dimanche 4 mai 2025

Richard Strauss: Une Symphonie Alpestre, Ein Alpen Simphonie Mezzo, le 27 avril 2009 à partir de 20h30

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Richard Strauss
Une Symphonie Alpestre
(1915)

Mezzo
Lundi 27 avril 2009 à 20h30

Un opéra des cimes

Soirée spéciale symphonique au cours de laquelle Mezzo nous offre l’écoute du dernier grand poème symphonique de Richard Strauss, Une Symphonie Alpestre (Eine Alpen Symphonie), achevée en 1915 alors que déjà reconnu et célèbre comme chef et compositeur (photo ci-contre comme chef d’orchestre au moment de la création de la Symphonie alpestre en octobre 1915), le musicien, passionné de randonnées et d’excursions en montagne, résidait aux pieds du massif alpestre dans sa maison bavaroise de Garmish, non loin de Munich, sa ville natale.

A 51 ans, Richard Strauss possède idéalement la maîtrise de l’écriture symphonique et de l’instrumentation en grand format: pas moins de 120 instrumentistes, ceux de l’orchestre de la Hoffkapelle de Dresde, pour mener à bien la création de son oeuvre gigantesque, le 28 octobre 1915. A contrario de l’atonalisme moderniste de Schoenberg et de ses disciples, dans le contexte d’éclatement politique et de guerre qui traverse toute l’Europe, Strauss demeure résolument tonal dans un cycle d’un foisonnement formel inédit et sur le plan poétique et architectural, d’une indiscutable unité.
Les critiques ont, fidèles à leur tempérament pointilleux, attaquer l’oeuvre sur son côté monumental, sa verve naïve, plus descriptive que spirituelle.
Or rien n’est plus faux: Strauss avait souhaité dans un premier temps intitulé sa Symphonie alpestre: « l’Antéchrist », par référence à Nietszche dont il partageait les idées quant à la religion et à la nécessité qui s’impose à l’homme dans le dépassement de sa condition par l’esprit de travail et l’admiration dans la nature miraculeuse.

Aux côtés de Nietzsche, Strauss ajoute aussi ses lectures de Manfred de Byron (il évoque précisément fidèle au texte du poète romantique anglais, la présence d’une fée dans le tableau impressionnant de la cascade…). Le compositeur aussi bon randonneur, comme Mahler ou Schoenberg, que lettré, et de surcroît fin connaisseur de poésie, édifie une symphonie littéraire et personnelle d’une indiscutable cohérence.
Sur le plan de l’écriture, il repousse très loin les possibilités expressives et formelles du cadre symphonique. Le documentaire outre une courte évocation de sa vie (né à Munich, le 11 mai 1864), évoquant les relations personnelles de l’artiste créateur avec le motif naturel en particulier la montagne (sa résidence de Garmisch donne sur le sommet de la Zugspitze, véritable condensé de la grandeur des cimes alpines), s’intéresse aux procédés de la plume, tableau par tableau.
« Tout programme poétique, écrit Strauss, est une patère sur laquelle j’accroche le développement musical de mes sentiments. Toute autre chose serait un péché contre l’esprit de la musique« . Il s’agit donc d’une réitération personnelle où le filtre subjectif a toute sa place. Voilà pourquoi les commentateurs en parlant uniquement de musique à programme, descriptive et narrative, se trompent totalementt. Strauss construit le plus bel hommage face à la réalisation miraculeuse de la nature: il ne cherche pas Dieu, il témoigne de la grandeur vertigineuse de sa réalisation.

Le commentaire resserré, analyse les points essentiels de l’écriture straussienne, en suivant étape par étape (22 sous-titres sont insérés par Strauss pour « éclairer » chaque épisode de la Symphonie), le cheminement de l’alpiniste pendant sa journée de randonnée sur le massif alpestre: ascension, excursion, sommet, puis descente. Tout le cycle des 4 mouvements, débute par la nuit (évocation sombre voire lugubre, très impressionnante d’où jaillit la montagne, grandiose et colossale vision) puis s’achève dans l’évocation de la même nuit. Les options expressives de Strauss empruntent beaucoup à l’opéra: machine à orage, boîte à tonnerre, fanfare éloignée (pour évoquer en une distanciation sonore étagée dans l’espace, la forêt ample et profonde qui s’offre au randonneur), caractérisation mélodique des « personnages » dont le « héros »: l’alpiniste.

Oeuvre personnelle, démonstration de ses aptitudes à traiter la grande forme, mais aussi expérimentation de nouvelles combinaisons sonores pour l’orchestre « classique » (certes adapté dans un cadre colossal), Une Symphonie Alpestre apporte au moment où l’Europe de 1915 connaît la guerre et l’émergence brutale des modernismes, une illustration éblouissante de l’écriture symphonique portée à ses extrêmes expressifs. Strauss ne retrouvera guère un tel orchestre qu’avec La Femme sans ombre dont la gravité des couleurs, et l’expression du gouffre tragique sombrent dans la noirceur à hauteur d’homme (quant Une Symphonie alpestre exalte l’élévation et la céleste et transcendante vision depuis les cimes), après le choc de la première guerre mondiale.

La soirée proposée par Mezzo comprend à 20h30, le concert, puis à 21h30, le documentaire (Arthaus, 2007), avec le concours de la Staatskapelle de Dresde, sous la direction de l’excellent et regretté Giuseppe Sinopoli.

Illustrations: Richard Strauss (DR)

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