mardi 6 mai 2025

Toulouse. Capitole, dimanche 23 janvier 2011. Franz Schubert (1797-1828) : La Belle Meunière (Die Schöne Müllerin), D.795 ; Xavier Mas, ténor ; David Zobel, piano

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Avec Die Schöne Mullerin de Schubert, c’est vraiment un grand moment d’émotion qui nous a été offert cette après-midi au Capitole par un duo parfaitement assorti. Le timbre de Xavier Mas est agréable et lyrique. Beaucoup d’allégements lui sont possibles sans fadeur ni sucrerie. David Zobel au piano, est un schubertien coloriste et un portraitiste accompli.

Il faut de l’audace pour proposer un concert de lieder aussi exigeant que cette Belle Meunière en ne comptant pas sur une star du chant. On a connu des récitals de diva moins fréquentés que celui de Xavier Mas. Contrairement au matin où l’enthousiasme dominait le public c’est la concentration et le silence religieux de l’écoute qui ont habité la salle à l’italienne du théâtre du Capitole faiblement éclairée afin que chacun puisse suivre les textes si beaux de Wilhelm Müller. Car c’est vraiment un grand moment d’émotion qui nous a été offert cette après midi par un duo parfaitement assorti. Lorsque le verbe et la musique s’épousent avec cette poésie on obtient cette alchimie si sensible qui verbalise la musique et musicalise le verbe (D.Cohen-Levinas). Le timbre de Xavier Mas est agréable et lyrique. Beaucoup d’allégements lui sont possibles sans fadeur ni sucrerie. La noblesse du ton repose sur une candeur et une simplicité qui rend toute son évidence au propos. L’anecdote de l’apprenti meunier amoureux de la belle indifférente passe au second plan, pour mettre en lumière un jeune amoureux qui s’aide de la nature pour comprendre la nature humaine en sa superficialité cruelle. Le choix de la mort devient une évidence calme et désirée pour s’immerger dans la beauté des reflets verts des feuilles dans l’eau.


Un Beau Meunier Poète de la nature

L’émotion qui étreint dès Trockne Blumen et ira crescendo est d’une force pleine de surprise car c’est celle de la candeur bafouée. Xavier Mas dès Das Wandern s’impose par un naturel princier osant des nuances et des couleurs subtiles. La voix n’est jamais forcie et au contraire c’est en assumant sa fragilité, en trouvant des couleurs d’aquarelles savamment délavées qu’il irise son chant d’un halo poétique rare. Comme ceux qui durcissent la voix sont loin ! Ici tout est tendresse de la jeunesse en sa découverte des beautés puis des tourments de l’amour naissant. Le respect des moyens vocaux, la recherche de couleurs douces, le phrasé très naturel et une diction parfaitement lisible sans afféteries sont les qualités qui portent une narrativité toute de poésie. Bien plus que des grandes voix qui s’allègent ou distillent le texte artificiellement cette interprétation semble celle d’une schubertiade amicale. La jeunesse seule conduit à ce suicide désolant. Une fraîcheur si fragile et poétique qui ne peut affronter l’insolence et qui se réfugie dans son cher ruisseau amical. Mais les moyens vocaux en terme de legato dans Das Neugierige par exemple sont magnifiques. Et la vaillance aussi car tout le cycle a été offert sans repos ni relâchement !

Xavier Mas avec une voix saine et agréable a été ce poète caché dans le costume blanc du meunier qui rêvait de couleurs. Le jeune ténor possède une belle palette chromatique et des nuances expressives, utilisant toute les richesses de sa voix. Son complice, car il est impossible de parler d’accompagnateur tant ses interventions sont fondamentales, est le pianiste David Zobel. Cet admirable artiste est particulièrement apprécié d’une des plus grandes mezzo, Joyce Di Donato. Ici, il devient un schubertien abouti, coloriste et portraitiste accompli. La technique se fait oublier au profit de la musique. Il peint les émotions comme les paysages des poésies de Müller avec une variété qui stimule l’imagination. Les deux interprètes ont tissé une narrativité sans faille, faisant de ce cycle un beau voyage musical au cœur de la nature et des recoins de l’âme humaine.

Superbe Liedernachmittag au Capitole qui a été très applaudie en sa toute fin, sans oser demander de bis après un don si complet. Il s’agissait de bien d’avantage qu’un simple récital.

Toulouse. Théâtre du Capitole, dimanche 23 janvier 2011. Franz Schubert (1797-1828) : La Belle Meunière (Die Schöne Müllerin), D.795 ; Xavier Mas, ténor ; David Zobel, piano.

Illustration: Xavier Mas © P.Nin

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