lundi 5 mai 2025

Giuseppe Verdi: Luisa Miller, 1849 Paris, Opéra Bastille. Du 14 février au 12 mars 2008

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Giuseppe Verdi
Luisa Miller, 1849

Paris, Opéra Bastille
Du 14 février au 12 mars 2008

Nouvelle production
Mise en scène: Gilbert Deflo
Direction musicale: Massimo Zanetti

Pas de salut pour l’amour

En abordant Schiller qu’il réactualise (ici l’action se passe au XVII ème siècle et le père de Luisa n’est plus professeur de musique mais il devient soldat), Verdi brosse le portrait de la pureté sacrifiée, de la naïveté amoureuse immolée sur l’autel de la corruption sociale. La vision est noire et âpre, comme souvent chez le compositeur. A la source de l’opéra, le roman éponyme de Schiller qui est un drame bourgeois, transfère l’intrigue digne d’une tragédie aristocratique et héroïque, dans le milieu réaliste des familles bourgeoises allemandes. Le style Sturm und Drang marque l’inspiration romantique et fantastique de l’action: le couple des coeurs purs, Rodolfo et Luisa, s’oppose à celui « politique », intrigant, pervers, formé par Federica (Lady Mailford chez Schiller), qui est la maîtresse du Prince. Verdi gomme la satire sociale criante dans le texte de l’écrivain allemand et préfère approfondir l’intrigue intimiste et psychologique des caractères, sans abandonner néanmoins la charge critique contre l’hypocrisie de son temps. C’est un drame individuel et une fresque sociale d’une rare acuité.

Un drame intimiste
Dans son portrait sociologique et émotionnel, Verdi simplifie et renforce les constrastes entre les personnages: à la douceur ardente et tendre de l’amoureux Rodolfo (ténor), le compositeur oppose les deux voix de basses: Wurm, sbire de l’ombre, et le Comte Walter, deux êtres avides et ambitieux, sans idéal, sans scrupules qui incarnent l’avidité barbare du pouvoir, mais aussi le timbre du baryton ici incarné par le père de Luisa, être suceptible et père possessif. A la pureté de Luisa (soprano), le compositeur fait correspondre de la même manière son « double » obscur: Federica (mezzo), une veuve vorace qui aime aussi Rodolfo. Verdi qui s’est installé à Sant’Agata, vit isolé de l’hypocrisie de son temps. Veuf, et pourtant concubin mais non marié, il est la proie des diatribes de ses contemporains. Dans Luisa Miller, il règle ses comptes avec les convenances illusoires de son temps: ainsi, indiscutablement le bourgeois est immoral et manipulateur. Sans état d’âme ni éthique, il bafoue l’honneur et le respect. Confronté aux êtres sensibles voire fragiles (comme Luisa), cet anti héros nauséeux ne tergiverse pas: il manipule et il tue. Ni Rodolfo ni Luisa ne sortiront vivants de cette traversée en eaux troubles.

Walter/Miller: deux pères barbares

Portrait indigne et emblématique de cette satire bourgeoise, Walter, le père de Rodolfo incarne un homme froid et sans coeur qui bafoue l’amour paternel. Et l’on sait combien la figure du père, de Rigoletto à Simon Boccanegra est cruciale dans la pensée dramatique du compositeur. Ici, la vision est sans nuances. Elle est sous l’emprise du Comte Walter, un tyran politique sans amour qui utilise les individus comme des pions sur l’échiquier de sa carrière. Même la relation de Miller et de sa fille Luisa, s’avère destructrice: possessif, voire exclusif, Miller culpabilise sa fille, trop crédule et soumise: elle sacrifie tout amour à celui de son père. Au final, confrontés à deux mondes dont ils ne maîtrisent pas la perversité, ni Rodolfo ni Luisa ne pourront librement s’aimer.

La vision de Gilbert Deflo
Dans la production de l’Opéra Bastille, le metteur en scène belge, Gilbert Deflo (né en 1944) à qui l’on doit sur la même scène, Manon (1997), l’Amour des Trois oranges (2005), Un bal masqué (2007), imagine le déroulement de l’action « entre deux prières »: Luisa est un fille fervente dont l’amour est un sentiment surtout religieux. Après le premier acte qui célèbre l’ardente flamme de l’amour entre les deux jeunes gens, le deuxième acte souligne combien aucun espoir ne leur est permis: la société dans laquelle ils évoluent et dont ils sont issus, est trop corrompue… Enfin, à l’acte III, le destin de la tragédie se réalise sans pause ni rémission. Aucun salut pour les coeurs purs.

France Musique diffuse en direct Luisa Miller de Verdi, en direct depuis l’Opéra de Paris, le 8 mars 2008 à partir de 19h


Illustrations

(1) Géricault: portrait de Laure Bro, 1819 (DR)
(2) Géricault: portrait de Byron (DR)

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