mardi 17 juin 2025

Festival Piano Passion Découverte Saint-Etienne (42),.Du 14 au 27 mai 2008

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Festival Piano Passion Découverte

Saint-Etienne
(42),

Du 14 au 27 mai 2008,
Grand Théâtre Massenet

Portrait en miroir de Robert et Clara Schumann

Il y a Robert, le romantique par excellence, en ses exaltations, ardeurs et excès tragiques. Mais aussi sa femme Clara, compositrice plus discrète et dont l’action fut en son siècle décisive pour l’art du piano. C’est ce qu’entend explorer, à travers bien des partitions majeures et d’autres moins connues, le festival Passion Découverte, grâce à une pléiade d’interprètes fort connus ou entrant dans la carrière, et réunie par l’Opéra-Théâtre de Saint-Etienne.

Un peu de silence, Clara !
« Un long cri d’amour désespéré vers toi », écrivait Robert à Clara pour lui parler de sa Fantaisie op.17, composée en pleine tourmente quand le Père Wieck barrait sans pitié le chemin des amours. Et après la happy end du mariage arraché par décision de justice, Robert le passionné confie : « Je suis tenté d’écraser mon piano, il devient trop étroit pour contenir mes idées. » S’il y eut un musicien romantique dans sa vie et dans son œuvre, ce fut bien Robert, emporté par ses ardeurs et ses rêves, jusqu’à en mourir au monde….La légitimité d’un titre de festival « piano passion découverte » est donc l’évidence autour de Schumann. Ou plus exactement des Schumann, Robert et Clara, aussi inséparables dans l’amour que dans le jeu au piano, pour le piano, et même l’écriture. Car on sait qu’un des problèmes artistiques au XIXe fut la misogynie – un « beau » retour en arrière par rapport au Siècle des Lumières – de la Société européenne en face de la création par les femmes. Et même la plus apparemment considérée par sa famille, son compagnon et le public fut de ce point de vue « reléguée », en même temps qu’exaltée pour son jeu d’interprète : autrement dit, « un peu de silence, Clara, je compose ! ».

Y-a-t-il une vie après le mariage des musiciens ?
Il faudrait « enquêter » de façon plus complète et complexe sur le « cas Robert et Clara » : il n’en reste pas moins que la compositrice s’effaça devant l’admiratrice et la propagatrice du génie de son mari, et d’une certaine manière se « réduisit à n’être qu’une des plus grandes pianistes de son siècle ». Pas suffisant ? Certes Robert n’agit dans ce domaine que de façon autoritaire-détournée, voire semi-consciente, mais très efficacement. D’une part, une fois marié, le couple-musicien connut l’inégalité de traitement, puisque dans la maison le piano fut réservé en priorité au compositeur (l’homme), Clara étant priée de n’occuper sa ( ?) place (la femme) au clavier que quand Robert aurait fini de travailler. Et puis il y eut les enfants, dont Robert disait lyriquement qu’on « ne saurait en avoir trop », et que passant sans trêve à l’acte, il donna en grand nombre à sa femme, la mère devant dès lors « caser » sa carrière de concertiste (par ailleurs indispensable aux finances du foyer) entre la charge maternelle, la « tenue » de la maison et les tournées de soliste. Et pourtant Clara resta compositrice, « dans l’ombre » de Robert, et il importe d’y aller entendre, ne fût-ce que pour chercher à comprendre dans quelle mesure des dons incontestables (ses œuvres de « jeunesse » et les autres) furent mis en sourdine par sa vie d’amante, d’épouse, de mère passionnée (mais pas totalement, puisqu’elle réussit à maintenir une vie-compositrice-après-le-mariage). Car il est vrai aussi que Clara ne fut pas un(e) Mozart assassiné(e) comme en son siècle Fanny Mendelssohn (par père et surtout frère) ou plus tard Alma Mahler (par son futur, ce Gustav qui lui écrivit une incroyable lettre-diktat avant le mariage, – « tu te maries donc je suis (seul à composer) » -quitte à s’en repentir mais trop tard). Mais à l’inverse n’eut pas en tant que compositrice la chance de liberté dont bénéficia en France Louise Farrenc, aidée, elle, par son éditeur et musicien de mari…

Créer tant qu’il fait encore jour

C’est à tout cela qu’on pourra réfléchir en suivant le festival stéphanois, dont la programmation permettra fort judicieusement de juger sur (quelques) pièces, notamment dans une soirée de clôture qui mettra en miroir un la mineur, mais op.7, concerto de la jeune Clara, et un la mineur infiniment plus connu (op.54), de Robert, augmenté des moins souvent joués Introduction et Allegro (Appassionato, bien sûr, op.92), et encore Allegro de concert (op.134) (Avec le Symphonique de Saint-Etienne, dirigé par Laurent Campellone). Clara-double sera également présente dans un des concerts solistes, où Avinoam Shalev fera écouter Scherzo et Romances (d’une certaine Clara Wieck) Scherzo, Pièces Fugitives, Variations sur un thème…de Robert, et Romance (d’une certaine Clara Schumann)… Le monde enfantin des deux sera au cœur d’ albums, un « Pour la Jeunesse » (par les extrêmement jeunes Victor et Anaïs Petiet, et Michaël Thizy, qui ont l’âge du rôle) et les encore moins connus Images d’Orient, Douze Pièces op.85 (par deux sœurs, Sanja et Lidija Bizjak). Rareté, « robertiennes » celles-là, que les Etudes et Esquisses pour piano à pédalier op.56 et 58, jouées par Mirco Bruson sur un très intrigant double piano de l’Italien Luigi Borgato….

Le cœur du programme est par ailleurs une « largement partielle intégrale » schumanienne, cet oxymore pointant dans plusieurs récitals les deux Carnaval, les Sonates op.11 et 14, la Fantaisie, les Kresleriana, les Phantasiestücke, les Scènes de la Forêt, les Etudes Symphoniques, les Intermezzi, l’Humoresque, les Danses des Compagnons de David, et des Novelettes. L’intérêt de ce festival réside aussi dans la présence conjointe des interprètes déjà en pleine lumière (Jean-Marc Luisada, Abdel Rahman El Bacha, Eric Le Sage, Claire Désert) et des plus jeunes arrivants, souvent très laurés ( Avinoam Shalev, Mirco Bruson, les sœurs Bizjak, Mu-Ye Wu, Jean-Baptiste Mathulin, Rani Calderon, Romain Hervé, Eric Astoul. Les implantations à l’extérieur, parfois très éloignés de la Ville) ouvrent aussi le jeu à des tout-jeunes patronnés par leur professeurs tuteurs : Marie-Noëlle Perreau, Emmanuel Roux, Xiao Peng Tiang, Pamela Hurtado, dans des programmes romantiques et modernes. Quant au récital de J.B.Mathulin, il est tissé des liens d’affection et d’admiration autour des Schumann, dans des pièces de Brahms, Chopin et Liszt dédiées à Robert. Et à l’héroïsme de celui qui disait : « Il faut créer tant qu’il fait encore jour. »

Saint Etienne, Grand Théâtre Massenet, à 18h30 et 20h30 : lundi 19 mai, mardi 20, mercredi 21, jeudi 22, vendredi 23. Soirée des concertos, samedi 24 (20h). Concerts à 20h : Saint-Priest-en-Jarez (mercredi 14), Balbigny (jeudi 15), La Grand’Croix (vendredi 16), Bourg-Argental (samedi 17)

Robert Schumann (1810-1856), 24 oeuvres; Clara Schumann (Wieck) (1819-1896), 7 œuvres ; J.Brahms ( 1833-1897); Frédéric Chopin (1810-1849); Franz Liszt ( 1811-1886)…
Information et réservation.: 04-77 47 83 40 ; www.opera-theatre.saint-etienne.fr

Illustrations: Robert et Clara Schumann (DR)

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