Kaija Saariaho
Emilie, 2010
France Musique
Lundi 29 mars 2010 à 20h
Opéra contemporain, création
Création contemporaine
Karita Mattila chante Emilie de Kaija Saariaho
Au printemps 2010, Lyon accueille le nouvel opéra de la compositrice finnoise, vivant à Paris, Kaija Saariaho: Emilie. Point fort de l’édition du festival Musique en scène, l’opéra contemporain d’après le livret d’Amin Maalouf qui lui a déjà écrit le texte de ses précédents ouvrages lyriques (L’amour de loin, Adriana mater) est défendu, incarné par l’excellente soprano dramatique et lyrique, Karita Mattila, muse et inspiratrice de Saariaho: l’opéra lui est dédié.
Que pensez de la partition ? Est-elle réellement une oeuvre phare de l’écriture contemporaine à la scène, dans le sillon des réussites précédentes à l’Opéra de Lyon (Trois sœurs d’Eotvos, Faustus, the last night de Dusapin… )?
Le sujet évoque la figure attachante d’Emilie du Châtelet, mathématicienne et physicienne disparue à 43 ans. Scientifique la plus éminente du siècle des lumières, Emilie qui fut la maîtresse de Voltaire et la traductrice de Newton, éblouit par son intelligence. On comprend que Saariaho ait été inspirée par cette femme si admirable qui tout en renvoyant une image sensuelle et concrète, n’en laisse pas moins l’oeuvre et l’activité d’une interrogatrice insatisfaite; en 9 scènes, Amin Maalouf épingle les tourments d’incertitude qui fige la chercheuse quelques jours avant son accouchement qui lui sera fatal… « Pressentiments », « Tombe », « Feu », « Oubli », « Contre l’Oubli », les titres des tableaux sont éloquents. Fidèle à son écriture, Kaija Saariaho saisit des climats intérieurs en ellipses répétitives, facettes découplées comme s’il s’agissait des angles d’un même miroir: les divagations d’une femme généreuse qui pressentant sa fin approcher, exprime le désarroi de sa solitude.
Evidement, l’opéra est construit autour d’une autre personnalité qui donne chair à ce formidable portrait de femme: Karita Mattila. Pour sa compatriote, la compositrice élabore 1h et demi de musique à voce sola, sur fond de résonances mystérieuses et inquiètes où règnent la transparence et l’irisation sonore. A défaut de moyens phénoménales qui l’ont quitté, « la Mattila » explore avec une présence dramatique indéniable, la prosodie incantatoire du livret.
Kaija Saariaho (1952) : Emilie, opéra en neuf scènes sur un livret d’Amin Maalouf. Création mondiale. Karita Mattila, Emilie. Orchestre de l’Opéra national de Lyon, direction : Kazushi Ono. France Musique, lundi 29 mars 2010 à 20h
Illustration: Karita Mattila chante Emilie dan dans l’opéra éponyme contemporain de Kaija Saariaho © JP Morin – Opéra National de Lyon
