Mario Lanza
Un ténor à Hollywood
Arte, Musica
Samedi 10 novembre 2007 à 22h3
Documentaire. Réalisation: Mark Kidel. 1h, 2007. Après un documentaire sur un autre ténor, Fritz Wunderlich, mort en 1966, à l’âge de 36 ans, Arte consacre un nouveau chapitre de Musica de novembre, au ténor américain Mario Lanza, né à Philadelphie en 1921. Son timbre lumineux et intense aura profondément inspiré de nombreux chanteurs, d’Elvis Presley aux trois ténors, Placido Domingo, José Carreras et Luciano Pavarotti. Le portrait de Mark Kidel met en lumière l’ascension d’une enfant prodigieusement doué, icône cinématographique, star adulée trop tôt ou homme en proie à un manque fatal de confiance en lui, rattrapé par l’alcool et la nourriture, au point de devoir suivre cures de désintoxication et d’amaigrissement à répétition.
Ténor hollywoodien: chanter Verdi et Puccini au cinéma
Comptant non seulement un chant miraculeux qui rappelait le légendaire Caruso, Mario Lanza devient sous la férule du directeur des studio MGM d’Hollywood, LouisB. Mayer, un acteur chanteur, brûlant l’écran … et les diverses partenaires féminines qui lui donnaient la réplique et qui ne manquaient pas tomber sous le charme de l’invétéré séducteur… car comme tout homme qui manque de confiance en lui, Mario Lanza avait besoin de séduire et de conquérir pour affirmer son emprise et son pouvoir sur les autres. Pourtant, en dépit des films à succès enregistrés pour la MGM, des comédies musicales dont il enregistre la bande sonore avant de tourner les scènes, le ténor qui se rêve en chanteur d’opéra, ne parviendra pas à s’imposer sur la scène d’un théâtre lyrique. Manque d’assurance vocale là encore (il aura sa vie durant un trac terrifiant à l’idée de chanter en public), ou absence d’opportunité, celui qui fut mieux payé que Sinatra (en particulier à Las Vagas), ne fera jamais carrière à l’opéra. Il chante Madame Butterfly et Otello, mais aussi Pagliacio, devant la caméra, dans des scénarios réécrits permettant d’intégrer des extraits lyriques. Avait-il conscience que sa carrière au cinéma ne valait pas l’aura et le prestige d’une vraie carrière de ténor lyrique? Porté par l’euphorie des années qui suivent la deuxième guerre mondiale, à partir de 1947, l’artiste meurt en 1959, en Italie à Rome, dans l’hôpital qui l’accueillait régulièrement pour perdre des kilos. Parmi ses meilleurs réalisations cinématographiques: « That midnight kiss », le baiser de minuit (1949, MGM), « Great Caruso » (1951, MGM), Serenade (1956, Warner Bross) qui est de loin, avec The Great Caruso, son meilleur film; bénéficiant d’un excellent scénario et dans lequel l’acteur joue le rôle d’un ténor lyrique chantant Otello de verdi, aux côtés de l’actrice Sarita Montiel. Son dernier film, « Les 7 collines de Rome » le voit chanter en duo avec une jeune fille dans une mélodie qui suscite un succès immédiat.
Ironie de l’histoire que celle de son parcours chaotique où l’artiste miraculeux souffre de la fragilité morale d’un homme angoissé, qui ne fera jamais cette carrière tant espérée sur une scène d’opéra, à l’égal d’un Caruso… A défaut d’être applaudi par le parterre sous les lustres d’un théâtre prestigieux, Mario Lanza vendit plus de disque que Sinatra, osant passer de Puccini à Cole Porter. Il vendra plus de 2 millions de disques avec le tube « Be my love », faisant la fortune de son label, RCA. C’est pourtant une homme « ruiné par le fisc américain et détesté par le milieu pudibond des studios d’Hollywood » qui décide en 1957 de quitter les USA (définitivement) pour rejoindre la terre de ses ancêtres, l’Italie, passant aussi par Londres où il chantera devant la Reine Elisabeth. Crooner et ténor lyrique, rien de très nouveau somme toute si l’on songe que Roberto Alagna suit aujourd’hui les traces de Mario Lanza. Mais le talent sauve du ridicule et se moque des cloisonnements de l’esprit comme des frontières: en cela, Alagna aujourd’hui, comme Lanza hier, nous indiquent une voie salutaire. A méditer.
Crédit photographique: Mario Lanza (DR)