Bruno Procopio
à Caracas
Chef d’orchestre et claveciniste, Bruno Procopio ne cesse de marquer la scène baroque en renouvelant l’approche des oeuvres connues, mais il sait aussi cultiver son tempérament défricheur sur des rivages plus récents et pourtant méconnus comme le riche patrimoine musical entre Portugal et Brésil (sa terre natale), celui des compositeurs façonnant au Nouveau Monde, la musique romantique autochtone qui s’est construite à partir des modèles européens. Voyez sa résurrection de la Missa Grande de Marcos Portugal, perle de jeunesse entre Portugal et Brésil (1782), qui fusionne l’écriture des compositeurs napolitains et le style polyphonique du XVIIè siècle encore en vigueur au Portugal. Bruno Procopio y dirige son nouvel ensemble Le Sans-Pareil, formation voyageuse qui a déjà fait escale à Cuenca, Edinburgh et Paris… ainsi que le nouveau Chœur l’Échelle dirigé par Caroline Marçot et Charles Barbier.
Le 14 avril 2011, à Caracas (Vénézuela), comme chef d’orchestre, Bruno Procopio aborde plusieurs extraits des opéras de Jean-Philippe Rameau, réunis en une Symphonie recomposée dont l’interprétation est un défi pour l’orchestre des Jeunes Simon Bolivar. Les instrumentistes qui ont accompagné l’avènement du prodige actuel Gustavo Dudamel, découvrent avec Bruno Procopio, la subtilité baroque française. C’est pour l’orchestre, une découverte totale, et pour Bruno Procopio, une nouvelle étape de son parcours de jeune maestro très prometteur…
En quoi consiste votre direction au Vénézuéla auprès du Simon Bolivar Orchestra?
En 2009, j’ai eu le plaisir d’enregistrer à Caracas un disque autour des Quatre Saisons de Vivaldi avec l’Orchestre Simón Bolivar et la violoniste américaine, Lara St John. J’ai adoré cette expérience auprès de ce jeune et dynamique orchestre. Les musiciens, pour la plupart des jeunes adultes, sont très ouverts à tous les courants musicaux, qu’il s’agisse des grandes symphonies du répertoire traditionnel, de la musique populaire européenne ou latino-américaine.
Dans ce même esprit de curiosité vers les nouveaux programmes, l’orchestre Simón Bolivar m’a invité en avril 2011, à diriger un concert dédié uniquement à la musique du XVIII siècle. Pour eux, c’est une petite révolution, car le répertoire baroque reste une part confidentielle de chacun de leur programme!
Pourquoi avoir choisi des pages extraites des opéras de Rameau? De quels passages s’agit-il et quel est l’enjeu pour chacun d’eux?
Je souhaite apporter aux répertoire baroque une vision « historiquement informée », comme disent les anglophones. Je ne voulais pas retravailler un répertoire « commun » pour eux, j’entends par « commun » les œuvres déjà travaillées par d’autres chefs, comme celles de Bach, Vivaldi ou Haëndel. Il était important de leur présenter une musique nouvelle et méconnue, et c’est encore le cas pour la musique de Jean-Philippe Rameau.
J’ai hâte de les confronter aux différents types de danses et au phrasé typiquement français, que nous, les spécialistes, appelons « inégalité ». Ils n’ont jamais abordé ce répertoire: le défi est immense et c’est ce type de chalenge qui me fait palpiter…
Pour recréer l’idée d’une « Symphonie » de Rameau, j’ai choisi des extraits d’opéras comme Dardanus, Castor et Pollux, Zoroastre, Acanthe et Céphise, Les Indes Galantes.
Quelle est pour vous la qualité requise pour le chef afin de relever le défi de ce cycle?
Le défi est de taille, car la musique française du XVIIIème siècle n’est pas un patrimoine familier: l’inégalité et la déformation de la notation musicale (c’est à dire le rubato), ne sont pas des notions évidentes pour les orchestre modernes, aussi expérimentés soient ils. Toute la transmission du savoir spécifique et cette notion singulière du goût reposent sur mes épaules !
Je pense que la première qualité requise est ma musicalité: elle doit être fédératrice et porteuse d’énergie, c’est à dire embrasser tout l’orchestre; faire sentir à chacun des instrumentistes, dès les premières lectures, qu’ils sont en terrain connu, de leur faire sentir tout ce qu’a de familier la musique choisie comme s’ils étaient chez eux, même si c’est la première fois qu’ils pénétreront dans cette demeure.
Vous allez diriger un orchestre de jeunes musiciens sur instruments modernes. Quel est le défi interprétatif dans le choix d’un répertoire baroque? Sur quels caractères ou aspects du style allez vous être vigilant dans l’interprétation de Rameau?
Je souhaite que le son de l’orchestre s’apparente à un orchestre … sur instruments d’époque. Pour arriver à cet objectif et sans vouloir les dérouter sur leurs propres instruments, il faut montrer le chemin musical à parcourir tout en respectant la technique de chacun.
Je souhaite proposer des coup d’archets plus adaptés à la musique de Rameau et aux différents types de danses; je proposerai le « vibrato » comme moyen expressif lié aux ornements, et non comme une attitude instrumentale systématique. Mais le défi le plus grand est de leur faire sentir l’inégalité, qui consiste à jouer un phrasé différent à ce qui est écrit sur la partition, c’est une notion centrale qui est l’essence même de la musique française.
agenda
Bruno Procopio dirige les jeunes instrumentistes de l’Orchestre Simon Bolivar à Caracas (Venezuela), jeudi 14 avril 2011.
Au programme:
Jean-Philippe Rameau, extraits des opéras Dardanus, Castor et Pollux, Zoroastre, Acanthe et Céphise et Les Indes Galantes. Simon Bolivar Youth orchestra of Venezuela (SBYOV). Bruno Procopio, direction.

par Bruno Procopio à la tête de son ensemble Le Sans-Pareil et du
choeur L’Echelle (Caroline Marçot et Charles Barbier, direction).
Résurrection majeure d’une perle sacrée oubliée… (Paris, Invalides, le
10 février 2011)

avec trois autres solistes d’exception souligne l’invention expressive
de ce nouveau dispositif instrumental qui fait de Jean-Philippe Rameau,
un défricheur visionnaire… Pièces de clavecin en concerts de
Jean-Philippe Rameau par Bruno Procopio, clavecin, avec Philippe Couvert, violon; François Lazarevich, flûte allemande; Emmanuelle Guigues, viole de gambe. Reportage vidéo exclusif