lundi 23 juin 2025

Montpellier. Opéra Berlioz-Le Corum, le 18 mars 2011. Giuseppe Verdi : Rigoletto. Alberto Gazale, Maya Boog, Andrej Dunaev… Gregor Bühl, direction. René Koering, mise en scène

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Etrange soirée. Au sein du Corum de Montpellier, la salle est comble, le public bruisse, des rumeurs courent sur la mise en scène. On ouvre le programme et le regard se pose sur la note d’intention du metteur en scène, René Koering, qui fut le directeur de cette maison. La vision développée dans ces deux pages, entre drogue, prostitution et trafic d’organes, si elle semble pour le moins noire et violente, apparaît pleinement assumée, dans une volonté de prendre les spectateurs aux tripes et de leur montrer dans toute sa force et son horreur la « malédiction » autour de laquelle tourne tout l’opéra de Verdi.
Durant l’introduction orchestrale, le rideau se lève sur de hauts murs gris et un grand escalier en fond de scène, sur les marches duquel Rigoletto prend place.
En toile de fond, le deuxième des quatre tableaux de Botticelli sur L’histoire de Nastagio degli Onesti, montre une femme dépecée par un soldat, image évocatrice s’il en est de la vision du metteur en scène.


Rigoletto en demi-teinte

La scène s’anime et on apporte au Duc une jeune femme sur un plateau à roulettes. Durant son premier air, le célèbre « Questa o quella », l’aristocrate tire un couteau et suggère qu’il ouvre le dos de la jeune créature, rappelant ainsi le tableau de Botticelli. On frissonne, imaginant la suite de la scénographie.
Et… plus rien. La mise en scène tombe soudain dans la… banalité, pour n’en plus sortir. Gilda est une adolescente en jean et baskets, jouant de la guitare, le Duc un jouisseur, Rigoletto le bouffon malmené et Maddalena une prostituée sur les docks, dans un port.
On attendait de la barbarie, de la cruauté, voire du sang et des larmes, et qu’avons-nous eu ? Une direction d’acteurs inexistante, qui laisse les chanteurs livrés à eux-mêmes, perdus, sans force ni énergie entre eux. Rien qui donne une suite ni une justification aux premières images, pourtant d’une grande force. Tout au plus peut-on citer ces formes dépecées et pendues des cintres au début du second acte, qui semblent suggérer les activités sanglantes du Duc, mais c’est bien peu en regard de ce que le metteur en scène semblait proposer dans le programme. Une grande déception.
Musicalement, le résultat est heureusement plus positif. L’Orchestre National de Montpellier Languedoc-Roussillon se révèle dans une grande forme, rutilant, faisant admirer une pâte sonore somptueuse. Presque trop brillant et trop sonore, il manque parfois d’engloutir les chanteurs dans son flot instrumental.
Duc au timbre somptueux et à l’aisance vocale totale, le ténor sibérien Andrej Dunaev est une révélation. Dès les premières notes, on est subjugué par la brillance de sa voix et sa perfection tant technique que musicale. L’émission est haute et claire, l’aigu solaire, et le legato superbement déroulé. Non seulement il se promène dans la partition avec une facilité déconcertante, mais il le fait avec un respect rare des nuances et des couleurs. A suivre, assurément.
Peu connue en France, la soprano suisse Maya Boog, en troupe à l’Opéra de Bâle où elle est très aimée, offre un portrait superbe de Gilda. Malgré le peu d’éclat que lui confère la mise en scène, elle réussit à émouvoir pleinement avec un « Caro nome » de grande école. La voix, parfaitement placée, pure et flottante, franchit sans effort l’orchestre et se répand dans la salle. Les couleurs sont superbes, la ligne vocale parfaitement ciselée et l’aigu se déploie, libre et riche. Elle se montre une nouvelle fois remarquable dans une mort d’anthologie, littéralement murmurée et pourtant parfaitement audible, d’une intensité poignante.
Le Rigoletto d’Alberto Gazale convainc moins, en raison d’un jeu scénique plutôt sommaire et d’un manque de largeur et d’impact vocal qui le rend sous-dimensionné pour le rôle, surtout dans une salle aussi vaste que celle du Corum.
Il semble constamment se battre contre l’orchestre et se révèle souvent peu audible. Et s’il possède les aigus demandés par la tradition, il les atteint avec peu d’éclat.
En tueur à gages, Nicolas Courjal fait admirer son aisance dans le registre grave, caverneux et sonore. Pourtant, si son incarnation est parfaitement crédible, on ne peut s’empêcher de constater une fois encore combien sa belle voix manque d’italianité, et à quel point sa couleur, son phrasé et ses nuances appartiennent à l’école française – ce qui rendait son Méphisto si élégant –, et correspondent peu au personnage de Sparafucile. On a hâte de le revoir dans un rôle français.
Sa Maddalena, Helena Zubanovich joue et chante son rôle avec efficacité.
Saluons d’excellents seconds rôles et un chœur magnifique, qui complètent cette distribution.
Gregor Bühl conduit ses troupes avec conviction, soignant particulièrement les couleurs, notamment à l’orchestre, avec en apothéose une tempête magnifique jusque dans l’effroi qu’elle provoque.
Une drôle de soirée, vraiment.

Montpellier. Opéra Berlioz-Le Corum, le 18 mars 2010. Giuseppe Verdi : Rigoletto. Livret de Francesca Maria Piave. Avec Rigoletto : Alberto Gazale ; Gilda : Maya Boog ; Il Duca di Mantova : Andrej Dunaev ; Sparafucile : Nicolas Courjal ; Maddalena : Helena Zubanovich ; Giovanna : Caroline Fèvre ; Monterone : Evgueniy Alexiev ; Marullo : Laurent Serou ; Matteo Borsa : Franck Bard ; Ceprano : Manrico Signorini ; La Comtesse Ceprano : Sarah Pagin. Chœurs et chœurs supplémentaires de l’Opéra National de Montpellier Languedoc-Roussillon. Orchestre National de Montpellier Languedoc-Roussillon. Gregor Bühl, direction musicale ; Mise en scène : René Koering. Assistant à la mise en scène : Irène Fridrici ; Décors : Virgile Koering ; Costumes : Danièle Barraud ; Lumières : Patrick Méeus ; Chef de chant : Brigitte Clair ; Chef des Chœurs : Noëlle Geny

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