Le Festival Toulouse les orgues sait captiver son auditoire. En particulier en dévoilant à l’amateur curieux, quelques joyaux instrumentaux dont l’orgue de l’église Sainte-Marie à Cintegabelle, à quelques kilomètres de Toulouse, est l’une des pièces maîtresses. Le buffet et ses tuyaux en façade, en grappes majestueuses, surtout son décor sculpté comprenant deux victoires glorieuses à son faîte, et une cohorte d’anges musiciens, est un enchantement. Le premier ensemble remonte aux années 1741, dû certainement au facteur lorrain Christophe Mouicherel. Orgue de tribune, l’ample corps repose sur deux atlantes dont la musculature « romaine » rappelle la dynamique néo classique de Puget. Remplaçant Jean-Charles Ablitzer, empêché pour raison de santé, c’est Yves Rechsteiner, responsable du département de musique ancienne du Cnsm de Lyon qui se confronte à l’instrument. L’interprète qui joue aujourd’hui plus volontiers au clavecin, a cependant obtenu un Premier prix d’orgue dans la classe de François Delor au Conservatoire Supérieur de Genève, en 1989.
Le choix des partitions et des compositeurs est d’autant plus pertinent qu’il met en avant les exceptionnelles qualités sonores de l’instrument, en particulier dans les oeuvres qui remontent à sa fabrication orginelle. C’est en effet totalement convaincant d’aborder à Cintegabelle, de Grigny et surtout Couperin dont l’instrument restitue avec grâce cet esprit dansant, ce chant d’une harmonie angélique. Mais les chorals de Jean-Sébastien Bach, en particulier « Nun komm der Heiden Heiland« , Bwv 659, font entendre une célébration suspendue de tendresse et d’intimité, l’expression de la communion quand Dieu miséricordieux embrasse ses fidèles. Voilà qui rompt avec les éclats d’un Couperin, en comparaison presque trop galant. Le programme intitulé « reflets et influences« , tout en révélant la personnalité de six compositeurs parfaitement distincts, démêle les filiations et le jeu des influences. Contre toute idée préconçue, l’écriture de Titelouze paraît presque plus austère que celle de son contemporain, Praetorius, pourtant issu de la Réforme Luthérienne. Quand au Bach ici convoqué, il confirme sa réputation d’homme universel, capable à Lüneberg par exemple de copier le livre d’orgue de Nicolas de Grigny. L’ornementation foisonnante cite par exemple dans « Meine Seele erhebt den Herren », fuga sopra Magnificat Bwv 733, sa connaissance profonde et presque intuitive tant elle sonne naturelle, des figuralismes de l’école française.
Le jeu brillant, remarquablement articulé d’Yves Rechsteiner, né en 1969 à Yverdon (Suisse) se délecte à souligner la foisonnante palette des couleurs et des timbres de l’orgue.
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Consultez le site du Festival Toulouse les orgues afin d’y relever toutes les caractéristiques de l’instrument, en particulier reportez-vous à la rubrique « Patrimoine ».
Festival Toulouse les Orgues. Cintegabelle, église Sainte-Marie de la Nativité. Samedi 13 octobre 2007. Michael Praetorius (1572-1621): Hymne « O lux beata trinitas », Jehan Titelouze (1563-1633): Hymne Ave Maris Stella, Georg Boehm (1661-1733): Partita sur « Ach wie nichtig, ach wie flüchtig », François Couperin (1668-1733): Kyrie de la messe pour les couvents, Jean-Sébastien Bach (1685-1750): trois chorals, Nicolas de Grigny (1672-1703): Hymne Ave Maris Stella. Yves Rechsteiner, orgue.