mardi 6 mai 2025

Johann Sebastian Bach: Passion selon Saint Jean Lyon, jeudi 20 mars 2008

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Johann Sebastian Bach
Passion selon Saint Jean

Lyon, jeudi 20 mars 2008

Chœur Arsys de Bourgogne et solistes dirigés par Pierre Cao

Selon la tradition musicienne, la période de Pâques favorise l’audition des grandes œuvres sacrées comme les Passions de J.S.Bach. A Lyon , c’est Pierre Cao avec son chœur Arsys, le Concert Lorrain et un quintette soliste – Christoph Prégardien, Evangéliste – qui fait voyager dans l’univers de la « Saint Jean »…

Construire la beauté avec le scandale de la souffrance

La tradition musicale de faire écouter les Passions de Bach au moment de Pâques marque les concerts du début de printemps. Le pouvoir d’emprise sur les cœurs est tel dans ces oeuvres d’immensité humaine qu’on peut y omettre les frontières entre religion et sacré, temps liturgique et saisons psychologiques, émotion architecturale et beauté sonore. Evidemment les chrétiens peuvent s’y sentit « chez eux », mais –Dieu merci !- l’époque est venue où toute notion de propriété cultu(r)elle s’efface désormais devant une citoyenneté du monde spirituel, donc une appartenance à l’universel, par la souffrance, le sacrifice, le partage, l’espoir. Et en réalité, tout « écoutant » de Passion chez Bach – comme tel « regardant » des tableaux et des gravures de Rembrandt- est aussi appelé à réfléchir sur le « scandaleux » paradoxe d’un art qui construit la beauté en faisant oublier son origine, le récit de la douleur humaine, de la laideur qui masque et déforme les corps et les esprits. La plénitude est ressentie puisque la musique – voix, instruments, et aussi durée qui embrasse les êtres pour mieux les soustraire à l’accidentel – participe de ce mystère que la seule représentation de ce que les Espagnols appelaient « acte sacramentel » ne suffit pas à cerner dans sa théâtralité sonore. Et nous le savons, dès que Bach installe – au début de sa Passion selon Saint-Jean – le chant du hautbois planant sur la mouvance des eaux symphoniques et qu’ensuite le chœur profère le cri adressé au Seigneur (Herr !), nous voilà irrémédiablement « embarqué » (selon la formule pascalienne du Pari) : telle est la magie de cet art, certes prière ardente pour ceux qui croient au ciel mais aussi appel de la condition humaine pour ceux qui n’y croient pas. Ainsi ne va-t-on pas non plus écouter les Passions comme les autres concerts, que cela soit en église-temple ou en espace plus profane.

Le message spirituel et l’aventure d’un chef de choeurs
C’est à cette exception que songeront sans doute les spectateurs de la Trinité, désormais lieu de référence pour la musique baroque, et ce genre d’opéra sacré si sublime, dont on se souvient que le Temps dédaigneux a laissé seulement subsister – dans leur intégralité – deux des cinq Passions composées par le Cantor de Leipzig. « Les Passions sont une invitation à dépasser la nature du concert pour faire passer un message spirituel », dit aussi Pierre Cao, le maître d’œuvre de la Saint-Jean, cette partition maintes fois remaniée dont la version initiale, de 1723, a été ici choisie. Le chef d’origine luxembourgeoise, musicalement formé en Belgique, avait très tôt commencé le travail avec chœurs – une chorale ouvrière, à l’origine …-, puis avait regagné le Luxembourg pour entamer sa carrière sous la tutelle bienveillante de Louis de Froment (Orchestre de Radio-Luxembourg), devenant donc peu à peu doublement spécialiste choral et symphonique. Résolument engagé dans le mouvement baroqueux – aux interprétations duquel il apporte sa coloration personnelle, faite de rigueur, du goût de l’articulation, de la primauté du texte et d’une forme sublimée de gravité -, il est devenu un des chefs les plus « universalistes », dont la voix compte dans le concert français et européen. Enseignant passionné, oeuvrant dans le domaine international – ainsi a-t-il créé un Institut Européen du Chant Choral -, il a formé de nombreux disciples ; son nom est attaché au chœur Arsys Bourgogne, fondé en 1999, qui est fréquemment associé à La Fenice, aux Agremens de Namur, au Concerto Köln ou à l’Arpeggiata, et dont le répertoire s’étend du grégorien à la musique d’aujourd’hui. En témoignent, au-delà des souvenirs de concerts, des disques où se lit la volonté de recherche qui marque le tempérament de Pierre Cao : des Vêpres pour le Père La Chaise, de Pierre Ménault, et de celles pour la chapelle de la Cour de Vienne, ou la Musique au Dôme de Salzbourg (Biber) jusqu’aux partitions de N.Bacri, T.Escaich, G.Connesson, R.Campo et P.Fénelon (K.617, Ambroisie, Universal Accord). Et dans le cadre du Festival d’Ambronay 2006, puis publiée sous ce label, une incursion chez Monsieur Frère Haydn (Michael) et son contemporain Georg Druschetzky…

De la Basilique à la Chapelle
En la Trinité et à l’invitation des Concerts de La Chapelle, voici donc Arsys Bourgogne. Instrumentalement allié au Concert Lorrain, dans cette partition capitale. Aux côtés de Andreas Pruys, Katharine Fuge, Robin Blaze et Peter Kooij, l’Evangéliste qui mène le récit sacré est Christoph Prégardien, lui aussi garant d’un respect de la « tradition moderniste ». Pierre Cao, qui dirige artistiquement les Rencontres Musicales de Vézelay, est de ceux qui font passer le souffle de l’esprit, dans l’œuvre de Bach comme dans l’architecture de la Basilique romane.

Johann Sebastian Bach (1685-1750): Passion selon Saint Jean. Chœur Arsys de Bourgogne, Concert Lorrain, solistes, sous la direction de Pierre Cao. Jeudi 20 mars 2008, Lyon, Chapelle de la Trinité, 20h30. Information et réservation T. 04 78 38 09 09 ; www.lachapelle-lyon.org

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