Festival de musique sacrée de Sylvanès (12)
Du 8 juillet au 26 août 2007
Les prolongements de l’histoire d’un repenti
Cela commença par le repentir d’un brigand, un certain Pons de l’Héras qui pour expier ses petits et grands Désordres fonda une communauté d’ermites ensuite rattachée à l’Ordre de Citeaux : les ermites, les repentis, Citeaux, choisissez votre siècle de référence…Si vous dites XIIe vous avez gagné. Et si vous tapez sur le clavier 1136 pour « année de rattachement », vous avez peut-être obtenu 1136 indulgences et autant de chances d’entrer directement au Paradis. Pardon, je me trompe d’époque. Mais c’était bien 1136 : un coup de chance ? Ou alors, soyons rationnels : la preuve que vous avez triché en regardant un dépliant des Offices de tourisme aveyronnais. Objection, Monseigneur, je suis historien spécialisé du monachisme médiéval…Ah bon, alors venez tout de même faire vérifier tout cela à l’Abbaye de Sylvanès (12360), et de préférence entre 8 juillet et août. Outre qu’en montant de Montpellier ou en descendant de Millau et de là en obliquant à l’ouest (un peu plus compliqué qu’il n’y paraît, mais que diable il existe des cartes, ou pour les infirmes de leur lecture, le système GPS), vous allez vous retrouver en pleine nature sud-aveyronnaise, et au cœur d’une architecture romane ( abbatiale cistercienne, justement) dont la splendeur austère, l’acoustique, le climat général vous mettront à même non seulement d’admirer, mais de réfléchir.
Variations sur le sacré
Car depuis 1978, l’été à Sylvanès a célébré les rapports entre silence naturel ou intérieur et résonances de toutes musiques. Ce furent d’abord « des animations, où le chant sacré côtoyait la musique de chambre ou traditionnelle et l’opéra ». Puis le vocal et choral sacré s’imposa, dans le cadre de la tradition catholique romaine (années 80), s’ouvrant elle-même à la Grande Europe (Occident et Orient), aux monothéismes du Bassin Méditerranéen. Avec le début du XXIe, le reste du monde entre en contact avec le christianisme, qui ne s’affirme plus comme dominant ou paternaliste détenteur des valeurs spirituelles : islam, judaïsme, bouddhisme, hindouisme coexistent avec lui, tous refondant une émotion et une interrogation autour du sacré. Alors 2007 affiche un titre rassembleur : les chants de l’âme autour du monde, qui est comme une variation sur la spiritualité musicale planétaire. Ecrit par le directeur artistique et fondateur, Michel Wolkowitsky, cela prend une tonalité non seulement œcuménique, mais qui peut rassembler tous les humains de bonne volonté : « Dans ce monde géré par l’égoïsme, l’injustice, la violence et la guerre, il nous revient d’œuvrer pour opposer à ces germes mortifères une culture de paix…Nous affirmons notre volonté de toujours plus favoriser la rencontre des cultures, des religions et des hommes dans la confrontation, le dialogue…pour tenir à distance toute barbarie. »
D’Asie en Europe
Vous pourrez donc concentrer votre séjour sur une semaine de l’Asie, fin juillet. 15 artistes chinois « populaires et traditionnels » feront découvrir le théâtre d’ombres, les marionnettes à fils et à gaine, le travail rassemblé des musiciens, chanteurs et jongleurs, ou pour le Japon, une analogue « nuit au pays du soleil levant », ou encore des ensembles qui vous mèneront « aux origines sacrées de l’Inde millénaire » et vers « la danse sacrée de l’Inde du Sud ». Comme l’orthodoxie a depuis longtemps sa place à Sylvanès – et même une chapelle en bois de ce style reconstruite non loin de l’abbaye cistercienne -, les chants liturgiques et populaires de Russie et d’Ukraine Chœurs des Cosaques de l’Oural), les chants et polyphonies d’Ukraine (Chambre de Kiev) et les Cordes d’argent de Saint-Pétersbourg sont fort présents. L’âme tzigane paraît avec la Route des Fils du Vent, et en accord avec les traditions yiddish ou hassidiques (Sirba Octet). La Méditerranée chante son errance d’Occitanie en Andalousie (Troubadours Art Ensemble), en Nuit de l’Occitanie, avec la Compagnie Rassena, et dans la magie des voix corses de A Filetta et de Barbara Furtuna. Ou par le fabuleux voyage de l’Italien du début XVIIe, Pietro Della Valle, qui le mena en Grèce, Turquie, en Egypte, Syrie jusqu’en Perse (Ensemble XVIII-21, J.C.Frisch). Il y a aussi la musique sacrée d’Angleterre (Abbaye de Tewkesbury), la Nuit du Gospel (Gospelm Legend), et thématiquement, pour symboliser les voyages mentaux de cette 30e édition du festival, une création musicale et chorégraphique (Compagnie Tour de Babel, en résidence à Sylvanès) un « Ainsi soit-elle ! », invocation du féminin dans les traditions mystiques d’Orient et d’Occident. Car Sylvanès pratique depuis longtemps le principe et les modalités de la résidence – qui peut aboutir à la création d’œuvres comme celle, collective, de la Tour de Babel -, et depuis 1990, a ouvert un Centre d’Académie Européenne (chœurs, avec un orchestre ) ; sous la direction de Michel Piquemal c’est cette année la Grande Messe en ut (K.427) de Mozart qui est donnée en 4 concerts, à Sylvanès et en deux autres lieux de la région.
La musique du baroque et du classique
Car bien sûr, on ne saurait oublier « la musique ancienne, baroque et classique » du patrimoine occidental. Le concert d’inauguration en témoigne, avec la présence du directeur-fondateur en recitant des 7 Paroles du Christ, de Haydn (donné en même temps que le Stabat Mater de Pergolèse, Ensemble Forum Sinfonietta, Jérôme Devaud). Autre fusion dans la chronologie des formes du sacré, Le Chant du Destin et la Rhapsodie pour alto de Brahms alliée à la Messe op.8 de Dvorak (Contrepoint, Jean Gouzes). L’éclat de Vivaldi répond à celui du Magnificat de Bach (Ensemble dirigé par Jean Michel Hasler), tandis que l’austérité quasi-janséniste de M.A.Charpentier résonne dans sa Messe pour le Port Royal (Arianna, M.P.Nounou). Et si – comme le chantait superbement Racine, « repenti » tardif du reniement de ses vieux maîtres de Port-Royal -, « les saintes demeures du silence…ont une adorable splendeur », nul doute que pendant presque deux mois d’été, la solitude sylvanèsienne resplendira d’harmonies accourues de tous les horizons. Il est même annoncé que par un aménagement très… actuel de la règle cistercienne, des week-ends « coup de cœur » se feront « autour d’une thématique musicale et gastronomique : repas aux saveurs d’Asie ou de la Baltique, tziganes et du terroir… ». Ce qui n’empêche pas qu’il y ait aussi les concerts d’un festival-off, dont deux manifestations se prolongeront même le 2 septembre et le 2 novembre.
Concerts les 8, 14, 15, 16, 17, 20, 21, 22, 25, 29 juillet 2007, 3, 4, 5, 7, 12, 13, 19, 24 et 26 août 2007. Informations, programmes, réservations : Tél.: 05 65 98 20 20 ou www.sylvanes.com