mardi 6 mai 2025

Moussorgski: Boris, 1869 (Anastassov, Noseda, 2010) 1 dvd Opus Arte

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Turin, octobre 2010: Gianandrea Noseda, recueilli, concentré livre l’une des productions de Boris les plus âpres, franches, à la fois épiques et bouleversantes de la partition de Moussorsgki qui est aussi son propre librettiste. Expurgé des maquillages et arrangements de Rimski Korsakov, aussi sincère fut-il pour enjoliver l’opéra, ce Boris tient ses promesses: violent, sauvage (la scène dans la forêt de Kromy qui valide par le peuple, les prétentions du faux Dimitri, relève de la transe collective, cruelle et éperdue dans son sentiment de liberté oppressée…). La mise en scène est sobre, exploitant idéalement les contrastes clair – obscur, délivrant le souffre d’une musique parmi les plus rugueuses qui soient: mais ici, intelligemment restituée, la succession des 8 scènes, passant du monastère de Novodievitchi où le moine Otrepiev se grise à l’écoute de la chronique historique de son maître Pimène, et échafaude l’usurpation pour lui salvatrice; aux quartiers impériaux du Kremlin où paraît le Tsar Boris de plus en plus enclin à l’amertume vénéneuse, rongé par l’infanticide auquel il doit son trône… La production revient à la conception originelle que Moussorgski soumet à la censure du Mariinski en 1869: version originale écartée car jugée maladroite, audacieuse, pour ne pas dire obscène.


Âpreté originelle jubilatoire

Or c’est justement sa verdeur première, son réalisme expressionniste, sa franchise parfois brutale et barbare qui accrédite ici l’option musicale. Jamais le théâtre de Moussorgski n’a paru plus intense et cohérent, d’une vision sans apprêt sur la nature humaine, la folie que suscite le pouvoir, la versatilité des peuples, vindicatifs quand ils souffrent, soumis dès qu’ils se trouvent un nouveau leader… Noseda architecture toute la direction sur la puissance et la subtilité d’une orchestration au premier abord tranchante et percussive, mais au final juste et si géniale. Les confrontations entre personnages (Boris et l’aveugle sur le parvis de la Cathédrale Saint-Basile), la profondeur régénérée des caractères, dont évidemment le profil de Boris, Tsar dérisoire, rattrapé par la malédiction divine, est passionnante.
Toute l’action est portée par la rudesse étincelante de l’orchestre… et la justesse du chant en particulier du rôle-titre: la basse Orlin Anastassov campe son personnage, superbe et dévoré, solitaire et impuissant, avec une force charismatique évidente, défendue d’abord par la noblesse naturelle de son timbre. Toute la distribution est plus qu’honorable et les chanteurs sont comme les choristes, de vrais acteurs (y compris au moment des saluts). Magistral.

Modest Moussorgski: Boris Godounov (nouvelle version critique de la partition originale de 1869). Orlin Anastassov, Boris Godunov. Alessandra Marianelli, Xenia. Pavel Zubov, Fyodor. Ian Storey, Grigory. Vladimir Vaneev, Pimen. Peter Bronder, Prince Shuisky… Choeur d’enfants du Teatro Regio et du Conservatoire Giuseppe Verdi, choeur et orchestre du Teatro Regio Turin. Gianandrea Noseda, direction. Andrei Konchalovsky, mise en scène

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