Jean-François Zygel
Bach to the future
Bach improvisateur…
France 2
Jeudi 26 août 2010 à 22h35
Au menu de ce dernier (hélas) chapître de la boîte estivale de maître Zygel l’enchanteur sur le plateau de France 2: les improvisations qui font naître dans l’idée d’un boeuf cathodique, les rencontres orchestrées par le pianiste facétieux… sur Bach (justement). Impros du violoniste de jazz Didier Lockwood, impros sur le vif entre le violon, le hang (percussions singulières frappées par les doigts et la main), et le piano; expérimentations vocales inédites (Beatbox), caractère du violon tzigane de la violoniste classique Sarah Nemtanu, et la dextérité sans limites d’un quintette d’instruments à vents (Le Concert Impromptu) aussi inspiré par Bach que le rock fusion de Franck Zappa…
Eclectisme créatif et métissages des genres font toujours la saveur stimulante de l’émission imaginée par JF Zygel.
Allers-retours et voyages dans le temps, avec le dialogue fécond entre les deux violons au sensibilité et répertoires distincts de Didier Lockwood, et de Sarah Nemtanu…
En aveugle, au moment du quizz, le génie de Bach s’impose: airs pour violoncelle, partita (fluidité des arabesques dansantes et aériennes de « Jésus que ma joie demeure » telle une gigue céleste… qui est en fait la ligne de l’accompagnement des violons du choeur final de la cantate BWV 147), Concerto italien pour clavecin, premiers accords des Variations Goldberg, Menuet du Petit Livre d’Anna Magdalena Bach qui en fait est de son contemporain Christian Petzold…
Bach traverse le temps et les époques: il est bien une borne essentielle dont la musique s’inscrit dans l’actualité, incarne la notion même de modernité: présence de perpetuum, répétitions, mais aussi des fugues (près de 300 répertoriées où plusieurs voix se mêlent à égalité sur un seul thème…): explications sur le caractère et l’écriture d’une fugue.
Bach ne disposant pas de formations précises et certainement pas de très bons musiciens, écrit une musique qui peut être jouée par tous les instruments dont la voix… selon les effectifs disponibles et les instruments accessibles.
Sur fond de cris de mouettes, Didier Lockwood, natif de Calais, imagine et improvise d’autres arabesques aériennes avec son violon-alto moderne vert à 6 cordes (sans caisse de résonance car il est électrique) d’après plusieurs mélodies de Bach… L’instrumentiste règle lui-même en temps réel les effets de l’instruments: basse en boucle, effets de percussions, effets de trompette, solo pour le dessus… Pour le violoniste contemporain, Bach est le premier musicien jazz car il improvisait dans l’esprit d’un boeuf classique: Didier Lockwood qui a commencé par le violon classique improvise sur Bach, l’accompagne le pianiste Antoine Hervé. Les deux musiciens se retrouvent aussi dans une lecture régénérée de la Méditation de Thaïs d’après Massenet… broderies et divagations au caractère impro entre les deux instruments. Antoine Hervé revisite comme les jazzmen américains les standards du classique: ainsi le pianiste relit le Concerto pour deux violons de Bach avec les deux violonistes invités: le classique de Sarah Nemtanu et le chant plus gipsy de Didier Lockwood: mariage détonant des styles.
L’instrument rare est présenté par le jeune percussioniste autrichien Manu Delongo Hang: mi cymbale, mi tambour, produisant aussi des résonances comme un xylophone mais de métal… l’instrumentiste jouent 3 « hangs » qui contiennent chacun 9 notes différentes: leur réunion permet de recomposer la gamme complète.
Point sur les musiques de traditions improvisées transcrites à l’écrit: voyez le Czardas de Vittorio Monti, défi technique, par la violoniste Sarah Nemtanu qui n’aime pas tant se dévoiler dans l’impro. Aller au-delà de l’écrit s’est s’engager et comme se mettre à nu…
Plus tard, Zappa, impro de génie est évoqué par Didier Lockwood; le chanteur et beatboxeur Hervé Fontaine improvise par le chant en jouant des impacts sur le micro… sur du Bach évidemment joué au piano par Jean-François Zygel.
Quand Bach improvise…
Révélation de l’émission, la figure et l’oeuvre de Bach l’improvisateur. A son époque, le Bach improvisateur suscite des réactions parmi les fidèles, avis contraires, à cause desquels il perd son poste à Anstatd. La mécanique d’un tube analyse l’un de ses morceaux les plus connus: Toccata et fugue en ré mineur: ample portique pour orgue. Toccata vient de « toucher »: très brève (2mn), Bach l’écrit en 1705, à 20 ans: pas de dissonances ni de modulations. Mais des zébrures, des dramatisations (silences ponctuant le développement): un forte, des guirlandes, des effets contrastés (les films Dolce Vita, Fantasia l’utilise)… Zygel suggère même l’impensable: Bach ne se serait-il pas inspiré du flamenco? L’Italie reste une source familière mais Mozart n’a t il pas emprunté un fandango dans son opéra les Noces de Figaro. La Toccata est une écriture atypique, l’exception dans l’oeuvre de Bach, la plus connue or elle reste l’oeuvre la plus singulière (et la moins représentative) de son oeuvre.
Bach dans le petit livre d’orgue, a consigné ses improvisations jouées à l’orgue qui s’intercalent entre les chorals chantés par l’assemblée des fidèles: extrême délicatesse du chant musical qui élève l’âme… Zygel non sans malice a raison de rapprocher cet art de l’improvisation de Bach du jeu de Keith Jarret…
Chopin développe une main droite d’une élégance fluide et virtuose, déliée, aérienne, suggestive, dans une pièce de jeunesse.
Tchaikovsky est aussi à l’honneur dont Sarah Nemtanu joue avec JFZ, le second mouvement du Concerto (la Canzonetta chante presque autant que le cantabile de Chopin).
La minute du professeur solfège s’intéresse au principe du mouvement rétrograde qui désigne le jeu d’un interprète qui joue à l’envers une formule musicale. Le concept sert souvent à innover une partition et « trouver » de nouveaux thèmes. JF Zigel interprète ainsi plusieurs morceaux très connu… Bach à Berlin écrit pour Frédéric de Prusse une pièce où il compose simultanément un air et sa ligne rétrograde, joués en même temps.
Quelle bonne idée de souligner la modernité de Bach, l’intemporel par excellence.
illustrations: Jean-Sébastien Bach (DR)
