mardi 29 avril 2025

Actualités CD: opéras et oratorios baroques Notre sélection des meilleurs cd d’opéras et d’oratorios baroques

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Opéra, oratorio baroque

Georg Friederich Haendel: Tolomeo, 1728

Voilà exactement comme pour Teseo ou Flavio, le type d’ouvrage mésestimé dont l’écoute révèle les splendeurs, de bout en bout. Nous avions remarqué dans la même veine, l’enregistrement convaincant d’ Amadigi que Lopez Banzo a bien fait de réexhumer pour Ambroisie. En 1728, c’est à dire au début de sa carrière londonienne, Haendel s’épanche, batifole même en de suaves analogies arcadiennes: ce pastoralisme sentimental, si cher en peinture à un Boucher, transparaît nettement dans un livret plus extatique qu’efficace. Mais l’on sait désormais que nos critères de dramaturgie n’ont que peu de choses à voir avec les idéaux rococo. Cette furià musicale qui emporte tous les tableaux séduit inévitablement l’auditeur et peu importe s’il n’ y pas cet équilibre, entre effusion et action, héroïsme et amour, à venir dans Giulio Cesare ou Alcina voire Ariodante. Alan Curtis aime se perdre, et nous enchanter, dans ce dédale des illusions amoureuses: si l’opéra baroque est un labyrinthe de réalités flottantes, mêlées, en fausses perspectives mais en vertiges de la raison, alors Tolemeo appartient aux oeuvres les mieux ciselées. D’ailleurs, le chef américain choisit la clarté lumineuse pour chanter ce coeur en émoi qu’est Tolomeo: Ann Hallenberg s’y révèle éblouissante par sa maîtrise du texte articulé et de la suavité expressive. Autour d’elle, aucun nuage dans cette radieuse vallée où les affections palpitent dans chaque bosquet. Le plateau est en cela exemplaire, car outre l’allant, la vitalité des engagements individuels, le « flûté » de l’articulation est d’une subtilité et d’une élégance, comme d’un naturel, généreux. En artisan lui-même amoureux des voix, Curtis se met à distance, comme pour atténuer pulsions et accents d’un orchestre fracassant (si l’on en croit certains témoignages d’époque) afin de sertir et de mettre dans la lumière, les perles vocales. Ce beau chant, porté par chaque protagoniste reste envoûtant. Voici la version de référence, sans réserve.
Georg Friederich Haendel: Tolomeo
, 1728. Avec Ann Hallenberg (Tolomeo), Karina Gauvin (Seleuce), Anna Bonitatibus (Elisa), Romina Basso (Alessandro), Pietro Spagnoli (Araspe). Il Complesso Barocco. Alan Curtis, direction (3 cd Archiv). Parution: mars 2008


Georg Friedrich Haendel
: Riccardo Primo, 1728


Autant Curtis (en un Tolomeo contemporain également publié en avril 2008), soigne les écarts dynamiques, arrondit les angles et diminue les échelles d’accents, autant Paul Goodwin cultive la vertu inverse: le caractère, le mordant, du relief et du muscle à chaque phrase énoncée. Le début bondissant, nourri d’une riche tendresse alliant le vacarme et la noblesse martiale, l’éclat et l’imprécation blessée indique d’emblée la tenue d’ensemble. La partition est à mettre en parallèle avec l’exaltation purement italienne et surtout romaine des oratorios que Haendel composa pendant son séjour si formateur en Italie. Les spécialistes haendéliens autoproclamés continueront de pincer la bouche: jamais à notre avis, Haendel n’aura connu une telle moisson de superbes enregistrements, de surcroît dédiés à des oeuvres peu produites sur les scènes habituelles. Depuis l’Amadigi révélé chez Ambroisie par un Lopez Banzo plus d’idées et de drame, ce Riccardo est de la même eau: volupté volcanique. Ce surcroît de tonicité qui conduit les chanteurs à prendre tous les risques, n’empêche pas cependant de purs instants d’extase amoureuse comme le duo Costanza/Riccardo qui conclue l’acte II. Au demeurant Nuria Rial et Lawrence Zazzo sont impeccables de noblesse, tendresse et musicalité. Qualités plus encore mises en valeur au cours de l’acte III, qui frappe davantage par ses contrastes: lamento funèbre ou prière sombre (Costanza seule: « Morte vieni », où le soprano frappé par l’ombre terrifiante est doublée par le traverso), puis éclat d’un amour triomphal, où à nouveau la voix de Costanza (soprano) est rehaussée par le piccolo. Goodwin sait électriser ses effectifs, sans temps morts. Le geste ne fait l’économie d’aucun vertige ni d’aucun contraste pour relancer continûment la tension. Voici une version impliquée qui en recherchant la fusion voix et orchestre atteint son objectif: nous toucher par sa volupé agissante.
Georg Friedrich Haendel: Riccardo Primo
, 1728. Avec Lawrence Zazzo (Riccardo), Nuri Rial (Costanza), Geraldine McGreevy (Pulcheria), Tim Mead (Oronte), David Wilson-Johnson (Isacio), Curtis Streetman (Berardo). Kammerorchester Basel. Paul Goodwin, direction (3 cd DHM Deutsche Harmonia Mundi). Parution: mars 2008


Alessandro Stradella
: San Giovanni Battista, 1675


On ne saurait trop saluer l’intuition d’Alessandro de Marchi de déterrer la partition du San Giovanni Battista,
composée à Rome en 1675, tenue par son auteur pour sa meilleure oeuvre
et estimée ensuite par Haendel. C’est dire assez la qualité de l’oeuvre
du compositeur de 36 ans, alors en pleine possession de ses moyens.
L’oeuvre est une commande des Florentins de Rome, créée en grande
pompe, et certainement estimée comme l’un des points forts des
célébrations saintes et musicales de l’année, le 31 mars 1675, dans
l’église San Giovanni dei Fiorentini. Saint-Jean Baptiste étant le
saint patron de Florence, Stradella se voyait honoré d’une commande
particulièrement prestigieuse. Marchi sait exalter ses troupes tout en
restituant l’énergique dialogue instrumental: concertino/concerto
grosso. La richesse foisonnante des couleurs de l’instrumentarium, pour
lequel le chef ajoute au temps fort de l’action une sinfonia
de Lelio Colista, accrédite le niveau de l’interprétation. La vision en
gagne une vivacité particulièrement convaincante, d’autant que le
plateau vocal est lui aussi des plus engagés.
Chaque interprète paraît comme traversé par la palpitation et même la
pulsation frénétique de son personnage: en cela les deux sopranos,
Herodiade (à laquelle Marchi octroie un air spécifique, le n°9: « Volin pure lontano dal sen« ), et Salomé, sa fille, expriment la passion dévastatrice des séductrices soumettant la basse Hérode (parfait Antonio Abete). Parution: janvier 2008. Lire notre critique complète de San Giovanni Battista de Stradella par Alessandro de Marchi

Georg Friedrich Haendel: Amadigi, 1715

Langueur, haine,
rageuse vengeance, invocation magique: tout ici s’accomplit dans une
langue nouvelle, marquée du sceau de la vérité voire de la
fulgurance.Le geste vocal qu’inspire Eduardo Lopez Banzo à l’ensemble
de ses effectifs, relève le défi d’une partition exceptionnelle qui
accorde la pure vocalità au geste dramatique. Le
propre de Haendel est d’offrir au public londonien la scène dramatique
de l’opéra italien: pas une machine à vocalises, pas un tremplin pour
la pure virtuosité mais un théâtre qui sous le filtre de son exigence
personnelle, exprime au plus juste le vertige des passions humaines. La
dramaturgie, alliant vraisemblance des situations et cohérence
psychologique, rétablissant le chant dans sa réalisation scénique,
selon les exigences du théâtre parlé, s’est imposée au compositeur dès
ses premiers ouvrages. Un saxon écrivant des opéras serias italiens à
Londres, telle est la réalité multiple du génie de Haendel, l’un des
auteurs les plus européens qui ait existé. A Londres, Haendel réinvente
en définitive l’opéra. Cet Amadigi de 1715 (créé au King’s Theatre de Haymarket, le 25 mai) en témoigne de façon exemplaire. Parution: décembre 2007. Lire notre critique complète de l’opéra Amadigi de Haendel par Lopez Banzo

Sélection réalisée par les rédacteurs de classiquenews.com: Benjamin Balifh, Camille de Joyeuse, Elvire James, Lucas Irom, Stéphanie Bataille. Supervision: Anthony Goret & Alexandre Pham

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