dimanche 4 mai 2025

Vincenzo Bellini: Il Pirata, 1827 Marseille, Opéra. Du 17 au 25 février 2009

A lire aussi

Vincenzo Bellini
Le Pirate (Il Pirata)
, 1827

Agé de 26 ans, Bellini (1801-1835), compositeur surdoué, qui a triomphé à Naples (avec Adelson e salvini, puis Bianca e Gernando), s’impose à Milan, à La Scala qui lui a commandé un nouvel ouvrage, Il Pirata, d’après Felice Romani (habituel librettiste de Rossini). L’opéra créé le 27 octobre 1827, remporte un nouveau succès.
Dès lors, la partition fait le tour des théâtres d’Europe et du monde: le duo Bellini/Romani compose une partition gagnante, promise à tous les succès futurs du compositeur, excepté son dernier opéra I Puritani créé à Paris (1835, sur un livret de C. Pepoli).
Il Pirata
est un mélodramme tragique qui se termine mal. Contrairement à la tradition du lieto finale, dénouement heureux, de l’opéra seria, incarné par l’excellent Rossini, la scène bellinienne n’épargne pas ses héros sacrifiés sur l’autel du drame le plus sauvage. L’apport en ce sens de Bellini est primordial: voici le premier opéra tragique, digne du romantisme allemand et anglais, dont se souviendront Verdi (Il Corsaro) et surtout Donizetti (Anna Bolena, Lucia di Lammermoor).
L’action s’inspire de la pièce de Charles Robert Maturin, dramaturge anglais mort en 1824: Bertram or The Castle of Saint-Aldobrand (1816).

Fidèle à la vague esthétique littéraire et musicale du moment, Romani exploite la veine gothique pour développer au travers de la relation maudite et empêchée entre Gualtiero et Imogène, une coloration fantastique. Nuit, horreur, violence: rien n’est omis dans cet opéra à la passion exacerbée où deux anciens amants se retrouvent mais enchaînés à d’autres liens imposés par la destinée. Alors que chez Maturin, le Pirate Gualtiero est volontiers radical voire démoniaque, dans l’opéra son portrait dessine plutôt une figure plus ambivalente, plus riche en nuances (normal puisque Bellini en fait quoiqu’on en pense, un opéra pour ténor, malgré la suprématie attestée des sopranos dans le rôle de sa bien-aimée, Imogène). Gualtiero s’épanche, s’attendrit, regrette, s’alanguit. Aux teintes sombres et désespérées, noires et sauvages à la Radcliff, de son amour de jeunesse, Imogène finit de peindre ce paysage émotionnel macabre: malheureuse épouse d’un homme qu’elle hait (Ernesto, baryton), elle voit le seul être qu’elle adore, -avec qui elle aurait pu s’enfuir-, mourir, condamné par la loi des hommes. La pauvre abandonnée, se détruit: elle finit folle, abîmée dans la démence.

Le réalisme et la franchise psychologique de Bellini, bientôt suivi par Donizetti, captive l’audience, offrant aux chanteurs des personnages absolument exaltants. Voilà qui change des doux héros mythologiques rossiniens. L’amour détruit les êtres qu’il embrase. Et Bellini nous offre deux incarnations qui peuvent s’avérer hallucinantes si les interprètes sont à la hauteur du défi. D’autant que Bellini réclame une nouvelle typologie de ténor: à la fois aigu et grave, capable de caractère et l’élégie. La perle en somme, que nous cherchons encore aujourd’hui… d’où la rareté des productions de l’oeuvre de nos jours.

Illustrations: Vincenzo Bellini, deux portraits (DR). Christa Ludwig, Franco Corelli et Maria Callas. Les deux derniers chanteurs ont incarné Gualtiero et Imogène dans une production de 1958 à La Scala demeurée légendaire, surtout pour l’ardente et subtile Callas (DR)

Derniers articles

CRITIQUE CD. RACHMANINOFF : Concerto n°3 / Yunchan LIM, piano (Van Cliburn Competition 2022) – Fort Worth Symphony, Marin Alsop (1 cd Decca classics)

Virtuosité libre qui paraît improvisée, tempérament et clarté, élégance et aussi jeu voire facétie poétique… ce 17 juin 2022...

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img