samedi 10 mai 2025

Paris. Opéra Bastille, le 17 juin 2009. Kaija Saariaho: La Passion de Simone. Orchestre de l’Opéra National de Paris. Cornelius Meister, direction

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Passion grave

Soirée discrète, et pourtant d’une grande importance dans l’univers musical parisien, à la Bastille. La grande salle n’est que partiellement remplie, mais ceux qui l’occupent aiment visiblement profondément la musique et ne se sont déplacés que pour elle.
Le programme prend son envol avec le Concerto pour violon en ré majeur opus 61 de Beethoven. Frédéric Laroque, premier violon solo de l’Orchestre de l’Opéra, se joue avec une aisance assumée, des difficultés – jeu en double cordes, gammes rapides, trilles, sauts – dont est truffée sa partie, tant sa technique est accomplie.
Sa grande musicalité lui permet d’éviter l’écueil redoutable de la démonstration de virtuosité et de mettre en lumière l’humanité de la musique. Pour mieux le soutenir, l’Orchestre de l’Opéra a revêtu ses sonorités des grands soirs: il s’affiche brillant et rutilant.

L’intérêt principal de la soirée réside avant tout dans la création française de l’oratorio dans lequel la compositrice finlandaise Kajia Saariaho rend hommage à la grande Simone Weil, La Passion de Simone.
La musique est à l’image de la vie de la femme, sombre et engagée, exaltée et d’une force peu commune, les accents que prennent les lignes orchestrales et vocales sont principalement dictés par l’engagement humaniste et la quête mystique de la philosophe.
Annoncée souffrante, la soprano américaine Dawn Upshaw, familière de l’écriture musicale de Kajia Saariaho, se tire avec les honneurs de sa difficile partie, tiraillée entre les éclats vocaux et la déclamation chantée. Sa prononciation du français, digne d’éloges, est d’ailleurs à saluer.
A ses côtés le chœur Accentus, habitué aux créations contemporaines, formidable d’homogénéité et de précision, recrée le chant déchirant des chœurs de la tragédie grecque, qui commentent l’action d’une seule voix.

Saluons la prestation du jeune chef allemand Cornelius Meister, baguette montante de la jeune génération, qui dirige la partition passionnante mais ardue, d’une main de maître, avec fougue et passion. Agé d’à peine 28 ans, le maestro qui dirigeait depuis ses 25 ans, l’orchestre de l’Opéra de Heidelberg, devient à partir de septembre 2010, directeur de l’Orchestre Radiosymphonique de Vienne (RSO Vienne) à la succession de Bertrand de Billy… Le très fin texte d’Amin Maalouf suit une progression parfaitement architecturée: il narre la vie de la philosophe militante Simone Weil en s’adressant directement, par un tutoiement intime et direct, à elle-même comme à une amie proche, ce qui rend plus immédiate encore la portée de son message. Puissance décuplée par la voix enregistrée de Dominique Blanc, irréelle et comme venue d’un autre univers. Le dispositif multiplie les registres: il tend à réserver à l’ouvrage et ses sujets abordés, l’impact d’un mythe universel. Voici une partition sensible, musicalement ciselée qui nous parle d’humanisme ardent et engagé.

Touché, le public ne s’y est pas trompé : il adresse à la compositrice ainsi qu’à son librettiste une ovation sincère et admirative.

Paris. Opéra Bastille, 17 juin 2009. Ludwig van Beethoven : Concerto pour violon en ré majeur, opus 61. Kajia Saariaho : La Passion de Simone, un chemin musical en quinze stations, sur un texte d’Amin Maalouf (création française). Frédéric Laroque, violon. Dawn Upshaw, soprano. Dominique Blanc, voix enregistrée. accentus, chœur. Orchestre de l’Opéra National de Paris. Cornelius Meister, direction

Texte mis en ligne par Alexandre Pham. Rédigé par Nicolas Grienenberger.

France Musique diffuse le concert de La Passion de Simone de Kaija Saariaho sous la direction de Cornelius Meister, le 3 juillet 2009 à 9h05.

Programme
Dawn Upshaw, soprano
Frédéric Laroque, violon
Dominique Blanc, voix enregistrée
Choeur Accentus
Orchestre de l’Opéra de Paris
Cornelius Meister, direction

Beethoven: Concerto pour violon en ré majeur, op. 61
Saariaho: La Passion de Simone, un chemin musical en quinze stations
(Amin Maalouf, texte)

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