mercredi 7 mai 2025

Tourcoing. Théâtre Municipal, le 14 octobre 2011. Bellini: La Sonnambula. Alain Buet, Rodolfo. Sabine Devieilhe, Amina… Choeur rég. Nord Pas de Calais, La Grande Ecurie La Chambre du Roy. Jean-Claude Malgoire, direction

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A Tourcoing, pour lancer sa nouvelle saison, Jean-Claude Malgoire
est bien inspiré d’ouvrir l’exercice 2011-2012 par ce Bellini
captivant, un compositeur qu’il a plutôt peu abordé jusque là; c’est une
mise en bouche plutôt savoureuse et toujours intensément défendue avec
cet esprit de troupe qui distingue depuis ses débuts, l’aventure de
l’Atelier lyrique de Tourcoing.
Même en version de concert, le théâtre Bellinien passe aisément la rampe, surtout si la distribution est portée par de vrais tempéraments vocaux… qui sont, ce soir, au nombre de deux.

Saluons au préalable, le choeur très impliqué (Choeur régional Nord Pas de Calais qui fête lui aussi ses 30 ans), et dont la tenue dans les tableaux qui le sollicitent, confirme cette complicité musicale et collective dont Jean-Claude Malgoire sait cultiver le secret depuis ses premiers concerts.

Très bon choristes donc dans l’évocation du fantôme au I; Même projection convaincante au début du II, quand tous recherchent le témoignage du comte quant à l’innocence de la fiancée d’Elviro.

Premier tempérament délectable, le baryton dont l’identité se précise au cours de la soirée. Alain Buet campe un cavalier puis un comte de très grande valeur: il comprend que le chant bellinien n’a rien à gagner en force ni par chant surexpressif ou heurté; a contrario son bel canto serti d’une musicalité simple et souple, toute en finesse captive de bout en bout: Il apporte au rôle du comte Rodolfo, de retour au château, cette humanité tendre et paternelle, bienveillante et compassionnelle, qui contre l’obscurantisme des villageois, sait expliquer le comportement d’Elvira et nommer ce somnambulisme dont elle souffre.


Sabine Devielhe, nouvelle diva française

Révélation de la soirée, la jeune Sabine Devielhe qui fait ses débuts de soliste à Tourcoing, dans un grand rôle dramatique, montre sans faiblir une ligne vocale jamais contrainte, visiblement à son aise dans les vocalises du II, passant du chant éthéré et élastique de la somnambule,… à son réveil plutôt brutal devant tous les villageois, où la pure joie de la victoire liée à sa réhabilitation finale, exige un surcroit de jubilation vocale; … fatiguée en fin d’action, après un premier acte plutôt engageant, la cantatrice peine à diffuser son dernier air : du souffle, un véritable dépassement final font hélas défaut, atténuant la magie suspendue des aigus… Mais jusque là, des couleurs ciselées, une technique superlative… Si le tempérament comme la projection, et parfois la mezza voce, manquent de clarté et de soutien, s’essoufflent en fin de drame, la souveraine musicalité de la nouvelle diva force l’admiration. Et d’ailleurs, était-elle à son meilleur? Avec une fièvre tenace, il est vrai que l’on ne peut donner que ce que l’on a. C’est dire ses possibilités réelles dans un tout autre contexte, disposant de tout son potentiel.
Son Anima est constamment juste, sincère, au diapason exact de l’idéal féminin de Bellini. Souhaitons que l’interprète s’obstine dans l’art bellinien, car si la voix est petite, l’orfèvrerie caractérisée lui sied plus que la puissance.

La chanteuse pourrait bientôt se distinguer par la finesse de phrasés naturels, un sens de l’incarnation subtil et raffiné… Tout ce qui distingue aujourd ‘hui son ainé, bellinien exemplaire et inégalable, Juan Diego Florez.

Si les Traviata ou Manon (Massenet) semblent inaccessibles, les grands rôles romantiques italiens (Lucia, Elvira…) devraient lui garantir une montée en puissance confortable; et pourquoi ne pas s’essayer dans les rôles de Gilda ou d’Antonia ? … De nouvelles prises de rôles tout aussi prometteuses. Quoiqu’il en soit la carrière de la jeune soprano s’avère déjà passionnante; encore faut-il que ses choix futurs soient ainsi raisonnés… On a vu trop de jeunes talents gâchés par des prises de rôle inconsidérées voire suicidaires.

A la suite de cette étonnante Somnambula (1831), chefs et musiciens s’engagent pour la saison 2011-2012, dans une voie surtout rossinienne, nous promettant une petite Messe Solennelle festive, des péchés de vieillesse assortis de leurs inédits « de jeunesse », sans omettre l’excellent Tancredi (repris à l’Opéra de Versailles), puis Le Barbier de Séville en clôture de saison, Jean-Claude Malgoire fait la preuve de son infatigable curiosité; assumer crânement ce Bellini plus que réussi, oser pour le rôle-titre, lancer une jeune inconnue (désormais révélée donc à suivre), apporter la séduction si délectable des instruments anciens (cors naturels …)… Tout cela relève d’une philosophie rare : l’esprit du laboratoire, les défis d’une expérience collective (qui place le public au centre de l’acte musical)… Connait-on ailleurs même démarche artistique ou le risque et le défrichement sont défendus à parts égales ? Voilà 30 ans que l’offrande musicale du plus musicien des artistes du nord sait nous surprendre et nous convaincre à chaque nouvelle saison.
Artisan plutôt qu’artiste formaté, entrepreneur pariant sur le risque plutôt que routinier aimant confort et neutralité:  » JCM » en aurait à nous conter: sa démarche cible juste; quel beau symbole et davantage, quel modèle d’ engagement vivant; une œuvre d’ autant plus méritante, qu’à 70 ans passés, Jean-Claude Malgoire souffle ses 30 ans à la tête de l’Atelier Lyrique de Tourcoing lors de la saison 2011-2012. Jeunesse, audace, défis … Depuis ses débuts, en pilote de troupe avisé, JCM cultive son jardin des voix et des instruments sans sourciller: combien de grands interprètes lui doivent aujourd’hui leur succès ? Au début de leur carrière, l’Atelier Lyrique de Tourcoing a fait office de révélateur et de tremplin décisif. Bon anniversaire et longue vie maestro!! Prochain rv de l’Atelier Lyrique de Tourcoing, La Petite Messe Solennelle de Rossini, les 20, 22 et 24 janvier 2011 dans une version historique festive.

Tourcoing. Théâtre Municipal Raymond Devos, le 14 octobre 2011. Vincenzo Bellini: La Sonnambula. Alain Buet, le comte Rodolfo. Sabine Devieilhe, Amina. Fausto Reinhardt, Elvino. Anne-Marguerite Werster, Teresa. Lisa, aubergiste Liliana Faraon. Alessio David Witczak. Choeur régional Nord Pas de Calais, La Grande Ecurie La Chambre du Roy. Jean-Claude Malgoire, direction.

Illustrations: Sabine Devielhe, Alain Buet (DR), Jean-Claude Malgoire ©D.Pierre

Atelier lyrique de Tourcoing, saison 2011-2012:
saison des 30 ans. L’Atelier Lyrique de Tourcoing fête ses 30
printemps:
30 ans de défrichement, d’expérience musicale défendue dans l’esprit
d’une troupe, mieux d’une famille. Portée par l’infatigable autant
qu’exigeant Jean-Claude Malgoire, l’aventure poursuit ses escales
stimulantes pour sa nouvelle saison 2011-2012:
Bellini, duo pétillant Molière/Lully (Monsieur de Pourceaugnac),
Festival Rossini (Petite Messe solennelle, reprise de Tancrède…)
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