Antoine Dauvergne
à Versailles
Versailles consacre ses Grandes Journées à Antoine Dauvergne, soulignant combien le compositeur officiel des règnes de Louis XV et de Louis XVI favorisa avec une clairvoyance et un goût sûr, la métamorphoses des esthétiques musicales à l’époque des Lumières, du Baroque tardif au classicisme et… préromantisme. Les programmes des mois d’octobre et de novembre 2011 montrent cette évolution des styles, parcours fascinant qui mène de Rameau à Dauvergne, puis de Gluck aux prémices romantiques, sans omettre l’essor français du style concertant dont les éclairs virtuoses ont influencé jusqu’à Mozart dans les années 1770.
Concert Gluck, Dauvergne
Samedi 15 octobre 2011 à 20h
Versailles, Opéra Royal
Gluck: Iphigénie en Aulide, 1774
Dauvergne: Polyxène, 1763
Opera Fuoco
David Stern, direction
Polyxène de Dauvergne
4è et ultime partition lyrique de Dauvergne, Polyxène démontre la liberté du musicien dans le traitement du sujet antique: il en défait la trame historique pour mieux réaliser son projet musical. Dauvergne réussit en 1763 à caractériser les figures noire et ténébreuse d’Hécube, du noble et déchirant Télèphe, du tendre et fervent Pyrrhus… Le public remarque la déclamation resserrée intense, expressive; le début de l’ouverture, le chaconne, la tempête, le choeur des désespérés au III; … la volonté d’austérité marqua les esprits, comme il en avait été question dans Hercule mourant (1761), autre opéra révélé à Versailles (voir agenda ci après) : ici point d’airs chantants faciles à fredonner, de thèmes agréables et accessibles voire complaisants…
Dauvergne compose un opéra lugubre et désespéré. Télèphe et Pyrrhus aiment la même femme Polyxène. Cette dernière malgré les agissements de sa mère Hécube, reste sensible à Pyrrhus, pourtant meurtrier de son père Priam… Tous meurtris par des destins tragiques s’abîment en douloureuses plaintes, solitudes aveugles… et c’est finalement le tendre Pyrrhus qui sauve Polyxène.
Aucune légèreté (Louis XV), mais un pathétique néoclassique, sombre et édifiant (Louis XVI). Dauvergne fait une synthèse remarquable entre Rameau et Gluck qui ne créera Iphigénie que 10 années après Polyxène. Et comme toujours, la musique est en avance sur l’esthétique picturale: Polyxène de Dauvergne annonce les tableaux moraux de David, presque de 20 ans plus tardifs.
Hélas, face à une certaine incompréhension des critiques et des détracteurs dont le partisan Grimm (fervent soutien de l’opéra italien), Polyxène fut retiré de l’affiche après la 18è représentation.
Iphigénie, modèle du sublime pathétique
Avec son ultime opéra, Polyxène (1763), Dauvergne illustre les derniers feux de l’opéra grand genre, même Rameau avec
Les Borréades demeuré non créé à sa mort en 1764, ne fait plus entendre sa voix si moderniste. Quand, directeur de l’Opéra, Dauvergne découvre
Iphigénie en Aulide de Gluck (1773), le Français comprend immédiatement la portée révolutionnaire de la partition de l’Autrichien, favori de la jeune reine Marie-Antoinette.
Le concert met en relief la curiosité de Dauvergne pour la modernité gluckiste. D’ailleurs, le Chevalier venu de Vienne entendait rétablir la véritable tragédie lyrique tout en respectant le modèle de Lully et les valeurs de la cantilène française. Promoteur du ballet pantomime (Don Juan, 1762), réformateur de l’opéra seria (Orfeo ed Euridice, 1763), Gluck apporte en France grâce au soutien de la Reine qui fut son élève à Vienne, la nouvelle forme de l’opéra français des Lumières. En mars 1774, les parisiens découvrent les splendeurs dramatiques du genre régénéré: Marie Antoinette qui n’est encore que dauphine (Louis XV n’est pas encore décédé) applaudit à tout rompre, obligeant les princes à applaudir autant qu’elle: le succès de son favori était ainsi assuré. La déclamation renforcée atteint alors à ce sublime pathétique qui est la dernière expression musicale de Gluck. Même Rousseau hostile, reconnut qu’il était désormais possible de composer un théâtre lyrique dans la langue française.
Prochains concerts Dauvergne à Versailles:
La Vénitienne, comédie lyrique, 1768
Versailles, Opéra Royal
Mardi 8 novembre 2011 à 20h
Les Agrémens. Guy van Waas, direction
Paris Virtuose
Essor de la veine concertante à Paris: oeuvres de Devienne, Gossec, Mozart, Dalayrac, Berton, Rigel, Grétry
Mardi 15 novembre 2011
Versailles, Opéra Royal à 20h
I Virtuosi delle Muse
Hercule Mourant, 1761
Tragédie lyrique
Samedi 19 novembre 2011 à 20h
Versailles, Opéra Royal
Les Talens Lyriques
Diffusion ultérieure sur France Musique