Macbeth au crible
Je veux pour chanter Lady Macbeth, une chanteuse à la voix rauque, ingrate, étouffée,
© Ernest Van Beck pour classiquenews.comLe magazine hebdomadaire de Radio Classique
passe au crible les enjeux et l’esthétique de l’opéra de Verdi, inspiré
par Shakespeare, Macbeth. 2 versions existent, celles de 1847 puis
celle pour Paris de 1865. Quel en est le nerf de l’action, l’évolution
des protagonistes? Quels en sont les meilleurs interprètes (chefs,
orchestre, chanteurs)? Réponses ce soir à 21h. A 23h: diffusion de l’opéra Macbeth dans la version discographique distinguée par la Tribune critique.
disait Verdi. Une audace incroyable pour l’époque, une gageure pour les
interprètes d’aujourd’hui. Mais aux côtés de Lady Macbeth, il ne faut
pas omettre la carrure psychologique de son époux homicide: car l’opéra
est l’histoire d’un couple de meurtriers, moins l’affaire d’une femme
seule…
Verdi/Shakespeare: passion fantastique.
Verdi
a du génie en voulant porter sur la scène, au temps d’une Ecosse
médiévale (XI ème siècle comme l’indique la partition), hantée par les
fantômes, terrassée par les pulsions de pouvoir et la tentation du
crime déloyal, le portrait de deux bourreaux sans scrupule, bientôt
rattrapés par l’ignominie de leurs méfaits. Rien de plus passionnant en
définitive que de dévoiler dans l’esprit d’un acteur, de surcroît
pervers, ce qui le rend peu à peu victime, vulnérable… humain.
Macbeth, sous l’emprise de son épouse, possédé par l’ambition et le
pouvoir grimpe très haut sur l’échelle du crime et du vice politique.
Mais plus grande est sa chute. Car volonté à deux visages (et quelles
expressions! dont un air démoniaque et vertigineux pour Lady Macbeth),
Macbeth et son épouse prennent ici un relief époustouflant de présence,
d’intensité, de souffrance, d’hallucination peu à peu dévorante: de la
quête du pouvoir à la chute infernale, parsemées d’éclairs dévorés, de
spasmes dictés par le remord, les deux protagonistes s’imposent, dans
la mesure où les chanteurs se montrent à la hauteur des caractères.
Aucune réserve, en maître du drame lyrique,Verdi se montre l’égal de
Shakespeare qui l’a inspiré.
malédiction grandissante, Macbeth impose l’intelligence verdienne, en
imaginant un ample polyptique mi romantique mi fantastique d’où jaillit
telle une comète finalement vulnérable, Lady Macbeth, instigatrice des
intrigues mais aussi proie de démons et de forces qui la dépassent.
Il
faudrait aussi rendre à César… ce qui est à César : l’opéra porte le
nom du roi Macbeth: car si son épouse manigance dans l’ombre, l’épée
qui tue et la main qui frappe sont bien celles du Roi. Manipulé,
soumis, proie du pouvoir d’un inconscient maléfique? C’est le portrait
restitué du souverain homicide que portera à la scène Dmitri
Tcherniakov dans la nouvelle production de Macbeth, à l’affiche de
l’Opéra Bastille à partir du 4 avril 2009 (Teodor Currentzis,
direction. Production en provenance du Théâtre de Novossibirsk, en
Sibérie).
agenda.
Macbeth de Verdi à l’Opéra Bastille, à partir du 4 avril 2009. Teodor Currentzis, direction. Dmitri Tcherniakov, mise en scène. Jusqu’au 8 mai 2009.
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Illustration: Giuseppe Verdi, Henrich Füssli, Lady Macbeth (Londres, Tate Gallery) (DR)
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