Vincenzo Bellini
Le Pirate (Il Pirata), 1827
Dès lors, la partition fait le tour des théâtres d’Europe et du monde: le duo Bellini/Romani compose une partition gagnante, promise à tous les succès futurs du compositeur, excepté son dernier opéra I Puritani créé à Paris (1835, sur un livret de C. Pepoli).
Il Pirata est un mélodramme tragique qui se termine mal. Contrairement à la tradition du lieto finale, dénouement heureux, de l’opéra seria, incarné par l’excellent Rossini, la scène bellinienne n’épargne pas ses héros sacrifiés sur l’autel du drame le plus sauvage. L’apport en ce sens de Bellini est primordial: voici le premier opéra tragique, digne du romantisme allemand et anglais, dont se souviendront Verdi (Il Corsaro) et surtout Donizetti (Anna Bolena, Lucia di Lammermoor).
L’action s’inspire de la pièce de Charles Robert Maturin, dramaturge anglais mort en 1824: Bertram or The Castle of Saint-Aldobrand (1816).

Le réalisme et la franchise psychologique de Bellini, bientôt suivi par Donizetti, captive l’audience, offrant aux chanteurs des personnages absolument exaltants. Voilà qui change des doux héros mythologiques rossiniens. L’amour détruit les êtres qu’il embrase. Et Bellini nous offre deux incarnations qui peuvent s’avérer hallucinantes si les interprètes sont à la hauteur du défi. D’autant que Bellini réclame une nouvelle typologie de ténor: à la fois aigu et grave, capable de caractère et l’élégie. La perle en somme, que nous cherchons encore aujourd’hui… d’où la rareté des productions de l’oeuvre de nos jours.
Illustrations: Vincenzo Bellini, deux portraits (DR). Christa Ludwig, Franco Corelli et Maria Callas. Les deux derniers chanteurs ont incarné Gualtiero et Imogène dans une production de 1958 à La Scala demeurée légendaire, surtout pour l’ardente et subtile Callas (DR)