mercredi 7 mai 2025

Boulbon (Vaucluse). Le 9 juillet 2011. 15èmes Floraisons Musicales. Beethoven, Mendelssohn, Rimsky-Korsakov. Orch. Symph. de l’UC de Louvain La Neuve. Antonio di Cristafano, piano. Philippe Gérard, direction

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Offre complémentaire aux grandes machines simultanées dans la région, le festival Les Floraisons Musicales (15è édition en 2011) ne cesse de surprendre… et convaincre. C’est l’apport inattendu d’un cycle de concerts dans les villes du pays provençal, là où le classique n’est pas attendu qui s’impose à nous avec la force d’un événement atypique dont l’itinérance dans plusieurs étapes géographiques de la région PACA (Vaucluse, Bouches du Rhône, Gard…), fait la spécificité pour nous marquante: faire jouer les musiciens hors des salles et des lieux identifiés, apporter l’excellence d’instrumentistes encore peu connus et pourtant étonnamment convaincants au coeur du paysage de Provence; « oser » une offre plurielle et pluridisciplinaire au moment où Aix, Avignon, Orange… offrent leurs grandes productions… Le pari est délicat; le défi immense… et les résultats à la hauteur des attentes. Plus que tout autre festivals de musique, Les Floraisons Musicales militent pour un classique plus que jamais proche, accessible: en ne jouant pas sytsématiquement les têtes d’affiches ou les programmes consensuels, le festival défend une solide cohérence artistique, préservant, par ses chemins de traverse, la richesse de l’offre musicale dans une région où tournent souvent toujours les mêmes noms avec les mêmes formations…
L’équipe a le charme d’un noyau familial et il faut absolument vivre l’expérience des Floraisons pour découvrir dans les églises, chapelles et tous les autres lieux reculés voire imprévus de l’arrière pays provençal ce que défrichement et audace d’une programmation sur mesure portée avec passion, signifient.

Voyez ce concert symphonique à Boulbon (Vaucluse). La ville nichée au pied de la citadelle perchée au sommet d’une colline plantée de pins est nationalement célèbre pour sa chapelle médiévale, véritable sanctuaire et bijou patrimonial qui est le réceptacle du fameux retable aux Christ ressuscité et de souffrance par le très énigmatique autant que génial, « Maître de Boulbon » (Retable de Boulbon où figure Saint Agricol et le commanditaire: Jean de Montagnac? vers 1460). L’original de ce chef d’oeuvre de la Renaissance provençale fait aujourd’hui l’éclat des cimaises du Louvre à Paris… c’est dire son inestimable valeur. Voilà qui atteste à Boulbon, l’activité d’un foyer artistique déjà ancien. Les Floraisons organisent depuis des années des concerts chambristes ou des récitals lyriques dans cet écrin à l’acoustique unique elle aussi.
En 2011, le festival investit un autre lieu: l’église en centre ville pour accueillir l’Orchestre Symphonique de l’UC de Louvain la Neuve: pas moins de 75 musiciens sous la direction de leur chef attitré Philippe Gérard, dans un programme nettement romantique et non français, ambitieux autant que cohérent qui fait se succéder Beethoven, Mendelssohn et Rimsky-Korsakov.
La phalange fait partie du réseau européen des orchestres d’étudiants venus vivre au sein d’une tournée européenne des festivals d’été (European festivals experience) le jeu collectif professionnel sous la baguette d’un maestro aguerri. C’est une étape capitale dans la formation et la maturation des jeunes instrumentistes, un jalon décisif pour leur probable vocation de futurs « grands » de demain. Chaque année, Les Floraisons Musicales, pilier actif de ce vaste projet, accueillent ainsi jusqu’à 3 orchestres européens, expérience unique qui place d’emblée, le cycle musical en Provence, dans la dynamique d’une constellation musicale européenne et internationale.

Plus qu’une honnête exécution, ces jeunes passionnés transmettent ce que les formations subventionnées et fonctionnarisées ne peuvent plus donner (on l’a encore constater à l’occasion de la dernière fête de la musique): le plaisir, l’enthousiasme, la joie, l’énergie d’une volonté en partage. Leur investissement est total et la jubilation dans le désir de fondre toutes les individualités se lit dans ces étincelles fugaces des regards qui se répondent; d’autant que Philippe Gérard est un chef scrupuleux; exigeant, précis, demandeur de nuances, gardien de l »équilibre entre les pupitres: un défi à vaincre dans une église aussi réverbéré que celle de Boulbon. Le résultat dépasse notre attente: ces instrumentistes ont de la volonté et aussi de la sensibilité: une évidente ambition partagée qui sait prendre son essor dans les oeuvres choisies; le chef tempère, mesure les ardeurs, et c’est une complicité souvent stimulante qui opère avec le jeu si fluide et naturel du pianiste florentin Antonio di Cristofano: un maître du phrasé, un technicien hors pair dont l’humilité et la simplicité si naturelle et immédiatement poétique illuminent le Concerto l’Empereur de Beethoven: habité par la grâce, d’une intelligence confondante, le soliste captive de bout en bout par son aisance, son évidence, sa tendresse jamais appuyée; on est loin des effets de manchettes, de ce ton souvent compassé et clairement ou strictement démonstratif des salles parisiennes: quelle révélation! Les Floraisons se démarquent depuis leur début par une sélection artistique digne ce soir de la Roque (mais à des prix beaucoup plus accessibles). Encore méconnu en France, le pianiste circule en Italie et en Allemagne: c’est un tempérament, d’une finesse d’intonation délectable, très attachant, d’une évidente et indiscutable musicalité: à suivre désormais.
La seconde partie du concert dévoile tout ce qu’un orchestre de jeunes musiciens peut offrir … de meilleur. Une palette concertée de couleurs et de traits incisifs soulignant la chatoyante orchestration d’un Rimsky très inspiré par les rythmes et déhanchement ibériques. Bois, cordes, cuivres gorgés de saine expressivité, la phalange sait aussi développer une sonorité cohérente et homogène sous la baguette vigilante et constructive du chef. Mendelssohn n’aurait assurément pas renier cet essor progressif indiscutablement marqué par le souffle de son sujet: le compositeur y recycle comme exalté par le souvenir du motif découvert en Ecosse (Viiste à la Grotte de Fingal en 1829), l’ expérience des flots rugissants impétueux frappant la roche stratifiée basaltique, et tuyautée comme un orgue monumentale… Même Jules Verne a témoigné dans Le Rayon Vert de la magnificence de ce site naturel, grandiose et si bouleversant par sa grandeur archaïque et primitive. Poème océanien d’une activité irrésisitble, et superbe évocation de la houle marine (chant des violoncelle à la majesté subtilement énoncée) avant l’écume intempestive du Vaisseau Fantôme de Wagner, Les Hébrides tempêtent à Boulbon grâce à l’activité lumineuse d’un collectif jamais submergé. Encore une preuve que l’excellence artistique n’est pas l’exclusive des grandes affiches festivalières: aux côtés d’Aix, Orange ou La Roque d’Anthéron, Les Floraisons Musicales en leur 15è édition 2011 se hissent au meilleur niveau musical, sachant garantir outre des programmes inédits ou défricheurs, la découverte de vrais tempéraments artisitques… de surcroît, soulignons-le, à des tarifs qui n’ont rien à voir avec les grandes machines provençales.
Lire notre précédent compte rendu de la soirée du 29 juin 2011: création du spectacle Van Gogh: Dernière Lettre à Théo. Quatuor Ludwig, Alain Carré, récitant. Reprise pendant le festival: le 23 juillet 2011.

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