affiche sur un écran : « Jardin de la reine », « Monastère de Saint-Just », etc. Merci pour le renseignement ! On lit aussi « Chambre du roi » au-dessus d’une… salle de cinéma. Il faut suivre ! A l’acte 2, le jardin du monastère se transforme… en salle de gym. Des escrimeuses s’escriment tandis que le chœur chante « ces bois au feuillage immense ». Allez comprendre !…

Mais, nous l’avons dit, le spectacle a une force propre qui culmine dans la scène du couronnement. Alors, on se laisse aller dans ce monde étrange et austère où se trament des amours et des trahisons. Nous l’avons dit aussi, ce spectacle vaut par la qualité de sa distribution vocale. Les deux meilleurs se trouvent au sommet de la hiérarchie des personnages : la reine et le roi. La reine est Marina Rebeka. Timbre magnifique, totale maîtrise vocale, belle aisance scénique. Il faut l’entendre non seulement dans l’éclat de ses solos ou duos d’amour mais aussi dans l’intensité émotionnelle d’un air comme « O ma chère compagne » quand le roi répudie sa suivante qui n’a pas su la surveiller. Le Philippe II de Christian Van Horn est impressionnant. Avec sa voix et son timbre de bronze et sa puissance expressive, il incarne à la fois l’autorité et la fragilité de son personnage. « Elle ne m’aime pas » chante-t-il – et toute la salle frémit. On a connu meilleurs Carlos que Charles Castronovo. Mais celui-ci nous touche quand même par son engagement et la qualité de son timbre. Il est curieusement meilleur dans les duos que dans les solos dans lesquels il a tendance à chanter en force. Magnifique duo final avec Elisabeth ! 

Ekaterina Gubanova, voix chaude et puissante, assume avec panache son rôle d’Eboli. Elle est attendue au tournant dans son air « Oh don fatal ». Là, on aurait aimé plus d’éclat. En revanche son duo avec Elisabeth restera dans nos souvenirs. Et voici le Rodrigue d’Andrzej Filończyk. Il emporte tout sur son passage ! Séduisant, ardent, il fait sonner ses aigus brillants, sait rajouter les sanglots qu’il faut et vous remue en chantant « Ah je meurs l’âme joyeuse… ». La basse russe Alexander Tsymbalyuk vous fait trembler dans son rôle de Grand Inquisiteur avec ses graves profonds et son autorité d’airain. On aime aussi les accents graves du Moine de Sava Semic. Très bons seconds rôles avec, notamment le Thibault de Marine Chagnon. Les Chœurs de l’Opéra national de Paris, comme toujours, sont excellents.

Quant à la cheffe autralienne Simone Young, elle fait resplendir l’orchestre, lui donnant de la souplesse, du corps, de l’éclat, de la grandeur. Elle se donne à Carlos. Elle est, avec Elisabeth, l’une des deux reines de la soirée. 

 

 

 

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CRITIQUE, opéra. PARIS, Opéra Bastille. 20 avril  2025. VERDI : Don Carlos. Charles Castronovo, Maria Rebeka, Christian Van Horn, Ekaterina Gubanova, Andrzej Filończyk… Krzysztof Warlikowski / Simone Young. Crédit photographique © Franck Ferville / Opéra de Paris

 

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