Le maître et son élève
Brendel et Armstrong junior
Arte
Lundi 29 août 2011
Musica à 22h05
En 2006, le jeune musicien surdoué qui est aussi mathématicien et philosophe rencontre le pianiste Alfred Brendel: le prodige n’a que 14 ans: et pourtant il subjugue le grand Alfred. En 2008 et 2009, le réalisateur Mark Kidel suit les deux artistes liés désormais par un travail de transmission: à la fin de sa carrière, Brendel qui fait ses adieux au festival de Plush (Dorset) accepte de prendre sous son aile, comme pédagogue admiratif, le jeune taiwanais si prometteur… A 19 ans, Kit Armstrong adoubé par un tel interprète devrait bientôt relancer le prestige du pianisme asiatique après Lang Lang ou Yuja Wang, ses confrères chinois. La caméra filme ce duo d’exception et surtout l’estime réciproque que se portent mutuellement les deux pianistes, chacun à l’extrémité opposée de sa carrière… Brendel transmet à son protégé son art chez Mozart et Bach… Et Kit répète à Leipzig avec Riccardo Chailly et l’orchestre du Gewandhaus. Documentaire événement.
Le Brendel du XXIème siècle ?
Le docu suit la rencontre des deux personnalités chacun à l’extrémité de leur carrière pianistique respective. L’adolescent presque jeune homme est un génie des maths (il suit un master à Paris, à l’Université de Pierre et Marie Curie) et compose aussi (voyez ce Trio joué au festival dirigé par le fils d’Alfred, Adrian: du Ligeti dans le dernier mouvement, une écriture contemporaine qui assimile chromatisme et dissonance avec une superbe intelligence, dixit Alfred).
A Londres ou dans le Dorset (Plush Manor), le jeune Kit apprend chez Brendel, le sens profond de la musique, la passion des notes et le côté obscur qui font le mystère inépuisable des oeuvres. Chez Franck, Schubert (D 958), Mozart (K570), Chopin (Opus 10 n°3), le jeune apprenti s’efforce d’abandonner un jeu trop mécanique; sentir; éprouver, lâcher prise; libérer ce corps encore contraint et crispé; vivre la musique de l’intérieur…
Dans le studio où ils travaillent, Alfred Brendel agite les bras comme s’il avait des ailes pour que son protégé prenne son envol par mimétisme. Comme le pianiste déjà reconnu et célèbre aimerait que son élève prenne plus tard le temps de lire les grands auteurs et écrivains, s’imprègne des rôles, des personnages et des héros pour enrichir comme il l’a fait à son époque, son jeu propre et son imagination en tant qu’interprète.
Pour autant, Kit Armstrong ne se sent pas comme un « petit Brendel » ou un clone de son aîné: il reconnaît à son mentor ce geste précis et juste qui lui permet de trouver le sens profond des oeuvres, et les moyens pour l’exprimer. Le jeune prodige a déjà une vision claire et précise de la musique, un tempérament qui promet une grande carrière. Le point ultime de ce voyage en forme de rencontres et de transmission est le Concerto pour clavier de Bach BWV 1052 en ré mineur: Kit Armstrong très inspiré et concentré dans la musique répète à Leipzig en septembre 2009, au Concertgebouw avec Ricardo Chailly: le chef est très impressionné par la maturité intérieure du pianiste lequel lui indique les passages les plus intenses du Concerto.
A peine âgé de 17 ans (en 2009, dernière année du tournage), Kit Armstrong, sous la protection prestigieuse de Brendel, affirme déjà une belle maturité artistique. Il avait déjà joué en 2000 (Sud de la Californie) ce même Concerto de Bach, mais il était trop petit alors pour atteindre les pédales et rétrospectivement son approche était trop mécanique… Kit Armstrong sera-t-il le Brendel du XXIème siècle? C’est la question que pose incidemment ce portrait d’un jeune et déjà grand musicien.
