dimanche 4 mai 2025

Téléchargement: vers une libéralisation dynamique du marché?

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EMI, éditeur visionnaire?

La décision de l’éditeur britannique EMI de lancer son catalogue digital sans DRM, a sonné comme un tremblement de terre. En mai prochain, EMI proposera l’ensemble de son catalogue sur iTunes (et bientôt les autres plateformes de téléchargement) en deux options: avec ou sans DRM. La décision qui pourrait s’avérer décisive, relance l’hypothèse d’une dynamisation du marché de la musique digitale. Analyse des enjeux.

L’offre « sans DRM »: principe et coût

Emi a confirmé le 2 avril 2007, le lancement de son catalogue en ligne sans DRM. Décision historique qui devrait bouleverser la donne du marché numérique et surtout dynamiser (enfin) à sa juste cadence, la croissance économique des plateformes de téléchargement, soumises aux contraintes des verrous électroniques anticopie, les DRM, qui contraignent plus qu’ils ne stimulent le marché de la musique enregistrée, audio et vidéo.
Tous les titres de la maison britannique seront ainsi téléchargeables sans DRM (sauf les Beatles): ils pourront donc être téléchargés au format MP3. Et ce, dans tous les pays, d’ici la mi mai 2007. Première plateforme partenaire, relayant cette offre nouvelle: iTunes d’Apple. La vision de Eric Nicoli, patron d’EMi, est d’offrir très vite une offre complète, avantageuse, facile d’utilisation, accessible et confortable aux internautes mélomanes, désireux d’enrichir leurs collections de musique, via le téléchargement. Après avoir diabolisé les pirates en ligne, et déclaré vouloir poursuivre les contrevenants, il s’agit à présent de « faire confiance aux consommateurs, et de les éduquer ». Stratégie de partenariat et non plus de répression.
Cependant, acheter un titre que l’on pourra transférer sur n’importe quel baladeur, et autant de fois que l’on voudra, coûtera plus cher qu’un titre avec DRM. La liberté d’usage aura donc un prix. Mais chaque titre sans DRM téléchargé sera aussi de meilleure qualité. Ainsi sur iTunes/Apple, le titre sans DRM est de 1,29 euros (encodé au format AAC 256Kbit/s), et celui avec DRM, de 0,99 euros (encodé en AAC à 128 Kbit/s).

Le revirement du patron d’Apple

Le patron d’Apple, Steve Jobs entend sensibiliser les autres éditeurs de disques, afin de proposer à ses clients le catalogue d’iTunes, avec ou sans DRM, à la carte. D’autant que les labels indépendants ont accepté depuis plusieurs mois, l’offre sans DRM. Quelle est donc la motivation de Steve Job qui hier encore, prônait les DRM comme seul rempart contre le piratage, rendant son modèle exclusif avec DRM c’est à dire complètement verrouillé, iTunes/iPod, comme une référence incontournable…? Hier, la sécurisation à outrance, contre le piratage. Le verrouillage technologique contre la liberté des consommateurs.
Aujourd’hui, Steve Job aurait-il pris en compte les nombreuses associations de consommateurs (comme UFC Que choisir en France) dénonçant le monopole abusif d’Apple, s’imposant aux mélomanes internautes ? Ces derniers mois, la critique des associations de consommateurs s’était durci, menaçant concrètement Apple de poursuites juridiques…
Confronté à un tollé grandissant des consommateurs piégés par le modèle de la marque à la pomme, Steve Jobs s’est ravisé pour un autre modèle économique plus souple, et plus respectueux de ses clients finaux. A quel titre en effet, Apple obligeait jusque là tout acheteur de fichiers musicaux sur iTunes, de n’écouter ce dont il est propriétaire que sur un iPod, le baladeur exclusif de la marque?
Un tel système fermé est bel et bien lettre morte, y compris le modèle rival présenté il y a peu par Microsoft avec sa plateforme et son balladeur, « Zune ». Avorté avant même de s’être développé.

Les enjeux

L’abolition des DRM va-t-elle doper l’industrie de la musique en ligne, en particulier va-t-elle favoriser le confort et la liberté des consommateurs en permettant l’interopérabilité?
La décision d’EMI confirme la volonté de la major de reprendre des parts de marché, elle qui était en perte sensible, accusant même après Noël 2006, une baisse record de ses ventes de disques. Aujourd’hui, la marque rouge annonce vouloir d’ici 2010, transférer le quart de ses ventes sur Internet via le téléchargement. Le but final reste évidemment le chiffre d’affaires. Il lui est donc primordial de perfectionner ce qui manque encore cruellement sur le net: une offre en ligne attractive, facile, riche, de qualité et concurrentielle.

L’offre d’EMi tout en cherchant la multiplication de ses ventes va aussi dans le sens du consommateur. Désormais, tout titre EMI acheté sur iTunes pourra être lu sur tout type de balladeur (avant seul l’iPod était compatible). En intégrant le principe de l’interopérabilité, EMI passe un cap historique.

Après le confort et la facilité de l’achat en ligne, la guerre sera commerciale et vise le prix du titre « sans DRM ». Pour EMI, l’offre sans DRM, plus coûteuse, s’apparente à une offre « Premium ».
Qualité d’encodage supérieure, transfert aisé, nombre de copies illimitées: à 1,29 euros, le titre qualitatif, c’est à dire sans DRM, est encore positionné « luxe ». Pourtant les labels indépendants vendent sans supplément de prix leur titre sans DRM, à 0,99 centimes d’euros. Le débat à venir concernera donc le prix des catalogues sans DRM, à l’unité comme en album.

Perspectives

Par ailleurs, l’autorité de régulation des DRM, qu’avait légalisé la loi DADVSI légiférant le droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information, est remise en cause. Si demain les DRM, si contraignants pour les consommateurs, donc contraignants pour l’essor de la musique en ligne ne sont plus d’actualité, c’est désormais toute la chaîne industrielle de la musique en ligne qui doit être repensée, y compris les instances européennes missionnées pour réguler et moraliser activité et conditions de la filière de la musique numérique.

Les majors que l’on pointait du doigt, il y a quelques semaines encore, pour leur manque de stratégie numérique, semblent bien avoir changé de cap. Plus que jamais, Internet prend figure d’eldorado du marché musical (audio comme vidéo). Reste une question: que vont faire les autres groupes, tel Universal ou Sony/Bmg? 2007 est bien l’année de la révolution numérique!

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