Pas de septième ciel ce soir à Toulouse !
Que s’est-il passé en cette soirée à la chaleur toute printanière ? Quand les forces de la nature s’expriment si fortes pour le meilleur comme le pire en une actualité brûlante, comment une interprétation juste agréable peut être proposée de ce monument parlant de la Mort ?
Dès le premier mouvement, cette longue marche dans laquelle des moments de vie intense explosent, rien ne semble bien fonctionner entre le chef et l’orchestre. Prudence et mise en place caractérisent Joseph Swensen que l’on a connu dans d’autres symphonies de Mahler bien plus inspiré et audacieux. De la prudence ici! Il termine l’intégrale en concert à Toulouse débutée il y a dix ans de manière fort terne.
Peut-être a-il eu ses raisons car tous les musiciens de l’orchestre n’avaient pas la même implication. Les cuivres abruptes semblent les plus en difficultés dans ce premier mouvement, qui reste comme une entrée lourde et poussive. Andante comodo indique Mahler, ici le confort recherché est trop présent et pas vraiment trouvé au niveau purement instrumental.
Le Scherzo peut exploser et ricaner, déranger un ordre bourgeois qui recherche habituellement ici l’amabilité de la danse. Dans l’interprétation de ce soir, le grotesque n’est même pas suggéré. La mise en place est plus nette, les phrases commencent à être sculptées ça et là, et des petites merveilles instrumentales nous rappellent de quoi ce superbe orchestre est capable (les bois surtout). L’indication de Mahler « dans le tempo d’un Ländler confortable » n’était pas à prendre au premier degré !
Le Rondo-Buleske lui si ! Il doit déranger, agresser, avec ces collages si étranges. Pourquoi alors une recherche d‘harmonie dans cette page, et un gommage du grotesque ? Seuls de très beaux moments instrumentaux (trompette solo, cor solo, violon, basson entre autres) convoquent l’admiration.
Le final in extremis apporte enfin quelque chose de la magie des adagios de Mahler, mais une magie céleste, non pas le septième ciel attendu !
Des cordes admirables et enfin engagées au-delà du simplement raisonnable osent tout ce qu’elles peuvent et les alti ont beaucoup pu ce soir, ainsi que les violoncelles ! Le dosage est parfait qui permet cette longue agonie du son. Les derniers minutes, si complexes à mettre en place en leurs nuances si fines (du piano au quadruple piano), sont un vrai moment de grâce. C’est peut-être le souci avec cette symphonie au concert, savoir comment garder toute son énergie pour cette fin qui doit toucher ce qu’il y a de plus intime en chacun de nous mais également s’investir totalement dans les longs mouvements précédents. La simple recherche de mise en place, d’équilibrage (très réussi) entre tutti et musique de chambre ne suffit pas pour une rencontre avec la Neuvième de Mahler ! Seul le dernier mouvement a annoncé ce que cette rencontre aurait pu être. C’est sur cette fin réussie que le public, l’orchestre et le chef (visiblement épuisé) se retrouvent.
Remarquons que les tousseurs n’ont pas renoncé à leur tic dans les derniers instants et certains instrumentistes ont joué dos collé à leur chaise … Ne pas retenir son souffle à tout prix et ne pas s’impliquer jusqu’à sa fibre la plus intime dans cette adieux à la vie si bouleversant est un petit signe de non rencontre avec la puissance de l’œuvre.
Toulouse. Halle-Aux-Grains, le 1er avril 2011. Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n°9 en ré majeur. Orchestre National du Capitole. Direction : Joseph Swensen.
Crédit photo : Eric Richmond