L’esprit de la troupe pour une Flûte enchanteresse
La Flûte Enchantée, y-a-t-il plus belle œuvre pour débuter une carrière ? Les personnages y sont hauts en couleurs, l’action délicieusement féérique et les lignes vocales déployées par Mozart d’un raffinement extrême, bien que d’une apparente facilité. Une technique aguerrie, un sens musical affirmé ainsi qu’une aisance à fouler les planches sont nécessaires pour triompher des pièges et des épreuves tendus à l’intérieur de ce bijou. Qualités dont sont pourvus tous les acteurs de ce projet audacieux.

Christophe Gay, véritable bête de scène, offre, tant vocalement que physiquement, un portrait saisissant du joyeux oiseleur Papageno. Faisant des planches son univers, il occupe l’espace à chacune de ses interventions, dans une esthétique faisant souvent penser à la commedia dell’arte. Il trouve en Sarah Laulan une compagne à sa (dé)mesure, désopilante en bimbo décatie, formant avec elle un couple survolté.
L’Orateur d’Alain Herriau est à ce titre remarquable : beauté du timbre, noblesse de la caractérisation, ligne de chant admirablement conduite, il est l’incarnation même de la sagesse. Personnage veule et animal, Monostatos est personnifié avec fougue et violence par Marc Larcher.
Souvent mal assortis, les rôles tricéphales sont ici à saluer bien bas. Le trio de Dames est d’une homogénéité rare, d’une complicité à toute épreuve et d’un engagement scénique total. Rarement on aura eu l’occasion de voir des Dames aussi gourmandes et autant attirées par le beau prince évanoui. Mention spéciale au timbre sombre et somptueux d’alto de Mélodie Ruvio.
Les trois garçons – ici féminisés –, unis comme trois mousquetaires, sont tout simplement exquis, tels qu’on peut les imaginer.
Pamina révèle Marion Tassou
Mais la révélation de cette édition du festival, elle est à chercher en Pamina. Marion Tassou allie tout simplement la beauté à la perfection vocale. Pour la première audition d’une jeune chanteuse fraîchement diplômée, c’est un coup de maître. Elle semble d’instinct avoir compris les complexités de Pamina, et les fait siennes aux yeux de tous avec une finesse et une pudeur rarissimes. Son désespoir est exprimé avec retenue, sa joie avec tendresse. Le temps de son air, l’écoulement du temps s’était arrêté, laissant flotter, au milieu d’un silence absolu, suspendu, recueilli, sa voix, d’une pureté comparable à l’éclat du diamant, conduite avec l’art d’une orfèvre et la sensibilité d’une grande artiste.
Saint-Céré. Château de Castelnau-Bretenoux, 3 août 2009. Wolfgang Amadeus Mozart : Die Zauberflöte. Livret d’Emmanuel Schikaneder. Avec Pamina : Marion Tassou ; Tamino : Raphaël Brémard ; Papageno : Christophe Gay ; La Reine de la Nuit : Burcu Uyar ; Sarastro : Patrick Schramm ; Papagena : Sarah Laulan ; Première Dame : Dorothée Leclair ; Deuxième Dame : Sabine Garonne ; Troisième Dame : Mélodie Ruvio ; L’Orateur : Alain Herriau ; Monostatos : Marc Larcher : Premier enfant : Agathe Peyrat ; Marielou Jacquard : Deuxième enfant ; Troisième enfant : Albane Meyer ; Premier homme d’arme : Samuel Oddos ; Deusième homme d’arme : Mathieu Toulouse. Orchestre du Festival de Saint-Céré. Joël Suhubiette, direction ; Mise en scène : Eric Perez. Assistant à la mise en scène : Damien Lefèvre ; Décors et lumières : Patrice Gouron ; Costumes : Jean-Michel Angays et Stéphane Laverne ( Studio Fbg 22-11) ; Maquillage : Pascale Fau ; Chef de chant : Corine Durous.
Article mis en ligne par Adrien DeVries. Rédigé par Nicolas Grienenberger.
Illustrations: © B.Benichou 2009