lundi 5 mai 2025

Biennale Musique en scène Lyon et sa région. Du 4 au 20 mars 2008

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4ème Biennale de Musique en Scène, du 4 au 20 mars 2008
Lyon et sa région. 46 spectacles de Stockhausen à Eötvös, Forum de la Jeune Création

Mehr Licht !
Pour sa 14e édition et en sa 4e forme en biennale, Musiques en Scène se tourne vers un compositeur très vivant qui marque la vie musicale internationale, Peter Eötvös. Mais cette 4e Biennale est aussi placée dans l’ombre du Commandeur, Karlheinz Stockhausen, qui était en route pour rejoindre le grand âge atteint par son compatriote Goethe, mais en décembre 2007 a décidé qu’il raccourcirait le chemin vers cette Lumière (Licht) qu’il poursuivait depuis presque 30 ans en son testament qui porte ce titre, « mystico-musico-théâtral ». Et si comme on le rapporte, Goethe a demandé sur son lit de mort « Mehr Licht ! » (Plus de lumière, donc davantage de…, et non éteignez la clarté, bien sûr), on n’écoutera pas sans émotion l’hommage que Peter Eötvös avait de toute façon demandé qu’on l’inclue dans la session 2008. L’occasion aussi de réfléchir sur la place de cet immense compositeur dans l’histoire de notre époque, sur sa revendication post-et-hyper-wagnérienne d’une « oeuvre d’art totale » qui ne peut finalement plus être confiée au Système de commande, d’interprétation et de diffusion et dont l’organisation de « délivrance » incombait au Maître de Musique lui-même ou à ses successeurs investis.

Le Quatuor de Darmstadt
La Biennale – dont la direction artistique est assurée par James Giroudon -« met en scène » une sorte de Pan Sonic Electronic, qui par le biais de la composition électronique – c’est tout de même « le monde selon GRAME » ! – permet d’aborder dans les meilleures conditions la haute époque de Stockhausen, notamment en rendant au jeune public le mythique Chant des Adolescents, son op.8 de 1955, et même les Etudes quasi-archéologiques de son concret (1952), puis les partitions non moins fondatrices de Kontakte (1958) et des Hymnen (1966). Mittwochs Abschied (1995), et surtout Freude (pour deux harpes, 2006 ), petits fragments de la galaxie Licht, donneront un éclairage sur ce qui armatura la 3e « histoire » de la vie du compositeur (tiens encore Goethe : « Mon œuvre est celle d’un être collectif et elle porte le nom de Goethe »…), à partir du milieu des années 70, et qui est méditation sur la fonction du Temps interpénétrant l’œuvre et « la Vie comme processus du début à la fin », selon l’autoportrait de Stockhausen. Alias « Stockh », abréviation pour les intimes et le premier cercle : mais Karlheinz était-il le 4e d’une Ecole implicite puis dispersée qui se fût nommée « de Darmstadt, ou d’un Quatuor Boulez-Berio-Nono-Stockh… ? Avec ses moyens somme toutes modestes au regard de la démesure du compositeur, la Biennale ne pourra cependant pas – sauf surprise à secret jalousement gardé – faire piloter 4 hélicoptères (les 4 compositeurs majeurs du GRAME, à défaut des 4 du Quatuor Arditti, comme en 1996 au festival de Hollande) et d’ailleurs sous l’autorité de qui ? Car on voit mal la modestie d’un des pères fondateurs de l’acousmatique, le doux François Bayle – qui présente ce « cycle Stockh » – s’investir en un tel scenic-airway dans la tour de contrôle des Subsistances. Histoire, histoire, quand tu nous tiens…
Peter Eötvös, ses Trois Sœurs, l’ONL et P.L.Aimard
Il est vrai que « le commissaire invité » – pour reprendre un titre davantage « expos »-, Peter Eötvös est fort lié à Lyon, depuis qu’il était venu jouer du Stockhausen, il y a une quarantaine d’années, et qu’il s’était senti « émerveillé par la beauté de la ville ». D’abord connu comme chef d’orchestre, le musicien hongrois « devint » très européénnement compositeur à partir de l’époque où Pierre Boulez lui confia (1978-1991) la direction de l’Intercontemporain. Lyon le vit chef lyrique pour un Don Giovanni, mais surtout (1998) auteur-et-chef pour ce qui était son 3e opéra, Les Trois Sœurs, d’après la pièce de Tchekhov. Une œuvre décisive, qui dix ans après sa création entre Rhône et Saône, est souvent citée en exemple de magistrale mais non ésotérique lisibilité, et a été plusieurs fois reprise : P.Eötvös en donnera d’ailleurs le commentaire à l’Amphi de l’Opéra avant diffusion du film qui en a été tiré…De même pourra-t-on venir au « point-rencontre » du compositeur que le CNSM organise, avec deux de ses partitions jouées par l’Atelier-XX-21 (F.Pierre) en même temps qu’une pièce de Raphaèle Biston. Portrait en plusieurs facettes : à nouveau le chef d’orchestre se dirigeant (CAP KO, un concerto pour piano de 2005) et faisant écouter son compatriote Giorgy Kurtag, l’Italien Marco Stroppa et l’antériorité prophétique du Poème du Feu, un Scriabine de 1910. L’intérêt de ce concert (Orchestre National de Lyon) est souligné par la présence de Pierre-Laurent Aimard : le pianiste d’origine et de première éducation musicale lyonnaises a très rapidement été dans le premier cercle messiaenien, mais aussi kurtagien et surtout boulézien. Le Patron de l’Intercontemporain en a fait jeune soliste de 18 ans l’Ensemble, et sa renommée n’a cessé de grandir, dans le rôle de l’interprète privilégié du bel aujourd’hui – spécialement pour Ligeti, Benjamin, Stroppa – mais aussi et de plus en plus dans celui de tout le répertoire du classique au moderne, jouant en soliste avec les plus grands chefs (Boulez évidemment, Harnoncourt, Mehta, Ozawa, Haitink…), chambriste émérite, jouant dans ses concerts le rôle du pédagogue précis et « progressif », et enseignant désormais au CNSM parisien et à la Hoschschule de Cologne…Il s’agit certainement là d’un des concerts les plus importants et excitants que l’ONL présente à ses auditeurs dans la saison 2008…

Le XIe siècle et la Jeune Création
L’événement est également lyrique, et à double face. D’un côté, l’Opéra lyonnais assure la création mondiale du dernier sorti de la plume eötvösienne, une Lady Sarashina qui après l’inspiration de Tchekhov (le metteur en scène Amagatsu avait conçu le « transfert » des Trois Sœurs dans un univers japonais) et de Genet (Le Balcon) marque la fascination du compositeur pour l’Extrême Orient. « Sarashina », rebaptisée Lady, est le lieu de voyage d’une Japonaise du XIe qui écrivit un Journal devenu classique au pays du Soleil Levant. P.Eötvös construit son opéra en 9 séquences, demande à Agamatsu de mettre en scène, à Mireille Delunsch d’incarner Sarashina, et bien sûr dirige l’ensemble. En regard, l’opéra Hanjo de Toshio Hosokawa, d’après des nouvelles de Mishima. A l’inverse de telles « célébrités » (légitimes), on ne manquera pas de se tourner, selon l’esprit de la Biennale, vers « la toute jeune création ». Dans le cadre du CNSM et du Musée des Moulages (Université Lyon-2), un Forum International rassemblera des œuvres lauréates et mixtes (Borrel, Kishino, Maldonado, Matalon, Béranger, Ritz, Leblanc, Lludgar, Roberts…), « portées » en même temps que celles des aînés (les Déserts de Varèse, Eötvös, Jaffrennou…) par l’Ensemble Orchestral Contemporain (EOC, Daniel Kawka) et le Nouvel Ensemble Moderne (NEM, Lorraine Vaillancourt).

Renontres, chorégraphies et poésie
Robert Pascal est présent en concert-rencontre pour ses pièces de dimension haï-ku (Instant Elémentaires), une Journée Langagière est menée au TNP (avec lectures par Dominique Reymond, œuvres d’Eötvös, Rebotier, Lanza avec la chanteuse Donatienne Michel-Dansac), et le même TNP accueille une Descrizione del Diluvio, spectacle multimédia de M.Lanza et P.Pachini d’après Léonard de Vinci, avec les Percussions de Strasbourg et les Vocalsolisten de Stuttgart, dont l’écho retnetira au Toboggan de Décines pour une soirée de Poésie -Nuit. En parallèle, le quatuor de saxophones Habanera, un Pasodoble (Kelemenis, Fénelon) par TM+, le Trio Szacksi-Lakatos, les Percussions-Claviers de Lyon (œuvres de Thierry de Mey), l’ensemble Actem en Chambre Noire, un Typhon d’après Conrad (V.Carinola), Har le Tailleur de pierre (M.Matalon, R.Dubielski), spectacle pour 7 à 77 ans, une chorégraphie des villes imaginaires par Les Arpenteurs, un opéra de ¨Phil Glass, Les Enfants Terribles…Et des installations en propositions filmiques (Th. De Mey), les Boites Sonores de l’Inventaire avec les tiroirs des 15 compositeurs rhône-alpins, Livre Blanche de J.C.Bacconnier, rencontres et colloques.

Concerts, opéras, danses, multimédias. Lyon, , Villeurbanne, Décines, Oullins, Saint-Priest, Pierre Bénite, Villefranche ; Valence. 46 spectacles entre 4 et 20 mars 2008. Films, rencontres, colloques, expositions.
Information et acceuil, Grame, Lyon. Tél.: 04 72 07 37 00 ; réservation Biennale, Tél.: 04 78 28 05 35. www.grame.fr

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